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compte des progrès qu'ont faits parmi nous les nouveaux principes de l'administration du commerce. Il s'opère en effet ici une grande révolution qui me semble devoir devenir bientôt générale, où s'étendre du moins aussi loin que l'influence de notre Nation sur le système de l'Europe. Je ne puis me rappeler que trois événemens qui peuvent vous intéresser en votre qualité de professeur d'économie publique et d'avocat des Nations: l'affaire du thé, celle du commerce de nos îles avec nos anciennes colonies du continent de l'Amérique, enfin le règlement de notre commerce d'Irlande.

Quant au thé, la diminution des droits sur cette marchandise a eu des suites si avantageuses qu'elles ont passé nos espérances. Les ventes ont augmenté de cinq millions de livres pesant à douze millions; malgré beaucoup de circonstances défavorables, il est vraisemblable qu'elles s'élèveront très-promptement à quinze ou seize, et dans fort peu de temps à dix-huit; mais, outre cet avantage, nous avons retiré de cette opération celui d'affaiblir tellement tout le système de la contrebande, que le revenu général se trouve augmenté à un degré dont tout le monde est étonné. Quant à moi, je n'ai jamais mieux vu que dans cette occasion, et par tout ce qui s'est passé, combien notre Compagnie des Indes orientales est funeste à la prospérité de notre commerce général.

Nous avons renvoyé à l'année prochaine les règlemens à faire pour le commerce de nos îles de

l'Amérique avec nos anciennes colonies; mais je ne puis vous exprimer mon étonnement sur ce qui s'est passé chez vous au sujet de votre commerce avec vos iles. Je n'en sais que ce que j'en ai lu dans une Gazette de Leyde; mais j'ai vu l'extrait d'une lettre du Parlement de Rouen, si absurde et d'après des principes si étroits, que je serais bien étonné de les voir avancer ici même par nos gens de parti et pour servir un intérêt du moment. J'ai lu un pamphlet que le sieur Franklin a envoyé à M. Vaughan sur la même matière, et je l'ai trouvé si bien fait et si bien dans tous les principes que vous me connaissez et qui me sont communs avec vous, que je l'aurais cru écrit par vous-même, sans la persuasion où je suis que, si vous en étiez l'auteur, vous me l'auriez envoyé, ou que vous m'en auriez fait quelque mention. Quoi qu'il en soit, je suis entièrement de l'avis de cet écrivain, et je crois ses raisonnemens clairs et ses principes incontestables.

Il n'y a point eu parmi nos négocians d'opposition au projet de rendre le commerce libre entre nos îles et le continent de l'Amérique, excepté de la part de ceux qui sont intéressés aux établissemens de la nouvelle Ecosse ou au commerce de ce pays, et qui ont besoin du monopole pour cette double raison, et peut-être parce qu'ils se proposent, en laissant subsister les prohibitions, de faire la contrebande pour leurs voisins de la nouvelle Angleterre. La cause de la liberté l'aurait cependant emporté malgré leur opposition, sans l'obstacle qu'y ont mis

quelques restes de l'ancien Ministère et des anciens principes. Soit préjugé, soit désir de se rendre populaire, ces gens rappellent l'acte de nayigation à cette occasion comme à toutes les autres; mais il est vrai cependant que notre public, en y comprenant nos marchands mêmes et nos manufacturiers, a agrandi ses idées et s'est éclairé à un point qui m'étonne moi-même.

Quant aux obstacles qu'ont rencontrés les propositions de l'Irlande, ils ne portent que sur de fausses bases: ́d'abord l'esprit de parti des hommes qui veulent entrer dans le Ministère, et qui ne cherchent, jusqu'à ce qu'ils y parviennent, qu'à en barrasser le Gouvernement; les opposans sont, en second lieu, les manufacturiers en coton qui voudraient se débarrasser de quelques taxes mises sur eux très-maladroitement; enfin quelques citoyens qui désirent avec raison que les droits sur les matières premières des ouvrages soient les mêmes dans les deux pays. Le Ministère a mis tant de négligence à traiter avec ces deux dernières classes d'opposans, que ceux-ci, craignant de ne pas réussir dans leurs demandes, ont eu recours contre leur propre pensée aux anciens préjugés qui agissent toujours sur l'esprit du plus grand nombre; inconvénient terrible d'un gouvernement populaire, qui peut entraîner les plus funestes conséquences. Mais, avec tout cela, le corps de nos manufacturiers qui ont le plus grand intérêt à la chosé, comme tous ceux dont je suis environné à Wiltshire, et tous les

négocians, particulièrement ceux de Londres, sont parfaitement convaincus de la solidité du principe général de la liberté.

J'ai mandé à Favre de vous envoyer de Londres deux pamphlets de M. Twining sur le thé, un autre sur le sel, du lord D......, et un excellent petit écrit du doyen Tucker, sur l'affaire d'Irlande. Vous devez vous rappeler que M. Twining est le plus grand marchand du thé que nous ayons. Son pamphlet est important, parce qu'il montre l'étendue incroyable qu'avaient prise la contrebande et les fraudes de toute espèce; conséquences nécessaires des forts droits et des prohibitions.....

VERS de M. l'abbé Porquet à M. de Vaux.
Tous les malheurs des gens heureux,
J'en conviens, assiégent ta vie;
Cependant souffre qu'on t'envie,

Et plains-toi, puisque tu le veux.

Le Ciel te prodigua tous les défauts qu'on aime.
Tu n'as que les vertus qu'on pardonne aisément.
Ta gaîté, tes bons mots, tes ridicules même
Nous charment presqu'également.
Philosophe à la Cour, et commère à la ville,
Qui, comme toi, d'un air agréable et facile,
Sait amuser autrui de son oisivetė,
Minauder, discuter, composer vers ou prose,
Et nécessaire enfin par sa frivolité,

Par des riens valoir quelque chose ?
Supprime donc des pleurs qu'on essuie en riant;
D'un homme tout entier ose montrer l'étoffe ;

A tout l'esprit d'un philosophe

Ne joins plus le cœur d'un enfant.

RÉPONSE du méme à des Réflexions trop justes sur les dégoûts et les chagrins de la vie ; à madame de Boufflers.

Appréciez bien moins la vie,

Si vous voulez en mieux jouir;
Avec trop de philosophie

On parviendait à la haïr.

Ou désirs ou regrets, voilà notre partage';
Mais sous ce triste aspect pourquoi l'envisager?
Vivre, dit-on, c'est voyager;

Dans les distractions achevons le voyage,
Le sommeil vient sans y songer.

Le Mercure de France est une entreprise typographique dont le produit appartieut au département du Ministre de Paris. La majeure partie est affectée à des pensions; le reste est distribué annuellement en gratifications aux jeunes littérateurs qui ont travaillé à ce Journal. Dans la distribution que M. de Breteuil vient de faire de ces bénéfices, il a compris pour 300 livres tournois, une fois payées, M. Garat. Ce jeune philosophe, couronné trois fois par l'Académie, et l'un des coopérateurs les plus laborieux et les plus distingués du Mercure de France, s'est trouvé si humilié de l'exiguité de cette récompense, qu'il s'est permis d'adresser à son bienfaiteur la lettre que voici :

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