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reçûë d'Antipater 1 qui aprend que lui troifiéme eft entré dans la Macedoine. Il dit une autre fois que bien que les magiftrats lai aient permis t. ls tranfports 2 de bois qu'il lui planroit fans paier de tribut, pour éviter neanmoius l'envie du peuple, il n'a point voulu ufer de ce privilege. Il ajoûte que pendant une grande cherté de vivres, il a,diftribué aux pauvres citoiens d'Athenes juf qu'à la fomme de cinq talens; & s'il parle à des gens qu'il ne connoit point, & dont il n'eft pas mieux connu, il leur fait prendre des jettons, compter le nombre de ceux à qui il fait ces largeffes; & quoi qu'il monte à plus de fix cens perfonnes, il leur donne à tous des noms convenables; & aprés avoir fuputé les fommes particulieres qu'il a données à chacun d'eux, il fe trouve qu'il en refulte le double de ce qu'il penfoit, & que dix talens y font emploiez, fans compter, pourfuit-il, les Galeres que j'ai armées à mes dépens, & les charges publiques que j'ai exercées à mes frais & fans recompenfe. Cet homme faftueux va chez un fameux Marchand de chevaux, fait fortir de l'écurie les plus beaux & les meilleurs, fait fes ofres, comme s'il vouloit les acheter: De même il vifite les foires les plus celebres,

1 L'un des Capitaines d'Alexandre le Grand, d dont la famille regna quelque tems dans la Macedoine.

2 Parce que les Pins, les Sapins, les Ciprés, & tout autre bois propre à construire des vaisseaux étoient rares dans le pais Attique, l'on n'en permettoit le transport en d'autres païs qu'en paiant un fort gros tribut.

3 Un talent Attique dont il s'agit,valoit foixante mines Attiques; une mine cent dragmes; une dragme fix oboles. Le talent Attique valoit quelques fix cens écus de notre monnoie.

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entre fous les tentes des Marchands, fe fait déploier une riche robe, & qui vaut jusqu'à deux ralens,& il fort en querellant fon valet de ce qu'il

fe le fuivre fans porter 1 de l'or fur lui pour les befoins où l'on fe trouve. Enfin s'il habite une maifon dont il paie le loier, il dit hardiment à quelqu'un qui l'ignore que c'eft une maison de fa famille, & qu'il a heritée de fon pere; mais qu'ilyeut s'en défaire, feulement parce qu'elle eft trop petite pour le grand nombre d'étrangers qu'il retire 2 chez lui.

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i Coûtume des Anciens.
2 Par droit d'hofpitalité.

De l'Orgueil.

de lui

il

L faut définir l'orgueil, une paffion qui fais que de tout ce qui eft au monde l'on n'estime que foi. Un homme fier & fuperbe n'écoute pas celui qui l'aborde dans la place pour lai parler de quelque afare; mais fans s'arrêter, & fe fa fant fuivre quelque tems, il lui dit enfin qu'on peut le voir aprés fon fouper ; fi on a reçû de lui le moindre bienfait, il ne veut pas qu'on en perde jamais le fouvenir, il le reprochera en pleine rue à la vûë de tout le monde : N'atendez pas qu'en quelque endroit qu'il vous rencontre, s'aproche de vous, & qu'il vous parle le premier de même au lieu d'expedier fur le champ des marchands ou des ouvriers, il ne feint point de les renvoier au lendemain matin, & à l'heure de fon lever. Vous le voiez marcher dans les ruës de la ville la tête baiffée, fans daigner parler à perfonne de ceux qui vont & viennent. S'il fe familiarife quelque fois jusques à inviter fes amis à un repas, il pretexte des raifons pour ne pas fe mettre à table & manger avec eux,& it charge fes principaux domestiques du foin de les regaler : il

:

ne lui arrive point de rendre vifite à perfonne fans prendre, la précaution-d'envoier quelqu'un des fiens pour avertir qu'il va venir:on ne le voit point chez lui lorfqu'il mange ou qu'il fe z parfume. il ne fe donne pas la peine de regler lufmême des parties; mais il dit negligemment à un valet de les calculer, de les arrêter, & les paffer à compte. Il ne fair point écrire dans une lettre, je yous prie de me faire ce plaifir, ou de me rendre ce fervice mais j'entens que cela foit ainsi,j'envoie un homme vers vous pour recevoir une telle chofe, je ne veux pas que l'afaire fe pafle autrement, faites ce que je vous dis promptement, fans diferer, voilà fon stike. I V. le chap. de la Flatterie, 2 Avec des huiles de fenteur.

De la Peur,ou du défaut de courage.

