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signée entre les Européens avait rendu Haider à son pays, où il avait été suivi d'un grand nombre de Français; bientôt le roi de Maissour le fait généralissime de son armée : une sage administration, des victoires sur les Marattes et sur les Patanes, de vastes territoires reconquis, de grands tributs recouvrés, lui firent donner le titre de Souba de Scirra par Baza tet-Zing; il ne tarda pas de s'emparer des royaumes de Bednore, de Cananor et de Calicut. Ces deux états et la côte de Malabar étaient remplis de mapelets persécutés par les naires; Haider prend leur défense. La mort du samorin, plusieurs victoires remportées sur les naires, la prise de Paniani et la soumission du roi de Cochin, inspirèrent au nouveau souverain du Maissour le projet de rassembler les débris dispersés de l'empire d'Aureng - Zeb; mais, pour le remplir, il avait à vaincre des ennemis plus formidables que les Indiens, auxquels il avait eu affaire jusqu'alors.

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La Compagnie des Indes anglaise s'était emparée de plusieurs provinces du superbe pays

• Les mapelets étaient les Juifs, les Arméniens du Malabar.

de l'Indoustan; leur puissance devait s'opposer aux grands desseins d'Haider : élevé pour ainsi dire dans les camps français, compagnon d'armes du célèbre Bussi, Haider avait plusieurs fois signalé son courage contre les Anglais. Sa haine s'accrut avec sa puissance, et prépara cet orage formidable qui fondit sur les possessions britanniques dans l'Indoustan. La puissance de la Compagnie anglaise dans l'Inde était alors à son plus haut degré; ses forces, dans ses différentes possessions, s'élevaient à quatre-vingt-dix mille hommes, dont le plus grand nombre était composé de quelques soldats d'Europe, et de beaucoup de cipayes; les troupes de ses alliés se montaient à vingt-cinq mille combattans. Le sentiment d'un commun danger, les lettres d'Haider, ses ambassadeurs, son éloquence, sa réputation, avaient réuni sous ses drapeaux, contre les Anglais, une grande partie des puissances de l'Indoustan; il était à la tête de deux cent mille hommes, dont vingt mille de cavalerie, au moment où il marcha contre cette nation qu'il paraissait si bien connaître. 2 Il commence la campagne,

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Voyez, à la fin du volume, la note (2).

Voyez, à la fin du volume, la note (3).

force le général Smith à prendre la défensive, à se tenir renfermé dans son camp, tandis que le roi de Maissour s'empare de plusieurs villes, et que le brave Moctun bravait le général anglais dans ses retranchemens, et lui enlevaît ses convois.

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Haider, trahi et battu à Tirnumale, continua cependant de faire tête au général Smith; pour s'opposer aux progrès de Nizam et des Anglais, il envoyait secrètement dans le Canara son fils Tippo : celui-ci, jaloux d'acquérir de la gloire, était arrivé devant le camp des An glais avec la rapidité de l'éclair; il attaqua l'armée, la mit en déroute et la poursuivit jusque dans les rues de Mangalour, où il entra pêle-mêle avec les fuyards. Haider arrive le lendemain de cette victoire, marche devant Ascola, oblige le général Smith, pour venir au secours de cette place importante, de lever le siége de Ballapour, et d'évacuer les possessions d'Haider. Ainsi, sans livrer un seul combat, le roi de Maissour recouvra tout ce qu'il avait perdu, vit revenir à lui son beaufrère Mirza et plusieurs alliés avec de grandes forces, enfin ses succès et la terreur de son nom

1 Voyez, à la fin du volume, la note (4).

redoublèrent la crainte et jetèrent la division parmi ses ennemis. Dès cet instant, Haider, volant de succès en succès, s'avance jusqu'à sept lieues de Madras; et, au moment où les Anglais se préparaient à lui disputer le passage de la rivière de Saint-Thomas, il disparaît tout à coup vainement on cherche les traces de sa marche; il était aux portes de Madras, où il dictait la paix au conseil de la Compagnie anglaise, le 3 avril 1769. 1

I

Les Anglais, devenus auxiliaires en apparence de différens princes de l'Inde, s'étaient rendus souverains du Bengale, faisant, défaisant et refaisant les soubabs, se couvrant de leurs noms, se jouant de leur autorité, et mettant ouvertement leur dignité à l'enchère; ils ne tardèrent pas de consolider, par des accroissemens plus étendus et par la concession formelle de l'empereur; leurs rapides envahissemens. M. Dhastings venait de faire disparaître les Rohillas; et il ne manquait plus à l'ambition de la Grande-Bretagne que le district de Bénarès, rapportant plus de six millions de revenus le nouveau nabab Doude s'était cru trop heureux, en 1775, de s'assurer l'alliance

Voyez, à la fin du volume, la note (5).

des Anglais en leur cédant ce district. Alors les frontières de cette puissance et de ses tributaires à l'ouest du Bengale s'étendirent, en s'approchant d'Agra, du Gange supérieur jusqu'à Jumnah. Là s'arrêtèrent enfin, du côté de l'est, les incroyables envahissemens de l'Angleterre; mais l'activité de son ambition portait ses regards sur le midi; elle s'était même déjà fait céder l'ile de Salcette, pour prix de l'abandon d'une cause inique; et quoique, l'année suivante, le gouvernement supérieur du Bengale eût vu son armée contrainte de signer une honteuse capitulation, en défendant l'assassin Ragobah, ce conseil ne manqua pas de soutenir, par la force, une agression qu'il avait affecté de désapprouver en paroles. Néanmoins ni la marche brillante du général Goddar, en 1778, à travers les états des Marattes, jusqu'à la côte du Malabar, ni les conquêtes des Anglais dans le Guzarate et jusqu'aux pieds des Gauts, n'expieront, aux yeux de la postérité, les torts de cette guerre : personne ne doutera que la Grande-Bretagne n'eût dépouillé les Marattes, si la nécessité de désunir les nombreux ennemis qui s'étaient armés contre elle, ne l'avait obligée de leur offrir la paix et de se borner à l'acquisition de Salcette.

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