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que

un peu tentée d'effleurer l'éducation du petit Page; le Comte a grande envie d'user avec Suzette d'un ancien droit qui blesse également la pudeur et la sainteté du lien conjugal; mais que de comédies ne voyons-nous pas tous les jours au Théâtre dont les mœurs ne sont pas plus honnêtes, et dont le langage est encore moins décent! Les traits de critique et de satire répandus dans tout le cours de l'ouvrage, et surtout dans le troisième et dans le cinquième actes, ont probablement contribué beaucoup plus le fonds même de la pièce à en faire défendre la représentation. Le dialogue du Mariage de Figaro ressemble à celui du Barbier de Séville; on y court après le trait; la réponse est souvent le seul motif de la question; ce trait n'est quelquefois qu'une pointe, un proverbe retourné, un mauvais calembour; en voici quelques échantillons: Tant va la cruche à l'eau....qu'à la fin elle s'emplit.... Gaudeant bene nati; non, gaudeant bene nantis... L'amour, dit le Comte à Suzette, n'est le roman du cœur, c'est le plaisir qui en est l'histoire..... Toutes ces choses, ou déplacées ou de mauvais goût, n'empêchent pas que l'ouvrage ne soit écrit en général avec beaucoup d'esprit et de gaieté; mais c'est dans la manière dont l'intrigue est conçue et dans la manière dont elle est conduite que l'on a cru voir le plus de talent et de verve vraiment comique.

que

Les Merveilles du Ciel et de l'Enfer et des Terres planétaires et australes, par Emmanuel de

Schwedenborg, d'après le témoignage de ses yeux et de ses oreilles; traduit du latin par A. J. P. Deux volumes in-8°. A Berlin, chez Decker, imprimeur du Roi. L'auteur commence par nous assurer que tout homme embrasé, à l'instant de sa mort, de l'amour céleste monte droit au ciel; il nous raconte ensuite très-sérieusement que lui-même a fait ce voyage de son vivant; il entre dans les détails les plus circonstanciés sur les habitations destinées dans le monde spirituel aux Anglais, aux Hollandais et nommément aux Parisiens. Toutes ces visions sont loin de valoir celles de Virgile et d'Homère; elles sont fort au-dessous de celles de l'Arioste et de l'auteur de la Pucelle; ainsi l'on est beaucoup moins tenté de croire aux révélations divines de M. de Schwedenborg qu'à celles d'Homère et de ses rivaux. Ce qu'il y a de plus extraordinaire dans les Merveilles du Ciel et de l'Enfer et des Terres planétaires et australes, c'est que ce monument de délire soit l'ouvrage d'un homme distingué non-seulement par sa probité, mais encore par ses connaissances et par ses lumières. On voit dans l'Eloge imprimé à la tête de ces deux volumes, Eloge prononcé à l'Académie de Stockholm par M. de Sandel, que notre prophète suédois, fort différent de la plupart des prophètes ses devanciers, avait approfondi les parties les plus importantes de la philosophie, qu'il savait beaucoup de physique, d'histoire naturelle, de géométrie, de chimie, d'anatomie, etc. On a de lui un grand nombre d'ouvrages très-estimables; un recueil de vers composés

dans sa jeunesse, Ludus Heliconius, Daedalus Hyperboreus; un projet de fixer la valeur de nos monnaies, et de déterminer nos mesures, de manière à supprimer toutes les fractions pour faciliter les calculs; un Traité de la position et du cours des planètes; différens Traités de minéralogie.

Le trait le plus singulier de son talent pour la devination, et le plus inexplicable sans doute par e qu'il est le mieux constaté, le voici: "La Reine de "Suède lui demanda un jour s'il pouvait savoir le " contenu d'une lettre qu'elle avait écrite à son "frère le Prince de Prusse défunt, contenu dont "elle était assurée que personne au monde n'avait "connaissance que ce frère. M. de Schwedenborg "lui répondit qu'il lui ferait le récit du contenu de "cette lettre dans peu de jours: il tint parole;

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car, ayant tiré Sa Majesté à part, il lui dit mot pour mot le contenu de la dite lettre."

Ce fait est confirmé par des autorités si respectables qu'il est impossible de le nier; mais le moyen d'y croire....!

Essais philosophiques sur les mœurs de divers animaux étrangers, avec des Observations relatives aux principes et usages de plusieurs peuples, ou Extrait des Voyages de M. *** en Asie; volume in-8vo, avec cette épigraphe :

Usus et impigræ simul experientia mentis

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Nous avons cherché jusqu'ici très-inutilement

à découvrir le nom de l'auteur; on sait seulement

qu'il n'est pas inconnu au Gouvernement, dont il croit avoir à se plaindre.

Cet ouvrage n'est qu'une rapsodie très-informe, mais où l'on trouve un assez grand nombre de faits peu connus et quelques observations assez nouvelles : M. de Buffon, à qui l'ouvrage est dédié, les á jugées curieuses et très-bonnes. Celle-ci serait-elle du nombre ?

Des médecins arabes, dit notre anonyme, ou turcs et même chrétiens, de différentes parties méridionales de l'Asie, prétendent que l'on a observé dans certaines émanations du corps de l'âne une propriété médicale contre une maladie secrète.... Il est difficile d'indiquer ici ce spécifique singulier avec la circonspection convenable...

La note de notre voyageur anonyme sur les danseuses indiennes n'est pas aussi éloquente que la peinture qu'en fait l'abbé Raynal; mais elle n'est pas moins curieuse. "L'état de ces danseuses, dit le nouveau voyageur, est en lui-même si peu dévoué à l'ignominie, qu'un des noms sous lequel elles sont très-souvent désignées est celui de servantes des Dieux. Presque seules entre les femmes de ces contrées, elles apprennent à lire, écrire, chanter, danser et jouer des instrumens; de plus, quelques-unes savent trois ou quatre langues. Vivant par petites troupes, sous la direction de matrones discrètes, il ne se fait point de cérémonies, ni de fêtes, soit civiles, soit religieuses, où leur présence ne soit un des

ornemens à-peu-près nécessaires... Consacrées par état à célébrer les louanges des Dieux, 'elles se font un pieux devoir de contribuer aux plaisirs de leurs adorateurs, de tribus honnêtes. L'on en a cependant vu qui, par raffinement de dévotion se réservant pour les brames et des espèces de moines mendians, ont dédaigné toutes offres et toutes caresses profanes... C'est à tort que quelques personnes ont présumé que les temples profitaient du fruit des veilles plus ou moins méritoires de ces danseuses ; elles en reçoivent au contraire, dans des temps fixes, de modiques rétributions en denrées et en argent... Quant à la forme de leurs ajustemens, elle est leste et voluptueuse, et néanmoins plus décente que celle usitée par la plupart des autres femmes du pays : elle est d'ailleurs fort bien assortie à la couleur de leur carnation. Une chose qui peut-être semble imprimer à leur physionomie une certaine dureté, c'est l'usage très-commun parmi elles d'introduire sous la peau de leurs paupières de la poudre d'antimoine calcinée; par-là elles prétendent, en fortifiant leurs yeux, leur donner plus d'expression. A l'égard de leurs danses, il faut convenir qu'en public, et surtout dans les établissemens européens, elles ne se permettent rien de messéant; leur grand défaut dans ces circonstances est presque toujours une ennuyeuse monotonie. Au reste, formées pour plusieurs sortes de parties, les ballets, qu'en général elles exécutent plus souvent, sont moraux ou même

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