Page images
PDF
EPUB

elle; mais il faut bien savoir que, dans la recherche des rapports des grandeurs ou quantités quelconques, l'important n'est pas de fixer l'idée des choses au moyen d'une phrase, quand cette idée est si bien conçue, qu'elle ne peut donner lieu à aucune méprise. L'important est de définir clairement l'égalité et l'addition de ces choses, et cela est suffisant en même temps que nécessaire pour les comparaisons. Nous ne dirons donc pas ce que c'est qu'un angle, mais ce qu'on appelle angles égaux.

« On dit que deux droites qui se rencontrent font le même angle que deux autres qui se rencontrent en un autre point, quand on peut, en transportant l'un de ces deux systèmes, sans y rien changer, faire coïncider les directions de ses deux lignes avec les directions de celles de l'autre. »

Il faut bien remarquer que cette égalité est indépendante de celle des lignes des deux systèmes.

Du reste, c'est pour la commodité du langage qu'on introduit le mot angle, et l'on pourrait énoncer toutes les propositions où il entre, en le remplaçant par les conditions qu'il sert à exprimer. Cette remarque peut se faire, à la vérité, pour toutes les définitions, mais on aurait tort de se priver de l'avantage qu'elles donnent au langage lorsqu'elles ne sont pas défectueuses.

Nous définirons tout à l'heure l'addition des angles, et ce qu'on entend par angles plus petits ou plus grands.

Il est un cas remarquable d'égalité d'angles sur lequel nous croyons devoir dès à présent appeler l'attention: c'est celui où ces deux angles sont ceux qu'une droite qui en rencontre une autre forme avec les deux côtés de cette dernière. Nous regardons comme évidente la possibilité de cette position relative de deux lignes. On dit dans ce cas que la première est perpendiculaire sur la seconde, et qu'elle fait avec elle des angles droits.

14. Les surfaces, dont la forme peut varier à l'infini, offrent aussi un cas particulier très-remarquable, qui est en quelque sorte pour les surfaces ce que la droite est pour les lignes c'est ce qu'on nomme le plan.

On le définit ordinairement une surface telle, que si l'on fait passer une droite par deux quelconques de ses points, cette droite indéfinie est entièrement comprise dans la surface.

Cette définition, outre qu'elle ne donne pas une idée bien nette de la forme de cette surface, a l'inconvénient d'exprimer un nombre indéfini de conditions peut-être incompatibles. Existe-t-il une surface sur laquelle une droite puisse s'appliquer indéfiniment, quels que soient les deux points qu'on ait choisis pour la déterminer? Cette infinité de conditions imposées à cette surface la rend-elle impossible? Son existence est-elle une vérité première, qu'on doive admettre comme évidente, comme un axiome?

Nous ne partageons pas à cet égard le sentiment commun, et nous pensons que l'admission de cette surface peut être ramenée à quelque chose de plus évident et de moins hypothétique que le simple énoncé de cette définition.

Concevons, en effet, une ligne droite quelconque, et en un de ses points élevons une perpendiculaire. Supposons que cette seconde ligne prenne d'une manière continue toutes les positions possibles, en passant toujours par le même point et restant perpendiculaire à la première. Il est certainement plus facile de se représenter la surface lieu de toutes ces perpendiculaires, ou, par une image empruntée au mouvement, la surface engendrée par une droite perpendiculaire à la première et tournant autour d'elle en passant toujours par un même de ses points, que d'admettre a priori qu'il existe une surface telle, que la droite qui passe par deux quelconques de ses points y soit comprise tout entière. Or on peut facilement s'assurer que le

lieu dont nous venons d'indiquer la génération jouira de cette propriété.

Remarquons d'abord l'identité de forme de la surface considérée de ses deux côtés. Si, en effet, on la retourne et qu'on fasse coïncider chacune des directions de la première droite transportée avec elle avec la direction opposée à partir du point fixe, elle coïncidera avec sa première position, puisqu'elles seront l'une et l'autre le lieu des perpendiculaires à une même droite par le même point.

Il est de plus évident que cette surface coïncidera toujours avec elle-même si on la déplace de manière que les perpendiculaires qui l'ont engendrée restent perpendiculaires à l'axe fixe.

