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de réformer l'Eglise, mais dans le fait pour déposer Jules II, son ennemi personnel.

Au discours de M. de Saint-Lambert a succédé la lecture d'un article de M. Marmontel, sur les Etudes relatives à l'Eloquence. La première partie de ce morceau de littérature, composé de préceptes connus de tout le monde, a paru très-bien faite pour être placée dans un Dictionnaire tel que la nouvelle Encyclopédie, mais trop longue et trop peu piquante pour être lue dans une séance académique. Ce défaut de convenance a été racheté à la fin par une péroraison très-brillante et pleine de mouvement. M. Marmontel, en convenant que les assemblées publiques et populaires, les grands intérêts des républiques de Rome et d'Athènes offraient à l'éloquence le théâtre le plus vaste et le plus propre à faire briller toute l'énergie et toute la magnificence de ses moyens, a développé ensuite avec une chaleur vraiment éloquente et d'un caractère digne de la tribune antique tout ce que l'état actuel de nos mœurs et la forme de nos gouvernements laissaient encore de ressources à l'art qui immortalisa les Cicéron et les Démosthène. L'énumération de tous ces objets, dignes d'exercer de nos jours les talens de l'orateur, a amené l'éloge très-mérité du Discours prononcé le matin, dans la chapelle du Louvre, par M. l'abbé de La Boissière. Conformé. ment à l'arrêté fait l'année dernière par l'Académie, ce jeune orateur avait remplacé, par un excellent sermon sur la Bienfaisance Chrétienne, le panégy

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rique de saint Louis; ce panégyrique, répété tous les ans depuis plus d'un siècle, n'offrait plus à nos orateurs qu'un sujet épuisé. M. l'abbé de La Boissière, dans ce Discours qui fait concevoir les plus grandes espérances de son talent, avait présenté comme un modèle de la bienfaisance chrétienne le dévouement sublime du prince Léopold de Brunswick; et ce tableau touchant de la mort d'un Prince protestant que son humanité rapprochait si fort du Dieu auquel doivent se rapporter toutes les religions de la terre avait fait couler les larmes du nombreux auditoire catholique, et la sainteté du lieu avait seule empêché qu'on ne l'applaudit. Le dévouement héroïque de ce Prince est le sujet d'un prix extraordinaire que M. Marmontel nous a annoncé dans ces termes :

"Une personne du plus haut rang, qui ne "veut pas être nommée, propose une médaille d'or "de la valeur de trois mille livres pour l'ouvrage en 66 vers dans lequel on aura célébré le plus digne"ment, au jugement de l'Académie, le dévoue

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ment héroïque du prince Maximilien-Jules-Léo. pold de Brunswick, qui a péri dans l'Oder, en "allant au secours de deux paysans entraînés par "les eaux."

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L'annonce de ce prix à été reçue avec transport; et si le Prince (1) qui le donne eût été pré

(1) On sait aujourd'hui que c'est M. le comte d'Artois qui a donné ee prix.

sent, il n'eût pu voir sans en être attendri avec quelle complaisance le cœur des Français le bénissait de consacrer par cet acte de piété une action qui honore l'humanité, et plus particulièrement encore tous ceux que le sort a fait naître dans le rang du prince de Brunswick.

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M. Gaillard, le même qui fut, il y a quelques mois, le premier exemple peut-être d'un académicien sifflé dans ses propres foyers, a voulu prendre en quelque sorte sa revanche en nous laissant une petite Dissertation assez bien écrite sur l'Histoire de la Pucelle d'Orléans, considérée comme sujet épique. Il regarde ce sujet comme un des plus favorables que notre Histoire puisse fournir à l'Épopée, et s'afflige que les vers froids et barbares de Chapelain l'aient fait tomber dans l'oubli, et que le génie brillant de M. de Voltaire ne l'en ait tiré que pour le livrer au ridicule éternel de la plaisanterie la plus gaie et la plus ingénieuse. C'est une vérité reconnue depuis long-temps; Boileau même, qui s'est tant moqué des vers de Chapelain, convenait que le plan de son Poëme était excellent. M. Gaillard pour prouver que le sujet de la Pucelle est plus épique que celui de la Henriade, n'a guère employé d'autre art que celui de rassembler les faits les plus importans du règne de Charles VII, avec les circonstances les plus touchantes de la vie et de la mort de la Pucelle. Son Discours, qui n'offrait d'ailleurs aucune idée nouvelle, a été écouté avec

un silence

des sifflets.

presque aussi fâcheux que l'auraient été

La séance a été terminée par la lecture qu'a faite M. Bailly d'un Eloge de Marivaux, par feu M. d'Alembert. Cet éloge doit être imprimé avec plusieurs autres qui ont été trouvés dans le portefeuille de l'auteur : la manière sévère dont le public accueillit le dernier, celui de Saint-Aulaire, l'avait dégoûté de lire à l'Académie. Celui-ci a paru excessivement long, quoique semé quelquefois de traits assez piquans, et qui peignent avec beaucoup de vérité le caractère et le genre d'esprit de Marivaux : en voici une anecdote que nous croyons peu connue.

M. de Marivaux portait dans la société une humeur fort susceptible; il recevait une pension d'Helvétius, auteur du livre de l'Esprit; mais la reconnaissance ne le rendait pas plus complaisant pour les opinions de son bienfaiteur; il lui résistait souvent. L'ayant quitté un jour fort brusquement à la suite d'une discussion très-vive et pleine d'aigreur, à laquelle Helvétius avait fini par n'opposer que le silence: Ah! comme je lui aurais répondu, dit le philosophe quand il fut sorti, si je ne lui avais pas l'obligation d'avoir bien voulu accepter de moi une pension qu'il eût refusée de tout autre...! Il eût été plus délicat sans doute de le laisser penser aux assistans que de les en avertir.

Au reste, on a trouvé que le Discours de M. d'Alembert ressemblait beaucoup plus à une satire qu'à un éloge: ce qui n'a encore échappé à person

ne, c'est que, en critiquant avec raison le ton métaphysique et maniéré qui règne dans les ouvrages de Marivanx, M. d'Alembert semble avoir presque cherché à l'imiter; ses reproches et ses louanges ne sont souvent que du marivaudage tout pur, quelquefois même avec un ton de familiarité presque niaise que d'Alembert avait adopté dans ses derniers éloges et que l'auteur de Marianne eut toujours le bon goût d'éviter, même dans le genre de Romans qui en paraissait le plus susceptible.

PRÉCIS HISTORIQUE de la Vie de M. de Bonnard (1), par M. Garat; petit in-16, de cent neuf pages, avec cette égigraphe :

Non ille pro caris amicis

Aut patriâ timidus mori. HORAT.

Ce n'est point ici, l'auteur en convient luimême, l'éloge d'un homme dont la renommée a parlé, d'un militaire illustré par des victoires, ou d'un écrivain qui a laissé des ouvrages sublimes; on n'en a pas moins retrouvé trop souvent dans ce Précis l'emphase académique et le ton du panégyriste; avec beaucoup d'esprit et de talens, M. Garat ne nous a pas encore prouvé qu'il eût acquis celui de suspendre à propos le développement de ses idées,

(1) Bernard de Bonnard, mestre de camp d'infanterie, chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, ancien sous gouverneur des enfans de M. le duc de Chartres, de l'Académie de Dijon.

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