tions. Voilà la conduite que j'ay tenuë dans la compofition des Caracteres.

Sur ce qui concerne la Harangue qui a paru longue & ennuyeufe au chef des mécontens, je ne fçai en effet pourquoi j'ai tenté de faire de ce remerciemet à l'Academie Françoise un difcours oratoire qui eût quelque force & quelque étenduë:de zelez Academiciens m'avoit déja frayé ce chemin,mais ils fe sot trouvez en petit nombre,& leur zele pour l'honneur & pour la repu tation de l'Academie n'a eu que peu d'imitateurs; je pouvois fuivre l'exemple de ceux qui poftulant une place dans cette Compagnie fans avoir jamais rien écrit, quoi qu'ils fçachent écrire, annoncent dédaigneufement la veille de leur reception, qu'ils n'ont que deux mots à dire, & qu'un moment à parler, quoy que capa bles de parler long-tems, & de parler bien.

J'ay penfé au contraire,qu'ainfi que nul artifan n'eft aggregé à aucune focieté, ny n'a fes lettres de Maîtrife fans faire fon chef-d'œuvre, de même & avec encore plus de bienfeance un homme affocié à un corps qui ne s'eft foûtenu,& ne peut jamais fe foutenir que par l'éloquence fe trouvoit engagé à faire en y entrant un effort en ce genre, qui le fift aux yeux de tous paroî. tre digne du choix dont il venoit de l'honorer: Il me fembloit encore que puifque l'éloquence profane ne paroiffoit plus regner au Barreau, d'où elle a été bannie par la neceffité de l'expedition,& qu'elle ne devoit plus être admise dans la Chaire où elle n'a été que trop foufferte, le feul afyle qui pouvoit luy refter, étoit l'Academie Françoife,& qu'il n'y avoit rien de plus naturel, ny qui pût rendre cette Compagnie plus celebre, que fi au fujet des receptions de nouveaux Academiciens, elle fçavoit quelquefois attirer la Cour & la Ville à ses Assemblées par la curiofité d'y entendre des pieces d'Eloquence

d'une jufte étenduë, faites, de main de maîtres, & dont la profeffion eft d'exceller dans la fcience de la parole.

Si je n'ay pas atteint mon but qui étoit de prononcer un difcours éloquent,il me paroît du moins que je me fuis difculpé de l'avoir fait trop long de quelques minutes: car fi d'ailleurs Paris à qon l'avoit promis mauvais, fatirique & infenfé, s'eft plaint qu'on luy avoit manqué de parole;fi Marly où la curiofité de l'entendre s'étoit répandue,n'a point retenti d'aplaudiffemés que la Cour ait donné à la critique qu'on en avoit faite; s'il a fçû franchir Chantilly êcucit des mauvais Ouvrages; fi l'Academie Françoise à qui j'avois apellé comme au Juge fouverain de ces fortes de pieces, étant affemblée extraordinairement, a adopté celle-cy, l'a fait imprimer par fon Libraire, l'a mife dans fes Archives; fi elle n'étoit pas en effet composée d'un ftile affecté, dur & interrompu, ny chargée de louanges fades & outrées, telles qu'on les lic dans les Prologues d'Opera, & dans tant d'Epitres Dédicatoires, il ne faut plus s'étonner qu'elle ait ennuyé Theobalde. Je vois les tems, le public me permettra de le dire, où ce ne fera pas affez de l'aprobation qu'il aura donnée à un ouvrage pour en faire la reputation,& que pour y mettre le dernier fceau,il fera, neceffaire que de certaines gens le defaprouvent,qu'ils y ayent baaillé.

Car voudroient-ils prefentement qu'ils ont * L'In reconnu que cette Harangue a moins mal reüff ftance dans le public qu'il ne l'avoit efperé; qu'ils étoit favent que deux Libraires ont plaidé * à qui aux Re l'imprimeroit, voudroient ils defavoüer leur queftes goût &le jugement qu'ils en ont porté dans les del'Hô premiers jours qu'elle fut prononcée; me per

tel.

mettroient-ils de publier ou felement de foupçonner une toute autre raison de l'âpre cenfure

qu'ils en firent, que la perfuafion où ils étoient qu'elle le meritoit:on fçait que cet homme d'un nom, & d'un merite fi diftingué avec qui j'eus l'honneur d'être reçû à l'Academie Françoife, prié, follicité, perfecuté de confentir à l'im preffion de fa Harangue par ceux mêmes qui vouloient fuprimer la mienne, & en éteindre la memoire, leur refifta toûjours avec fermeté . Il leur dit, qu'il ne pouvoit ny ne devoit aprouver une diftinction fi odieufe qu'ils vouloient faire entre luy & moy, que la préference qu'ils donnoient à fon Difcours avec cette affectation & cet empreffement qu'ils luy marquoient, bien loin de l'obliger, comme ils pouvoient le croire > luy faifoit au contraire une veritable peine; que deux difcours également innocens , prononcez dans le même jour, devoient étre imprimez dans le même tems: Il s'expliqua enfuite obligeamment en public & en particulier fur le violent chagrin qu'il reffentoit de ce que les deux Auteurs de la Gazette que jay citez, avoient fait fervir les louanges qu'il leur avoit plû de luy donner, à un deffein formé de médire de moy, de mon Difcours & de mes Caracteres ; & il me fit fur cette: fatyre injurieufe des explications & des excufes qu'il ne me devoit point. Si donc on vouloit inferer de cette conduite des Theobaldes, qu'ils ont crû fauffement avoir befoin de comparaifons & d'une Harangue folle & décriée pour relever celle de mon Collegue, ils doivent répondre pour fe laver de ce foupçon qui les deshonorent, qu'ils ne font ny courtisans ny dévoücz à la faveur, ny intereffez ny adulateurs ; qu'au contraire ils font finceres,& qu'ils ont dit naïvement ce qu'ils penfoient du plan, du ftile & des expreffions de mon Remerciement à l'Academie Françoife; mais on ne manquera pas d'infifter & de leur dire que le jugement de

la Cour & de la Ville, des Grands & du peaple luy a été favorable; qu'importe, ils repliqueront avec confiance que le public a fon goût, & qu'ils ont le leur : réponse qui ferme la bouche & qui termine tout differend; il eft vray qu'elle m'éloigne de plus en plus de vouloir leur plaire par aucun de mes écrits; car fi j'ay un peu de fanté avec quelques années de vie,je n'auray plus d'autre ambition que celle de rendre par des foins affidus & par de bons confeils, mes ouvrages tels, qu'ils puiffent toûjours partager les Theobaldes & le public.

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êངསêVརྒྱA TAATRE,83G

DISCOURS

PRONONCE

DANS L'ACADEMIE

FRANÇOISE

le Lundy quinziéme Juin 1693.

LISTA

LYON

MESSIEURS,

Il feroit difficile d'avoir l'honneur de fe trouver au milieu de vous, d'avoir devant les yeux l'Academie Françoise, d'avoir lû l'Hiftoire de fon établiffement, fans penfer d'abord à celuy à qui elle en est redevable, & fans fe perfuader qu'il n'y a rien de plus naturel, & qui doive moins vous déplaire, que d'entamer ce tiffu de