Page images
PDF
EPUB

les ambassades il se présente autant et plus d'affaires chevaleresques et de guerre que d'autres, et que les ambassadeurs guerriers sont les plus propres à tirer parti des grandes occasions; c'est ce qu'il prouve par la comparaison de deux faits arrivés, l'un sous François I, l'autre sous Henri II.

En 1544, le duc d'Albe, vice-roi de Naples, voulut y établir l'inquisition, entreprise si propre à causer des séditions, qu'elle pourroit presque les justifier. Naples se souleva; les rebelles, résolus de se donner à la France, envoyèrent à Rome demander un chef à du Mortier, ambassadeur de François I. Du Mortier, homme de robe, répondit qu'il en écriroit au roi, et pendant ce temps-là le duc d'Albe accabla les Napolitains.

En 1550, Parme et La Mirandole s'étant révoltées contre le pape Jules III, et contre l'empereur CharlesQuint, eurent recours de même à l'ambassadeur de France à Rome. Cet ambassadeur étoit guerrier, c'étoit de Termes; il se mit à la tête des rebelles, et les défendit contre toutes les forces de l'empereur et du pape; il fit de plus révolter les Siennois le 5 août 1552, et commanda les troupes qu'il fit envoyer à leur secours.

Nous avons rapporté (année 1533) ce que dit Brantôme de la contenance de Velly pendant que son maître étoit si indignement outragé à Rome en plein consistoire par l'empereur; le récit de Brantôme est ridicule dans la forme [a] comme nous l'avons observé, mais son idée peut être juste au fond. Il y a lieu de présumer qu'un de Termes, un Lautrec, un Montmorency eût

[a] Brant., capit. franç., art. Franç. I. Digression contre les ambassadeurs de robe longue.

fait changer de ton à l'empereur, comme Brantôme prétend qu'un marquis du Guast ou un Ferdinand de Gonzague eût joué un tout autre rôle que Granvelle dans la fameuse assemblée où François I fit lire le cartel qu'il adressoit à Charles-Quint. Que peut faire, dit Brantôme, un homme de lettres de plus qu'un homme de guerre, si ce n'est de mieux haranguer une assemblée, ce qui sent mieux un prédicateur ou un pédant, qu'un ambassadeur de grand roi. Il se moque avec quelque raison du président du Ferrier, qui, après avoir harangué au concile de Trente (peut-être trop bien, puisqu'il fallut le rappeler), étant ambassadeur à Venise, alloit faire des leçons publiques de droit dans les écoles de Padoue; Brantôme convient pourtant qu'il n'y a jamais eu d'ambassadeurs qui aient mieux sontenu la dignité de ce caractère que le cardinal du Bellay et l'évêque de Dax, François de Noailles; mais c'est que, selon lui, ces deux prélats avoient les inclinations plus militaires qu'ecclésiastiques, et se fussent servis de l'épée aussi-bien que de la langue; on a blâmé, par des raisons de convenance et de décence, l'envoi de l'évêque de Dax Noailles, et de l'évêque de Valence Montluc, à Constantinople; et au contraire Catherine de Médicis, par des raisons de politique, avoit fait un serment qu'elle viola depuis, de n'envoyer jamais d'ecclésiastiques en ambassade à Rome, « lesquels, dit Brantôme, a s'amusent à faire leurs affaires, et se gagner une dignité ecclésiastique ou un chapeau rouge; et sous «< cette manigance, complaire si fort au pape et aux uns « et aux autres, que les affaires du roi se laissent en

[ocr errors]

croupe. >>

Bonaventure des Perriers, quarante-sixième nouvelle, place sous François I un conte très connu. Ce prince envoyoit au roi d'Angleterre, pour lors bien mauvais Français, ce qui lui arrivoit souvent, un ambassadeur qu'il chargeoit d'instructions un peu hardies. Elles effrayèrent l'ambassadeur, qui dit au roi : « Sire, le « roi d'Angleterre ne respecte rien, il me feroit trancher la tête. Foi de gentilhomme, s'écria Fran«çois I, cette tête abattue lui en coûteroit plus de trente mille de celles de ses sujets. Je le crois, Sire, mais de toutes ces têtes, il n'y en a aucune qui « allât si bien sur mes épaules que celle qui y est pré

"

<< sentement. »

[ocr errors]

ÉTIQUETTE.