Cela posé, considérons deux points quelconques sur cette surface; faisons passer par ces points une ligne droite indéfinie, et suivons-la à partir d'un de ces deux points en marchant vers l'autre. Comme, par sa définition, elle est semblable de tous les côtés, et que le plan n'offre lui-même aucune dissemblance entre ces deux faces, de quel côté de la surface peut-on concevoir que passe d'abord la droite? Et elle ne peut passer des deux côtés à la fois, parce qu'alors, quand on serait arrivé au second point donné, on aurait deux lignes droites passant par les deux mêmes points, ce qui est admis impossible.

Comment donc n'admettrait-on pas comme évident qu'entre ces deux points la droite est tout entière dans la surface? Et l'on admettra aussi qu'elle n'en peut sortir au delà; car, par les raisons déjà données, si elle passait d'un côté, on serait fondé à admettre qu'elle passe de l'autre, et l'on aurait encore deux droites différentes qui auraient deux points communs, ce qui est contraire à la définition.

Toutes ces idées et ces propositions sont nettement indiquées, et leur admission ne semble pouvoir être l'objet d'aucune difficulté; tandis que l'idée du plan tel qu'on le

définissait est très-confuse et renferme tant de conditions, qu'on ne voit nullement qu'elles soient compatibles.

Le lieu dont nous venons d'indiquer la génération, et dont l'existence est incontestable, jouit donc de la propriété que, si l'on joint deux quelconques de ses points par une droite indéfinie, cette droite aura tous ses points sur la surface.

Et de là résulte, comme conséquence nécessaire, que toute droite indéfinie qui passe par un point qui n'appartient pas à ce lieu ne peut avoir qu'un seul point commun avec lui; car, si elle en avait deux, tous ses points devraient y être, ce qui serait contraire à l'hypothèse.

Cette remarque fait voir bien clairement que le lieu en question n'est nullement un corps solide; car une droite menée par un point extérieur à un corps peut, en le pénétrant, avoir avec lui un nombre indéfini de points communs. Ce lieu ne peut donc être rangé que parmi les surfaces, comme cela paraissait d'ailleurs bien évident.

15. La propriété remarquable que nous venons de déduire de la génération de cette surface est-elle réciproque? c'est-à-dire toute surface telle, que, si l'on en joint deux points par une droite, cette droite soit tout entière dans cette surface, est-elle le lieu des perpendiculaires à une droite, menées par un de ces points?

Pour résoudre cette question, dont on sentira bientôt l'importance, concevons deux surfaces quelconques jouissant de la propriété supposée, et dans l'une d'elles prenons arbitrairement trois points non en ligne droite. Transportons cette surface de manière que l'un de ces trois points. se trouve placé sur l'autre; puis, sans déranger ce premier point, faisons tourner la surface transportée de manière qu'un des deux autres points arrive à se trouver dans celle qui est restée fixe; et enfin, laissant ces deux premiers

points à la place qu'ils occupent, ce qui évidemment ne fixe pas la position de la surface que nous déplaçons, faisons encore mouvoir cette dernière de manière que le troisième point se trouve dans l'autre. Il est facile de démontrer qu'alors tous les points des deux surfaces coïncident.

On voit d'abord que les trois droites qui joignent ces trois points deux à deux sont dans les deux surfaces; de sorte que, au lieu de prendre trois points dans l'une, on eût pu indifféremment prendre deux de ces droites, ou même toutes les trois.

Considérons maintenant un point quelconque sur l'une des surfaces indéfinies, et prouvons qu'il est aussi sur l'autre.

Pour cela, menons par ce point une droite indéfinie dans les deux sens, qui passe par un autre point quelconque de la même surface, pris dans l'intérieur du triangle déterminé les trois droites. Cette nouvelle droite renconpar trera nécessairement deux de ces dernières; car il est évident que, prolongée indéfiniment dans les deux directions. à partir du point intérieur, elle sortira des deux côtés hors de la partie de la surface occupée par le triangle, et rencontrera son contour en deux points. Et ceux qui éprouveraient quelque difficulté à cet égard en éprouveraient bien davantage à l'admission de la définition ci-dessus mentionnée. Ces deux points de rencontre seront dans les deux surfaces, puisqu'elles renferment les deux droites rencontrées : la nouvelle droite sera donc aussi tout entière dans ces deux surfaces, et, par conséquent, le point par lequel nous l'avons menée y sera aussi. Tout point de l'une des surfaces étant sur l'autre, les deux surfaces coïncident.

Il est donc démontré que, si deux surfaces jouissent chacune de la propriété de renfermer tous les points de la droite menée par deux quelconques de leurs points, elles peuvent coïncider complétement en transportant l'une

« PreviousContinue »