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Thoyras, qui a donné en français la feule bonne hiftoire d'Angleterre; (*) un Saint-Evremond, dont toute la cour de Londres recherchait le commerce; la ducheffe de Mazarin, à qui l'on ambitionnait de plaire; Mme d'Olbreuse devenue ducheffe de Zell, qui porta en Allemagne toutes les grâces de fa patrie. L'efprit de fociété eft le partage naturel des Français: c'eft un mérite & un plaifir dont les autres peuples ont fenti le befoin. La langue française eft de toutes les langues celle qui exprime avec le plus de facilité, de netteté & de délicateffe tous les objets de la converfation des honnêtes gens, & par-là elle contribue dans toute l'Europe à un des plus grands agrémens de la vie.

CHAPITRE XXXIII.

Suite des arts.

A l'égard des arts qui ne dépendent pas unique

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ment de l'efprit, comme la mufique, la peinture, Mufique. la fculpture, l'architecture, ils n'avaient fait que de faibles progrès en France, avant le temps qu'on nomme le fiècle de Louis XIV. La mufique était au berceau quelques chanfons languiffantes, quelques airs de violon, de guitare & de téorbe, la plupart même compofés en Espagne, étaient tout ce qu'on connaiffait. Lulli étonna par fon goût & par fa fcience. Il fut le premier en France qui fit des baffes, des milieux & des fugues. On avait d'abord quelque peine à exécuter fes compofitions, qui (*) Celle de M. Hume n'avait pas encore paru. Siècle de Louis XIV. Tom. II.

S

Lulli.

Architecture.

paraiffent aujourd'hui fi fimples & fi aifées. Il y a de nos jours mille perfonnes qui favent la mufique, pour une qui la favait du temps de Louis XIII; & l'art s'eft perfectionné dans cette progreffion. Il n'y a point de grande ville qui n'ait des concerts publics; & Paris même alors n'en avait pas. Vingt-quatre violons du roi étaient toute la mufique de la France.

Les connaiffances qui appartiennent à la mufique & aux arts qui en dépendent, ont fait tant de progrès que fur la fin du règne de Louis XIV on a inventé l'art de noter la danfe; de forte qu'aujourd'hui il eft vrai de dire qu'on danfe à livre ouvert.

Nous avions eu de très-grands architectes, du temps de la régence de Marie de Médicis. Elle fit élever le palais du Luxembourg dans le goût tofcan, pour honorer fa patrie, & pour embellir la nôtre. Le même de Broffe, dont nous avons le portail de St Gervais, bâtit le palais de cette reine, qui n'en jouit jamais. Il s'en fallut beaucoup que le cardinal de Richelieu, avec autant de grandeur dans l'efprit, eût autant de goût qu'elle. Le palais cardinal, qui eft aujourd'hui le palais royal, en eft la preuve. Nous conçûmes les plus grandes efpérances, quand nous vîmes élever cette belle façade du louvre, qui fait tant défirer l'achèvement de ce palais. Beaucoup de citoyens ont conftruit des édifices magnifiques, mais plus recherchés pour l'intérieur que recommandables par des dehors dans le grand goût, & qui fatisfont le luxe des particuliers, encore plus qu'ils n'embelliffent la ville..

Colbert, le Mécène de tous les arts, forma une académie d'architecture en 1671. C'eft peu d'avoir des Vitruves, il faut que les Augufles les emploient.

Il faut auffi que les magiftrats municipaux foient animés par le zèle & éclairés par le goût. S'il y avait eu deux ou trois prévôts des marchands, comme le préfident Turgot, on ne reprocherait pas à la ville de Paris cet hôtel-de-ville mal conftruit & mal fitué; cette place fi petite & fi irrégulière, qui n'eft célébre que par des gibets & de petits feux de joie; ces rues étroites dans les quartiers les plus fréquentés, & enfin un refte de barbarie, au milieu de la grandeur & dans le fein de tous les arts.

