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Londres,mais

dans le royau

me.

laiffent toujours la voie ouverte à la réconciliation; mais la ducheffe n'employa cette reffource que pour tout gâter. Elle écrivit impérieufement. Elle difait dans fa lettre : Rendez-moi juftice & ne me faites Changemens point de réponse. Elle s'en repentit enfuite: elle vint à la cour de demander pardon; elle pleura, & la reine ne lui non encore répondit autre chofe, fi non: Vous m'avez ordonné de ne vous point répondre, & je ne vous répondrai pas. Alors la rupture fut fans retour. La ducheffe ne parut plus à la cour; & quelque temps après on commença par ôter le ministère au gendre de Marlborough, Sunderland, pour dépofféder enfuite Godolphin & le duc lui-même. Dans d'autres Etats cela s'appelle une difgrace: en Angleterre c'eft une révolution dans les affaires ; & la révolution était encore très-difficile à opérer.

Les Toris, maîtres alors de la reine, ne l'étaient pas du royaume. Ils furent obligés d'avoir recours à la religion. Il n'y en a guère aujourd'hui dans la Grande-Bretagne, que le peu qu'il en faut pour diftinguer les factions. Les Wighs penchaient pour le presbytérianifme. C'était la faction qui avait détrôné Jacques II, perfécuté Charles II, & immolé Charles I. Les Toris étaient pour les épiscopaux, qui favorifaient la maifon de Stuart, & qui voulaient établir l'obéiffance paffive envers les rois, parce que les évêques en efpéraient plus d'obéiffance pour eux-mêmes. Ils excitèrent un prédicateur à prêcher dans la cathédrale de St Paul cette doctrine, & à défigner d'une manière odieufe l'adminiftration de Marlborough, & le parti qui avait donné la couronne

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. au roi Guillaume. (s) Mais la reine, qui favorifait ce prêtre, ne fut pas affez puiffante pour empêcher qu'il ne fût interdit pour trois ans par les deux chambres dans la falle de Veftminster, & que fon. fermon ne fût brûlé. Elle fentit encore plus fa faibleffe, en n'ofant jamais, malgre fes fecrètes inclinations pour fon fang, lui rouvrir le chemin du trône, fermé à fon frère par le parti des Wighs. Les écrivains qui difent que Marlborough & fon parti tombèrent, quand la faveur de la reine ne les foutint plus, ne connaiffent pas l'Angleterre. La reine, qui dès-lors voulait la paix, n'ofait pas même ôter à Marlborough le commandement des armées; & au printemps de 1711, Marlborough preffait encore la France, tandis qu'il était disgracié dans fa cour.

Sur la fin de janvier de cette même année 1711 arrive à Versailles un prêtre inconnu, nommé l'abbé Gautier, qui avait été autrefois aide de l'aumônier du maréchal de Tallart dans fon ambaffade auprès du roi Guillaume. Il avait depuis ce temps demeuré toujours à Londres, n'ayant d'autre emploi que celui de dire la meffe dans la chapelle privée du comte de Galas, ambaffadeur de l'empereur en Angleterre. Le hafard l'avait introduit dans la confidence d'un lord ami du nouveau miniflère oppofé au duc de Marlborough. Cet inconnu fe rend chez le marquis

(s) Le marquis de Torci l'appelle dans fes mémoires miniftre prédicant : il fe trompe; c'est un titre qu'on ne donne qu'aux presbytériens. Henri Sacheverel, dont il est question, était docteur d'Oxford & du parti épiscopal : il avait prêché dans la cathédrale de St Paul l'obeiffance abfolue aux rois & l'intolérance. Ces maximes furent condamnées par le parlement ; mais fes invectives contre le parti de Marlborough le furent bien davantage,

de Torci, & lui dit fans autre préambule: Voulezvous faire la paix, Monfieur? je viens vous apporter les moyens de la traiter. C'était, dit M. de Torci, demander à un mourant s'il voulait guérir. (t)

On entama bientôt une négociation fecrète avec le comte d'Oxford grand-tréforier d'Angleterre, & St Jean fecrétaire d'Etat, depuis lord Bolingbroke. Ces deux hommes n'avaient d'autre intérêt de donner la paix à la France que celui d'ôter au duc de Marlborough le commandement des armées, & d'élever leur crédit fur les ruines du fien. Le pas était dangereux; c'était trahir la caufe commune des alliés; c'était rompre tous fes engagemens, & s'expofer fans aucun prétexte à la haine de la plus grande partie de la nation, & aux recherches du parlement qui auraient pu leur coûter la tête. Il eft fort douteux qu'ils euffent pu réuffir mais un événement imprévu facilita ce grand ouvrage. L'empereur Jofeph I mourut, & laiffa les Etats de la maison 27 avril d'Autriche, l'Empire d'Allemagne, & les prétentions fur l'Espagne & fur l'Amérique, à fon frère Charles, qui fut élu empereur quelques mois après. (u)