Étiquette, grande affaire des cours; il faut bien en dire ici un mot. Les empereurs voulurent long-temps que le titre de majesté n'appartint qu'à eux. Anciennement on l'avoit donné aux rois, aux papes, à de simples princes, à de simples prélats; comme il ne distinguoit presque plus personne, il avoit été abandonné; ce fut alors que les empereurs s'en emparèrent comme d'un titre de l'ancien empire romain. Mais dans chaque Etat les sujets le donnèrent quelquefois à leurs rois, en le refusant à tous les autres rois; quelquefois aussi les rois, pour braver l'empereur, affectèrent de le prendre, et même de se le donner entre eux. Mais ce fut sous François I qu'il fut donné constamment aux rois de France par toutes les puissances et par l'empereur même. Dans le traité de Cambray, où l'empereur fai

soit la loi, le titre de majesté n'est donné qu'à lui; dans le traité de Crespy, où l'égalité étoit un peu rétablie, Charles-Quint est désigné par sa majesté impériale, et François I par sa majesté royale.

Charles-Quint, roi d'Espagne, ayant pris le titre de majesté, parcequ'il étoit empereur, les rois d'Espagne, ses successeurs, quoique privés de la dignité impériale, continuèrent de le prendre; mais Ferdinand et Isabelle ne le prenoient pas ordinairement.

Des instructions données par le roi d'Angleterre Henri VIII au héraut d'armes Clarenceaux, en 1517, nous apprennent que ce héraut d'armes donnoit à son maître le titre de sa hauteur [a]. Hauteur est apparemment ici pour altesse, et l'altesse étoit le titre commun des rois avant qu'ils prissent celui de majesté. Les rois d'Angleterre, prédécesseurs de Henri VIII, n'avoient ni majesté, ni altesse, ni hauteur: on les appeloit votre grace. François I, au champ du Drap d'Or, donna le titre de majesté à Henri VIII dont il avoit besoin; et insensiblement ce titre devint commun à tous les rois.

Le duc d'Alençon, en écrivant à François I, mettoit monseigneur, ne donnoit point de majesté, et signoit simplement Charles, comme les souverains et les enfants de France. Il est vrai qu'il étoit premier prince du sang, et de plus beau-frère du roi. Il paroît cependant que l'étiquette étoit la même pour tous les princes du sang. En parlant au roi, ils ne l'appeloient que monsieur, mais ils écrivoient monseigneur.

Une assignation du 15 mars 1519 (1520) pour le

[a] Bib. du roi, manusc, de Béthune, no 1487, fol. 144.

que

paiement des archers de la garde du roi, nous apprend le roi avoit alors une garde de cinq cents archers français, que ces archers portoient des robes différentes en été et en hiver, que leur capitaine étoit Jacques de Crussol.

Une lettre écrite par le roi au chancelier Duprat nous montre combien les formes ont toujours d'empire sur les nations gouvernées par les lois [a]. Le chancelier étoit à la conférence de Calais; François I le presse de revenir, parceque sa présence est nécessaire pour une multitude d'affaires, « principalement pour « recouvrement d'argent, à faulte du sceau, car on ne veult accepter les lettres et provisions que j'ai or« données et fait sceller du sceau du secret, et est be« soing que vous envoyez ici le petit scel par homme «seur et diligemment, et je le mettrai en mes coffres, « et n'en sera scellé que choses très nécessaires. »

"

ANECDOTES.

Nous rassemblons, sous ce titre, divers traits ou qui nous ont échappé dans un si grand ouvrage, ou que nous n'avons pas trouvé l'occasion de placer.

François I demandant un jour à du Châtel s'il étoit

[a] Lettre du roi, du 15 septembre 1521. Bib. du roi, manusc. de Béthune, n° 1467.

« PreviousContinue »