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à ce verre. Ils fe réuniffent à quelque distance du verre. Concevons un verre taillé de forte, que ces rayons fe croifent pour aller former dans l'oeil en Cun angle auffi grand que celui de l'œil en A, alors l'œil, nous dit-on, juge par cet angle. Il voit donc alors l'objet; de la même grandeur, que le voit l'œil en A. Mais en A, il le voit à cent pas de distance: donc en C, recevant le même angle, il le verra encor à cent pas de diftance. Tout l'effet des verres de lunettes multipliés, & des microscopes & des télescopes divers, qui agrandiffent les objets, confifte donc à faire voir les chofes fous un plus grand angle. L'objet A B (Figure 10.) eft vû par le moyen de ce verre fous l'angle D C D, qui eft bien plus grand que l'angle A C B.

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Vous demandez encor aux règles d'Optique, pourquoi vous voyez les objets dans leur fituation, quoiqu'ils fe peignent renversés fur notre rétine? Le rayon qui part de la tête de cet

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homme A (Figure 11.) vient au point inférieur de votre rétine A, fes pieds B font vûs par les rayons B B au point fupérieur de votre rétine B. Ainfi cet homme eft peint réellement la tête en bas & les pieds en haut au fond de vos yeux. Pourquoi donc ne voyez-vous pas cet homme renverfé, mais droit, & tel qu'il elt?

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Pour réfoudre cette queftion, on fe fert de la comparaifon de l'aveugle qui tient des batons croifés avec lefquels il devine très-bien la pofition des objets. Car le point qui eft à gauche, étant fenti par la main droite à l'aide du baton, il le juge auffi-tôt à gauche; & le point que fa main gauche a fenti par l'entremife de l'autre bâton, il le juge à droite fans fe tromper. Tous les Maîtres d'Optique nous difent donc, que la partie inférieure de l'oeil rapporte tout d'un coup fa fenfation à la partie fupérieure de l'objet, que la partie fupérieure de la rétine rapporte auffi naturellement la fenfation à la partie

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inférieure; ainfi on voit l'objet dans fa fitua tion véritable.

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Mais quand vous aurez connu parfaitement tous ces angles, & toutes ces lignes mathématiques, par lefquelles on fuit le chemin de la lumière jufqu'au fond de l'oeil, ne croyez pas pour cela favoir comment vous appercevez les grandeurs, les diftances, les fituations des chofes. Les proportions géométriques de ces angles & de ces lignes font juftes, il eft vrai; mais il n'y a pas plus de rapport entr'elles & nos fenfations qu'entre le fon que nous entendons & la grandeur, la diftance, la fituation de la chofe en. tendue. Par le fon, mon oreille elt frappée; j'entens des tons, & rien de plus. Par la vue, mon œil eft ébranlé; je vois des couleurs, & rien de plus. Non feulement les proportions de ces angles, & de ces lignes, ne peuvent en aucune manière être la caufe immédiate du jugement que je forme des objets; mais en plufieurs cas ces proportions ne s'accordent point du tout avec la façon dont nous voyons les objets. Par exemple, un homme vû à quatre pas, & à huit pas, eft vù de mème grandeur. Cependant l'image de cet homme, à quatre pas, eft à très-peu de chofe près double dans votre oil, de celle qu'il y trace à huit pas. Les angies font différens, & vous voyez l'objet toujours également grand; donc il eft évident, par ce feul exemple, choifi entre plufieurs, que ces angles & ces lignes ne font point du tout la caufe immédiate de la maniére dont nous voyons.

Avant donc que de continuer les recherches

que

que nous avons commencées fur la lumière, & fur les loix méchaniques de la Nature, vous m'ordonnez de dire ici, comment les idées des distances, des grandeurs, des fituations, des objets, font reçues dans notre ame. Cet examen nous fournira quelque chofe de nouveau & de vrai, c'eft la feule excufe d'un livre.

CHAPITRE V.

COMMENT NOUS CONNAISSONS LES
DISTANCES, LES GRANDEURS, LES FI-
GURES, LES SITUATIONS.

Les angles ni les lignes optiques ne peuvent nous faire connaître les diftances. Exemple en preuve. Ces lignes optiques ne font connaître ni les grandeurs ni les figures. Exemple en preuve. Preuve par l'expérience de l'aveugle né guéri par Chefelden. Comment nous connaisJons les diftances & les grandeurs. Exemple. Nous apprenons à voir comme à lire. La vie ne peut faire connaître l'étendue.

Commençons par la diftance. Il est clair

qu'elle ne peut être apperçue immédiatement par elle-même, car la diftance n'est qu'une ligne de l'objet à nous. Cette ligne fe termine à un point; nous ne fentons donc que ce point; & foit que l'objet exifte à mille lieues, Mélanges &c.

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ou

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ou qu'il foit à un pied, ce point est toujours le mème. Nous n'avons donc aucun moyen immédiat pour appercevoir tout d'un coup la distance, comme nous en avons pour fentir par Fattouchement, fi un corps eft dur ou mou; par le goût, s'il eft doux ou amer; par l'ouïe, fi de deux fons l'un eft grave & l'autre aigu. Car, qu'on y prenne bien garde, les parties d'un corps, qui cèdent à mon doigt, font la plus prochaine caufe de ma fenfation de molleffe; & les vibrations de l'air, excitées par le corps fonore, font la plus prochaine caufe de ma fenfation du fon. Or fi je ne puis avoir ainfi immédiatement une idée de diftance, il faut donc que je connaiffe cette diftance par le moyen d'une autre idée intermédiaire; mais il faut au moins que j'apperçoive cette idée intermédiaire; car une idée que je n'aurai point, ne fervira certaine ment pas à m'en faire avoir une autre. On dit, qu'une telle maifon eft à un mille d'une telle rivière; mais fi je ne fai pas où eft cette riviè re, je ne fai certainement pas où est cette maifon. Un corps cède aifement à l'impreffion de ma main; je conclus immédiatement fa molleffe. Un autre réfifte; je fens immédiatement fa dureté. Il faudrait donc que je fentiffe les angles formés dans mon oil, pour en conclurre immédiatement les diftances des objets. Mais la plupart des hommes ne favent pas même fi ces angles exiftent: donc il est évident que ces angles ne peuvent être la caufe immédiate de ce que vous connaiez les distances.

Celui qui, pour la première fois de fa vie,

en

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