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AVANT-PROPOS

DE LA DEUXIÈME ÉDITION

Cette nouvelle édition a reçu des changements et des additions considérables qui en font presqu'un livre nouveau. Ils sont dus principalement aux exigences de la situation présente.

Le spiritualisme, sans doute, doit suivre les progrès de la science. Quand tout change autour de lui, il ne doit pas rester immobile et stationnaire. Il n'en contient pas moins selon nous, dans ses bases, la vérité philosophique. Seul aussi, nous en sommes convaincu, il s'accorde avec les principes de la société humaine. Aujourd'hui, il est attaqué de toutes parts. Sous le nom de positivisme, le matérialisme qui prétend le remplacer, fait partout de nombreux prosélytes et il cherche à s'emparer de l'esprit de la jeunesse. Des hommes qui occupent un rang distingué parmi les savants lui prêtent l'autorité de leur nom. Il a pour complices l'ignorance et le demi-savoir, l'esprit superficiel et grossier, le scepticisme, et sans parler des mauvaises passions, ni de la mollesse ou de la corruption des mœurs, l'affaiblissement des caractères, le découragement des âmes, le trouble des intelligences dans une époque d'agitation, de crise et de bouleversement.

De ses principes sont sorties des théories sociales que l'on a pu juger. On les a vues à l'œuvre; de la spéculation elles

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ont passé à l'action; leurs résultats ont épouvanté le monde et failli renverser la société. Loin d'être découragées, elles continuent ouvertement leur propagande avec une audace croissante et un zèle infatigable.

Dans de telles conditions l'enseignement qui s'adresse à cette portion de la jeunesse du pays qui, par l'éducation qu'elle reçoit, est appelée à exercer le plus d'influence sur ses destinées, a de nouveaux devoirs à remplir. Tout en s'efforçant d'établir et de démontrer la vérité, il doit combattre sans relâche l'ennemi qui est en face de lui, l'attaquer à son tour, dans ses principes et ses conséquences, avec les armes de la raison et de la science. Sous ce rapport, il a besoin d'être approfondi, fortifié, élargi. Des matières nouvelles doivent y être introduites. Les maîtres doivent être aidés dans l'accomplissement de cette tâche. C'est ce qui nous a décidé à modifier notre travail, à en agrandir le cadre, à en développer certaines parties et à en ajouter d'autres.

1° Quoique la critique y soit partout mêlée à la partie dogmatique ou à la théorie, nous avons cru devoir consacrer une section à part à la réfutation des deux principaux systèmes, le positivisme et le panthéisme. Il nous a semblé aussi qu'il serait utile et instructif de les suivre dans les doctrines qui en sont les corollaires : la sophistique, le nihilisme, le pessimisme, etc., et de signaler leur influence sociale. A cela il y a d'autant plus d'intérêt que l'histoire contemporaine éclaire et confirme à chaque pas les déductions ou les prévisions de la logique.

2o Un exposé et un examen succinct des principes du communisme et du socialisme trouvaient leur place naturelle après ces systèmes. Il suffisait d'en indiquer les erreurs principales; nous avons dû nous borner à ce qu'il y a d'essentiel et de général.

3o L'histoire de la philosophie s'est accrue de quelques pages nouvelles consacrées à la Philosophie contemporaine. Il nous a semblé qu'il était bon de mettre sous les yeux de

la jeunesse le tableau en raccourci mais fidèle des principales écoles de la philosophie européenne (des écoles anglaise, allemande, française, etc.), de montrer leurs caractères, leur marche, leurs résultats et leur rôle, afin d'en tirer des inductions sur l'avenir de la philosophie en général et sur celui de la philosophie en France en particulier.

4o Il est une partie de la philosophie qui jusqu'ici n'a pas eu de place distincte dans le cadre de l'enseignement philosophique l'esthétique ou la philosophie de l'art. Nous pensons qu'après les études littéraires qui ont pour objet le beau, et qui sont à bon droit la base de l'éducation classique ou libérale, il est indispensable de donner aux élèves, des idées nettes et précises sur le beau et l'art. De plus en plus (c'est notre conviction intime) se fera sentir cette lacune. Nous avons essayé de la combler autant que possible en plaçant dans une section à part, après la morale, les premières questions de cette science, sur le beau, le sublime, l'art, le goût, etc. Nous regrettons de n'avoir pu leur donner plus d'extension.

5o Les autres parties (Philosophie, Logique, Morale, Théodicée) ont été accrues de quelques questions nouvelles, propres à éclaircir, à développer ou à compléter les anciennes.

6o En tête du livre nous avons placé, comme Introduction, un travail sur la dissertation philosophique, dont les diverses parties ont déjà paru ailleurs mais isolément. Réunies elles forment une sorte de traité. Comme c'est, à notre connaissance, le seul essai pédagogique un peu sérieux, publié en ce genre, qu'il est le fruit d'une longue expérience et que nous y avons donné tous nos soins, nous avons cru devoir le publier in extenso au lieu du simple abrégé qui figure dans la 1re édition.

L'ouvrage conserve, du reste, son caractère. Comme le Précis de philosophie dont il est le complément et la suite, auquel il renvoie souvent, c'est un livre d'enseignement. Il est destiné à aider les maîtres et les élèves, à fournir à

ceux-ci, avec des règles propres à les guider dans l'exercice de la dissertation philosophique, des sujets, des programmes, des esquisses et des modèles, ceux-ci fort imparfaits sans doute, mais à leur portée. On s'est efforcé, tout en propageant et en défendant de saines doctrines, d'apprendre aux élèves comment on doit poser une question, la diviser, la traiter avec méthode selon sa nature et ses conditions. Sous ce rapport, nous n'avions qu'à compléter et améliorer notre travail, à chercher à le rendre plus digne de l'accueil favorable qu'il a déjà reçu, et, sans rien changer à sa forme et à son but, à en étendre les limites.

Paris, 1er mars 1872.

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