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ville de Gandie le premier collège où ils aient enseigné publiquement [a]. Le roi de Portugal Jean III leur donna aussi un collège à Conimbre; à Rome on leur avoit donné l'église de Sainte-Marie de Strata, mais sous François I ils n'eurent point d'établissement fixe en France, où leur premier établissement s'étoit formé. Tout le zéle du cardinal de Tournon pour eux n'alla point jusqu'à leur en procurer sous ce régne, et le zéle plus efficace du cardinal de Lorraine (1) et de l'évêque de Clermont, Guillaume Duprat, sous le règne suivant, éprouva les plus fortes oppositions.

Saint Ignace mourut le 31 juillet 1556. Paul V le béatifia en 1609. Grégoire XV le mit au nombre des saints en 1622 (2). Urbain VIII le plaça dans le Martyrologe romain au 31 juillet; Innocent X rendit sa fète semi-double le 29 octobre 1644. Clément IX la rendit double le 11 octobre 1667.

II

Nous ne parlerons point de ses successeurs; notre objet est rempli par le peu que nous venons de dire. L'Histoire de François I ne tenoit que par ce fil à l'Histoire de cette société.

[a] en 1546.

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(1) Charles, frère de François, duc de Guise.

- (2) Les jésuites célébrèrent cette canonisation par des fêtes et des jeux solennels; ils firent représenter un drame pieux, dont le sujet étoit les travaux de leur fondateur. Jules Mazarin, depuis cardinal et premier ministre en France, alors âgé de vingt ans, fit le rôle de saint Ignace avec un succès qui fut le premier degré de sa réputation et de sa fortune.

FIN DU LIVRE SEPTIÈME.

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C'EST ici la partie brillante du règne de François I. Ce grand prince va jouir d'une gloire qui lui est propre, qui le distingue parmi les rois de France, et qui l'élève au-dessus des souverains de son temps, si nous exceptons le seul Léon X, qui eut l'honneur de lui donner l'exemple. Voyons d'abord en quel état les prédécesseurs de François I lui avoient remis le dépôt des let

tres.

CHAPITRE PREMIER.

Histoire de la littérature en France avant François li

PREMIÈRE RACE.

Cinquième siècle.

Sous la première race la France n'eut presque point de littérature; on étoit occupé d'affaires réputées plus importantes, on s'égorgeoit, on s'empoisonnoit, on n'avoit pas le temps de s'instruire ni d'instruire les autres. Quelques moines, quelques prélats, quelques docteurs luttent avec peu d'avantage contre la barbarie; les poésies historiques de Sidoine Apollinaire, évêque de Clermont, le poëme théologique de saint Prosper sur la grace, l'Histoire Sacrée de Sulpice Sévère, et quelques traités de Salvien, prêtre de Marseille, sont presque les seuls monuments littéraires que la Gaule nous offre au cinquième siècle; mais ce sont plutôt des restes de la littérature romaine que des commencements de la littérature française. ·

Sixième siècle.

des

Nous en dirons autant, pour le sixième siècle, poésies de Fortunat, évêque de Poitiers, et de l'Histoire de Grégoire de Tours. Ce dernier prélat, reconnu pour le père de l'Histoire de France, ne doit point être

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confondu parmi les chroniqueurs qui l'ont suivi; il n'a point leur brièveté séche et stérile, qui avertit simplement des faits sans les exposer; sa narration est claire, développée, quelquefois même intéressante: s'il ignore l'art de lier les faits, il paroît que cet art étoit inconnu de son temps. Son continuateur Frédéguire lui est bien inférieur, et n'est pourtant pas sans mérite.

Dans ce siècle, Chilpéric voulut être théologien, il fut sabellien; il voulut être bel esprit, il fut ridicule ; il voulut enrichir l'alphabet gaulois des lettres doubles des Grecs, et il fit un édit pour cela, belle matière à édits! Grégoire de Tours le traita d'insensé de son vivant, et l'appela Néron après sa mort.

Septième et huitième siècle.

'Les septième et huitième siècles sont l'époque des grands établissements monastiques en France, c'est l'âge d'or du monachisme. Les vertus claustrales y brillent de feur éclat modeste, et portent sur un fonds d'utilité, qui les rend plus respectables. Ce fonds, c'est le travail. Ces mains pures ne se lassoient point de réparer les ravages que des brigands guerriers ne se lassoient point d'exercer. Les champs que le démon de la destruction venoit de parcourir la flamme à la main renaissoient et fructifioient par les efforts du zéle et de la charité. Tandis que les soldats pilloient et brûloient, les religieux défrichoient [a]; par eux les landes produisoient, le sable devenoit fertile, les marais se changeoient en jardins, les eaux mortes et croupissantes en canaux vivi

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[a] Mézer,, abr. chron., hist. de l'égl. du septième siècle.

fants; les déserts se couvroient de bâtiments nécessaires à la culture. Le travail étoit pour les moines, le fruit du travail pour les pauvres. Ces richesses qu'une frugalité laborieuse, qu'une tempérante activité arrachoient à la terre, la charité les répandoit dans le sein des malheureux; on rendoit la liberté au prisonnier, on assuroit la subsistance à l'infirme, des soulagements à la veuve, des secours à l'orphelin; on nourrissoit jusqu'au barbare dont les bras énervés par l'âge n'avoient plus la force de détruire; la charité se vengeoit de la fureur par des bienfaits; tel fut le monachisme naissant. Sainte et vénérable institution, si l'esprit qui l'aRima dans ses beaux jours n'eût jamais fait place aux relachements qui l'ont défigurée, si jamais le travail et la pauvreté n'eussent fui de ces saints asiles!

A cette utilité première que les lettres n'égalent point sans doute, mais dont elles ne cessent d'exalter le prix et de nourrir le principe, les religieux joignoient encore ce mérite des lettres, qui tient de si près à la retraite, à la tempérance, à la pauvreté; c'est à eux principalement qu'on doit la connoissance des premiers temps de l'histoire moderne. Cette histoire, à la vérité, telle qu'ils nous l'ont transmise, n'est qu'une liste séche (1) des miracles mal avérés de quelques moines et des crimes plus certains de quelques princes; mais il importe de connoître tous les hommes et tous les temps, et il est des hommes et des temps qu'on n'a pu connoî

(1) Frédégaire avoue que les talents sont éteints, et que l'éloquence n'est plus; il s'en prend à la vieillesse du monde, mundus senescit jam, mais le monde se renouvelle, et les lettres tombées avec l'empire romain devoient s'élever avec l'empire français.

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