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Laharpe se portait sur Sozello, afin d'y menacer huit bataillons ennemis, mais plus réellement afin de gagner, pendant la nuit, la ville de Cairo. Le général Massena gravissait en même temps les hauteurs de Dégo. Les généraux Joubert et Menard marchaient pour occuper les hauteurs de Biétro, ainsi que l'intéressante position de Sainte-Marguerite; et le général Augereau, après deux jours de marche, était venu bivouaquer dans la plaine de Carcare, avec les 69° et 39o demi-brigades. Ce mouvement, à la suite de l'affaire de Montenote, avait placé l'armée française au-delà des Apennins, sur les pendans qui versent leurs eaux dans le Pô; il lui avait fait franchir rapidement le passage si difficile des Alpes, et les pendans qui versent dans la Méditerranée.

Le 24 germinal (13 avril ), dès la pointe du jour, le général Augereau forçait les gorges de Millesimo, au moment où les généraux Menard et Joubert, après avoir chassé l'ennemi de toutes les positions environnantes, enveloppaient, par une manœuvre rapide et hardie, un corps de quinze cents Autrichiens, à la tête duquel se trouvait le lieutenant - général Provera; mais ce général, loin de poser les armes et de se rendre prisonnier de guerre,

avait gagné le sommet de la montagne de Cos saria, où il s'était retranché dans les ruines d'un vieux château extrêmement fort par sa position. Cette manœuvre courageuse et cette résistance pouvaient seules déconcerter les projets du général en chef; il dut donc porter tous ses soins à forcer le général Provera de se rendre. En conséquence, le général Augereau reçut l'ordre de faire avancer son artillerie, et de la faire tirer sur le château dans lequel s'étaient réfugiés les Autrichiens. A onze heures du matin, n'ayant pu obtenir aucun succès, Bonaparte fit sommer le général Provera de se rendre; mais, dans l'espérance de gagner du temps, le général autrichien avait demandé à parlementer en effet, la nuit s'avançait, et le général Provera persistait dans des propositions peu raisonnables. Fatigué de tant de lenteurs, le général Augereau rompt la conférence, et donne les ordres de former les troupes sur quatre colonnes, qui seront dirigées sur le château de Cossaria.

Déjà le général Joubert, qui commandait la première, avait pénétré avec sept hommes. dans les retranchemens ennemis; mais, frappé à la tête et renversé, ses soldats le croient mort, et ralentissent leur marche. La seconde colonne

marchait en silence vers le point où elle devait attaquer; elle avait atteint le pied des retranchemens ennemis : le général Banel, qui la commandait, fut tué. Le même sort était réservé à l'adjudant-général Quenin, qui conduisait la troisième colonne; et la nuit, qui vint jeter un voile obscur sur les combattans, suspendit leur courage. Néanmoins le général, craignant de voir l'ennemi profiter de l'obscurité pour se faire jour l'épée à la main, fit réunir tous les bataillons, et les plaça derrière des épaulemens faits avec des tonneaux soutenus par des obusiers en batterie à demi-portée de fusil.

Le 25 germinal (14 avril), les armées sarde, autrichienne et française, se trouvaient en présence; la gauche des Français, commandée par le général Augereau, tenait bloqué le général Frovera. Le général Menard, qui était au centre, après avoir repoussé les ennemis, qui avaient fait de vaines tentatives pour l'entamer, avait reçu l'ordre de renforcer la droite, où les généraux Massena et Laharpe étaient plus particulièrement chargés d'attaquer la gauche de l'ennemi : le premier, en débordant l'extrémité gauche, et en tournant les retranchemens et les nombreuses batteries dont les

Autrichiens s'étaient couverts dans Dégo; le second, en marchant sur la droite de l'aile gauche de l'ennemi.

Avant une heure après midi, le général Massena avait débordé la gauche des Autrichiens, et poussé des troupes légères sur le chemin de Dégo à Spino. En même temps, le général Laharpe, après avoir formé sa division sur trois colonnes, celle de gauche, sous les ordres du général Causse, avait passé la Bormida, ayant de l'eau jusqu'à mi-corps, malgré le feu de l'ennemi, et attaqué la droite de l'aile gauche. Le général Cervoni, à la tête de la seconde colonne, protégé par des batteries, après avoir aussi passé la Bormida, avait attaqué de front. L'adjudant - général Boyer, secondé par la troisième colonne, en tournant un ravin, avait coupé la retraite à l'ennemi. Tous ces différens mouvemens, toutes ces attaques, s'exécutaient avec ordre et courage au moment où le général Provera se rendait prisonnier de guerre avec les troupes à ses ordres dans le château de Cossaria: bientôt après, le reste des ennemis, enveloppé de tous les côtés, n'eut plus le temps de capituler; et, poursuivi par l'épouvante et la mort, il fut obligé de prendre la fuite, ayant sur ses pas les troupes

françaises, qui s'acharnèrent de tous les côtés à le poursuivre.

I

La victoire remportée à Millesimo était d'autant plus importante, qu'elle fournissait aux Français, en vivres et en munitions, des moyens de s'avancer dans un pays où, sans ces secours, ils auraient été dans l'impossibilité de se procurer les subsistances nécessaires, de marcher en avant, de se joindre à la division Serrurier qui gardait la vallée d'Oneglia, et d'augmenter leurs forces par ce moyen, tandis qu'ils

venaient de diminuer celles des Austro-Sardes d'environ douze mille hommes; enfin ils n'auraient jamais pu remplir leur grand projet de séparer l'armée des coalisés. Cependant, malgré ces avantages, le général Beaulieu, ne désespérant pas de les rendre inutiles, avait rassemblé sept mille hommes de l'élite de son armée, et, le 26 germinal (15 avril), à la pointe du jour, il avait attaqué avec beaucoup d'audace et enlevé le village de Dégo, où les Français, fatigués de la bataille, s'étaient livrés à une entière sécurité. La générale leur annonce le danger où ils se trouvent; le général Massena est le premier qui ait rassemblé

Voyez, à la fin du volume, la nôte (50).

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