(t) Mémoires de Torci, tome III, page 33.`

(u) Le lord Bolingbroke rapporte dans fes lettres qu'alors il y avait de grandes cabales à la cour de Louis XIV; il ne doute pas, tome II, page 144, qu'il ne fe formât dans fà cour d'étranges projets d'ambition particulière : il en juge par un difcours que lui tinrent depuis à souper les ducs de la Feuillade & de Mortemar : Vous auriez pu nous écrafer, pourquoi ne l'avezvous pas fait ? Bolingbroke, malgré fes lumières & sa philosophie, tombe ici dans le défaut de quelques ministres, qui croient que tous les mots qu'on leur dit fignifient quelque chofe. On connaît affez l'état de la cour de France, & celui de ces deux ducs, pour favoir qu'il n'y avait, du temps de la paix d'Utrecht, ni deffeins, ni factions, ni aucun homme en fituation de rien entreprendre.

1711.

Au premier bruit de cette mort, les préjugés qui armaient tant de nations commencèrent à fe diffiper en Angleterre, par les foins du nouveau ministère. On avait voulu empêcher que Louis XIV ne gouvernât l'Efpagne, l'Amérique, la Lombardie, le royaume de Naples & la Sicile fous le nom de fon petit-fils. Pourquoi vouloir réunir tant d'Etats dans la main de l'empereur Charles VI? pourquoi la nation anglaise aurait-elle épuifé fes tréfors? Elle payait plus que l'Allemagne & la Hollande enfemble. Les frais de la présente année allaient à fept millions de livres fterling. Fallait-il qu'elle fe ruinât pour une caufe qui lui était étrangère, & pour donner une partie de la France aux Provinces-Unies rivales de fon commerce? Toutes ces raisons, qui enhardiffaient la reine, ouvrirent les yeux à une grande partie de la nation; & un nouveau parlement étant convoqué, la reine eut la liberté de préparer la paix de l'Europe.

Mais, en la préparant en fecret, elle ne pouvait pas encore fe féparer publiquement de fes alliés ; & quand le cabinet négociait, Marlborough était en Septembre campagne. Il avançait toujours en Flandre; il forçait les lignes que le maréchal de Villars avait tirées de Montreuil jusqu'à Valenciennes ; il prenait Bouchain ; il s'avançait au Quênoi: & de là vers Paris il y avait à peine un rempart à lui oppofer.

1711.

Ce fut dans ce temps malheureux que le célébre du Gue-Trouin, aidé de fon courage & de l'argent de quelques marchands, n'ayant encore aucun grade dans la marine, & devant tout à lui-même, équipa une petite flotte, & alla prendre une des principales

villes du Brefil, St Sébastien de Rio-Janeiro. Son Prise de Rio équipage revint chargé de richeffes; & les Portugais Septembre & perdirent beaucoup plus qu'il ne gagna. Mais le mal odob. 1711. qu'on fefait au Brefil ne foulageait pas les maux de la France.

CHAPITRE XXIII.

Victoire du maréchal de Villars à Dénain. Rétablif fement des affaires. Paix générale.

Les négociations, qu'on entama enfin ouverte

ment à Londres, furent plus falutaires. La reine envoya le comte de Straffort, ambaffadeur en Hollande, communiquer les propofitions de Louis XIV. Ce n'était plus alors à Marlborough qu'on demandait grâce. Le comte de Straffort obligea les Hollandais à nommer des plénipotentiaires, & à recevoir ceux de la France.

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Trois particuliers s'oppofaient toujours à cette Les affaires paix. Marlborough, le prince Eugène & Heinfius per- Angleterre. fiftaient à vouloir accabler Louis XIV. Mais quand le général anglais retourna dans Londres à la fin de 1711, on lui ôta tous fes emplois. Il trouva une nouvelle chambre-baffe, & n'eut pas pour lui la pluralité de la haute. La reine, en créant de nouveaux pairs, avait affaibli le parti du duc, & fortifié celui de la couronne. Il fut accufé, comme Scipion, d'avoir malverfé: mais il fe tira d'affaire, à peu près de même, par fa gloire & par la retraite. Il était encore puissant dans fa disgrace. Le prince

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