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Ette crainte eft un mouvement de l'ame qui s'ébranle, ou qui cede en vûë d'un peril vrai ou imaginaire ; & l'homme timide eft celui dont je vais faire la peinture. S'il lui arrive d'être fur la mer, & s'il aperçoit de loin des dunes ou des promontoires, la peur lui fait croire que c'est le debris de quelques vaiffeaux qui ont fait naufrage fur cette côte; auffi tremble-t-il au moindre fot qui s'éleve, & il s'informe avec foin fi tous ceux qui navigent avec lui font initiez s'il vient à remarquer que le Pilote fait une nouvelle mancaou femble fe détourner comme pour éviter un écueil, il l'interroge ; il lui demande avec in: * Les Anciens navigeoient rarement avec ceux que paoient pour impies, &is fe faifoient initier avant de partir, c'est à dire inftruire des misteres de quetque divinité, pour se la xendxe propice dans leurs winges. V. le chap. de la fuperftition.

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&

quiet ude, s'il ne croît pas s'être écarté de fá rou-te, s'il tient toûjours la haute mer, & fi les * Dieux font propices; aprés cela il fe met à raconter une vifion qu'il a euë pendant la nuit, dont il eft encore tout épouvanté, & qu'il prend pourun mauvais préfage. Enfuite fes fraieurs venant à croître, il fe deshabille & ôte jufques à fa chemife pour pouvoir mieux fe fauver à la nage, aprés cette precaution, il ne laiffe pas de prier les Nautonniers de le mettre à terre. Que fi cet. homme foible dans une expedition militaire où il s'eft engagé entend dire que les ennemis font pro-ches, il apelle fes compagnons de guerre, obferve leur contenance für ce bruit qui court,leur dit qu'il eft fans fondement, & que les coureurs n'ont pû difcerner, fi ce qu'ils ont découvert à la campagne font amis ou ennemis : mais fi l'on n'en peut plus douter par les clameurs que l'on entend, & s'il a veu lui-même de loin le com-mencement du combat, & que quelques hommes aient parû tomber à fes pieds; alors feignant. que la precipitation & le tumulte lui ont fait oublier les armes, il court les querir dans fa tente, où il cache fon épée fous le chevet de fon lit, & emploie beaucoup de tems à la chercher ; pendant que d'un autre côté fon valet va par fes or dres favoir des nouvelles des ennemis, obferver quelle route ils ont prife, & où en font les afai-res : & dés qu'il voit aporter au camp quelqu'un tout fanglant d'une bleffare qu'il a reçûë, il acourt verslui,le confole & l'encourage, étanche le fang qui coule de fa plaie, chaffe les mouches qui l'importunent, ne lui refufe aucun fecours,& fe mêlé de tout, excepté de combatre. Si pendant Ils confultoient les Dieux par les facrifices on. parles augures, c'est à dire, par le vol, le chant, le manger des oiseaux & encore par les entrailles, des bêtes.

Te tems qu'il eft dans la chambre du malade, qu'il ne perd pas de vûë, il entend la trompette qui fonne la charge; ah, dit-il avec imprecation, puiffetu être pendu maudit fonneur qui cornes incef-famment, & fais un bruit enragé qui empêche ce pauvre homme de dormir! Il arrive même que tout plein d'un fang qui n'eft pas le fien,mais qui a rejalli fur lui de la plaie du bleffé, il fait acroire à ceux qui reviennent du combat,qu'il a couru un grand rifque de fa vie pour fauver celle de for ami;il conduir vers lui ceux qui y prennent interêt, ou comme fes parens, ou parce qu'ils font d'un même païs, & là il ne rougit pas de leur raconter quand & de quelle maniere il a tiré cet homme des ennemis, & l'a aporté dans fa tente.

Des Grands d'une Republique.

A plus grande paffion de ceux qui ont less

Laxemieres places dans un Etat populaire,n'eft

pas le defir du gain ou de l'acroiffement de leurs revenus, mais une impatience de s'agrandir & de' fe fonder,s'il fe pouvoit,une fouveraine puiffance fur celle du peuple. S'il s'eft affemblé pour déli Berer à qui des citoiens il donnera la commiffion d'aider de fes foins le premier Magiftrat dans la conduite d'une fête ou d'un fpectacle, cet homme ambitieux & tel que je viens de le définir, fe leve,, demande cet emploi, & protefte que nul autre ne peut fi bien s'en aquiter. Il n'aprouve point la domination de plufieurs, & de tous les vers d'Homere il n'a retenu que celui-ci ::

Les Peuples font heureux, quand un feul les gou

verne.

Son langage le plus ordinaire eft tel; retironsnous de cette multitude qui nous environne; te nons enfem ble un confcil particulier ou le peuple ne foit point admis; effaions même de lui ferme

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