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rentreraient jamais. Des hommes arrivèrent bientôt dans chacun de ces appartemens et employèrent tous les moyens de séduction. "Ni les raisonne

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mens, ni les sarcasmes, ni les larmes, ni les "prières, ni le désespoir, ni les promesses ne purent 66 rien, tant la curiosité et l'espoir secret de dominer sont des ressorts puissans chez les femmes. Toutes "rentrèrent dans le temple telles que la grandeprêtresse l'avait ordonné.... Après un quart d'heure de silence une espèce. de dôme s'ouvrit, et sur une grosse boule d'or descendit un homme nu comme Adam, tenant dans sa main un serpent, et portant sur sa tête une flamme brillante: "Celui

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que vous allez entendre, dit la grande-prêtresse, "est le célèbre, l'immortel, le divin Cagliostro, "sorti du sein d'Abraham sans avoir été conçu et "dépositaire de tout ce qui a été, de tout ce qui est

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et de tout ce qui sera connu de la terre.-Filles "de la terre, s'écria-t-il, dépouillez ces vétemens profanes, et si vous voulez entendre la vérité, "montrez-vous comme elle."-En un instant tout fut nu comme la main.

S'il en faut croire l'historien, abjurer un sexe trompeur fut le conseil que le prétendu génie de la vérité donna à ses élèves: Que le baiser de l'amitié, leur dit-il en terminant son extravagant discours, annonce ce qui se passe dans vos cœurs! Et la

grande-prêtresse leur apprit ce que c'était qué le

baiser de l'amitié.

De tels mystères étaient bien propres à mettre

en vogue le comte et la comtesse de Cagliostro. Il saisit le moment de l'enthousiasme pour poser la première pierre de la Franc-Maçonnerie égyptienne. Il annonça aux lumières du Grand-Orient que l'on ne pouvait travailler que sous une triple voûte, qu'il ne pouvait y avoir ni plus ni moins de treize adeptes, qu'ils devaient être purs comme les rayons du soleil et même respectés par la calomnie, n'avoir ni femmes, ni maîtresses, ni jouissances faciles; posséder une fortune au-dessus de cinquante-trois mille livres de rente, et surtout cette espèce de connaissances qui se trouvent si rarement avec les nombreux revenus.

Quelques notes rendent cette brochure encore plus piquante. On y peint ainsi nos différentes classes d'alchimistes.

"C'est dans le faubourg Saint-Marceau que 66 se retirent les chimistes inconnus. Leur manie "est de répandre que la Police les persécute. Les

uns font de l'or, les autres fixent le mercure. "Ceux-ci soufflent et doublent la grosseur des "diamans, ceux-là composent des élixirs. Les

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uns fabriquent des poudres, les autres distillent ❝ des eaux, tous possèdent des trésors et tous, meu"rent de faim. Leur langage est inintelligible, "leur extérieur est celui de la misère, leur habita"tion est sale et obscure, et lorsque la curiosité 66 vous attire un moment dans un de ces tristes ré"duits, vous apercevez dans un coin une malhon"nête créature qui a l'air d'une sorcière, et qui

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garde le laboratoire pendant que le chimiste "cherche des dupes.... Quant aux adeptes connus, ils ont de superbes laboratoires, garnis d'ins"trumens coûteux et de vases bien étiquetés. "Deux ou trois garçons ont l'air de travailler, et lorsque le grand seigneur arrive, alors le direc"teur fait briller à ses yeux l'espoir de réaliser les

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plus beaux secrets; il lui montre les plus heureux commencemens; il lui promet qu'à la troisième "lune on verra. Voir est un terme de l'art qui "dit cent fois plus qu'on ne peut exprimer.... Il y "a cependant des êtres qui embarrassent même "l'incrédulité. Ils n'ont ni terres, ni contrats, ni 66 rentes, ni famille, ni métier, et ils vivent, font "même une certaine dépense; étrangers à l'agio"tage, aux intrigues des femmes, où prendraient"ils des,.secours constans? Les inspecteurs des "monnaies conviennent qu'on leur apporte une "espèce d'or qui a été travaillé par la main des "hommes. Enfin il y a des choses trop claires pour être rejetées, et trop obscures pour être adoptées."

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EPIGRAMME.

Eglé parle toujours bon sens
Et se conduit comme une folle :
Elle a des amis, des amans.
Toujours fidèle à sa parole,
Les premiers en sont fort contens;
Les seconds, elle les désole,

Tant elle est fidèle à ses sens.

Le pauvre Philidor, dont les digestions sont devenues depuis quelque temps fort laborieuses, s'était rendu à une des répétitions de son nouvel opéra, (l'Amitié au Village,) à la suite d'un long déjeuner qui l'avait fort retardé. L'orchestre à jeun mourait de faim. Le compositeur, aussi peu sûr du mouvement de ses jambes que de celui de la plupart des morceaux de sa musique, les faisait recommencer à chaque instant. On le vit s'avancer en vacillant sur le bord du théâtre au moment où l'on allait exécuter une arriette qui devait être accompagnée par l'orchestre avec des sourdines, en criant, les sourdines! Messieurs, les sourdines! Un des exécutans lui répondit (comme s'il eût dit, les sourds dinent): Ils sont doublement heureux ; calembour qu'on ne peut écrire, mais qui exprime assez plaisamment l'envie qu'on portait dans ce moment aux sourds qui avaient le bonheur de dîner et de ne pas entendre sa musique.

Vers la fin de 1783, nous étions bien honteux, je ne sais pourquoi, d'avoir été mystifiés par un mauvais plaisant de Lyon, qui, pour éprouver notre crédulité, avait fait annoncer avec beaucoup de pompe la découverte prétendue de sabots élastiques avec lesquels on pouvait marcher sur l'eau sans craindre même d'avoir les pieds mouillés. Nous avons vu ce miracle il y a plus de deux mois, et

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le prodige a fait si peu de sensation que nous sommes presque excusables de n'en avoir pas encore parlé.

Un mécanicien espagnol a fait cette expérience, le lundi 5 Septembre, dans l'enceinte de la Rapée, où se font les joutes. Il s'est placé sur l'eau sans autre secours que ses sabots; on l'a vu avancer sur la rivière, tantôt suivant le courant, tantôt contre le courant; il s'est arrêté plusieurs fois,s'est baissé pour prendre de l'eau dans le creux de sa main, et dans ces deux situations il n'a pas paru dériver. Sa marche, lourde et lente, avait l'air d'être pénible, par la difficulté qu'il paraissait avoir de garder son équilibre ; il glissait plutôt qu'il ne marchait. Il est resté sur l'eau de quinze à vingt minutes; et avant de gagner le bord, il a quitté ses sabots, qu'il a laissés dans une espèce de boîte qui était à flot, afin d'en cacher la forme aux spectateurs. L'administration avait eu soin de faire tenir à quelque distance de lui un bateau qui fût à portée de le secourir en cas d'accident.

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On conçoit que, pour assurer le succès de ce nouveau prodige, il suffit de déplacer une masse d'eau égale au poids du marcheur. Le pied cube d'eau pèse soixante-dix livres, en sorte que le déplacement de deux pieds doit nécessairement soutenir à la surface de l'eau un homme du poids de cent quarante livres. Ces sabots ne sont donc réellement qu'un bateau divisé en deux parties; ainsi, en supposant que le hasard eût fait faire la découverte

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