La peinture commença fous Louis XIII avec le Peinture. Pouffin. Il ne faut point compter les peintres médiocres qui l'ont précédé. Nous avons eu toujours depuis lui de grands peintres ; non pas dans cette profufion qui fait une des richeffes de l'Italie : mais fans nous arrêter à un le Sueur qui n'eut d'autre maître que lui-même, à un le Brun qui égala les Italiens dans le deffin & dans la compofition, nous avons eu plus de trente peintres, qui ont laiffé des morceaux très-dignes de recherche. Les étrangers commencent à nous les enlever. J'ai vu chez un grand roi des galeries & des apparte. mens qui ne font ornés que de nos tableaux dont peut-être nous ne voulions pas connaître affez le mérite. J'ai vu en France refuser douze mille livres d'un tableau de Santerre. Il n'y a guère dans l'Europe de plus vafte ouvrage de peinture que le plafond de le Moine à Verfailles; & je ne

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Académie de peintres

fais s'il y en a de plus beaux. Nous avons eu depuis Vanloo, qui chez les étrangers même paffait pour le premier de fon temps.

y

Non-feulement Colbert donna à l'académie de français à peinture la forme qu'elle a aujourd'hui ; mais en Rome. 1667 il engagea Louis XIV à en établir une à Rome. On acheta dans cette métropole un palais où loge le directeur. On y envoie les élèves qui ont remporté des prix à l'académie de Paris. Ils font inftruits & entretenus aux frais du roi. Ils y deffinent les antiques. Ils étudient Raphaël & Michel Ange. C'eft un noble hommage que rendit à Rome ancienne & nouvelle le défir de l'imiter; & on n'a pas même ceffé de rendre cet hommage, depuis que les immenfes collections de tableaux d'Italie amaffées par le roi & par le duc d'Orléans, & les chefs-d'œuvre de fculpture que la France a produits, nous ont mis en état de ne point chercher ailleurs des maîtres.

Sculpture.

C'eft principalement dans la sculpture que nous avons excellé, & dans l'art de jeter en fonte d'un feul jet des figures équeftres coloffales.

Si l'on trouvait un jour, fous des ruines, des morceaux tels que les bains d'Apollon, expofés aux injures de l'air dans les bofquets de Versailles, le tombeau du cardinal de Richelieu trop peu montré au public, dans la chapelle de forbonne, la ftatue équeftre de Louis XIV, faite à Paris pour décorer Bordeaux, le Mercure dont Louis XV a fait préfent au roi de Pruffe, & tant d'autres ouvrages égaux à ceux que je cite; il eft à croire que ces productions

de nos jours feraient mises à côté de la plus belle

antiquité grecque.

Nous avons égalé les anciens dans les médailles. Médailles. Varin fut le premier qui tira cet art de la médiocrité, fur la fin du règne de Louis XIII. C'est maintenant une chofe admirable que ces poinçons & ces quarrés, qu'on voit rangés par ordre hiftorique dans l'endroit de la galerie du louvre occupé par les artiftes. Il y en a pour deux millions, & la plupart font des chefs-d'œuvre.

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On n'a pas moins réuffi dans l'art de graver les pierres précieufes. Celui de multiplier les tableaux, de les éternifer par le moyen des planches en cuivre, de tranfmettre facilement à la poftérité toutes les représentations de la nature & de l'art, était encore très-informe en France avant ce fiècle. C'eft un des arts des plus agréables & des plus utiles. On le doit aux Florentins, qui l'inventèrent vers le milieu du quinzième fiècle ; & il a été pouffé plus loin en France que dans le lieu même de fa naissance, parce qu'on y a fait un plus grand nombre d'ouvrages en ce genre. Les recueils des eftampes du roi ont été fouvent un des plus magnifiques préfens qu'il ait fait aux ambaffadeurs. La cifelure en or & en argent, qui dépend du deffin & du goût, a été portée à la plus grande perfection, dont la main de l'homme foit capable.

Gravure.

Après avoir ainfi parcouru tous ces arts, qui Chirurgie. contribuent aux délices des particuliers & à la gloire de l'Etat, ne paffons pas fous filence le plus utile de tous les arts, dans lequel les Français furpaffent toutes les nations du monde je veux

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