Page images
PDF
EPUB
[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

C'est plat,
Très-plat,

Et je n'en fais nul état.

Moi, je pense qu'il faut tout dire,

Et j'aime à rire.

(bis.)

Comme le bâtiment du nouveau palais de M. le duc de Chartres ne sera repris que dans trois ou quatre ans, on a voulu tirer, en attendant, quelque parti du terrain, et l'on y a élevé des boutiques en bois, dont la décoration répond à celle des arcades, on ferme l'enceinte, et permet dès à présent de faire tout le tour du jardin à couvert. C'est la plus belle foire qui ait jamais existé, et le vœu que formait M, de Voltaire, de voir embellir un jour Cachemire par un de ces grands bazars entourés de colonnes et servant à-la-fois à l'utilité et à l'ornement, ne pouvait être plus magnifiquement accompli. Le public y gagne et se tait; quelques particuliers y perdent, ceux-là crient (1), et, ne pouvant s'en venger autrement, s'en dédommagent au moins par des sarcasmes et par des chansons. En voici une sur l'air de Monseigneur d'Orléans.

J'ai vu dans un jardin
Un palais de sapin!
Dont la solidité

Fait la beauté.

(1) Un des marchands qui ont loué sous les arcades, se plaignant l'autre jour tout haut du tort que lui allait faire la concurrence des nouvelles boutiques, disait: C'est une chose injuste, et M. le duc de Chartres, tout Prince du sang qu'il est, n'en a pas le droit.— Eh! ne voyez-vous pas, Monsieur, lui répondit un passant, que ce n'est pas comme Prince du sang que M. le duc de Chartres fait cela, c'est comme Colonel-général des Hussards.

Les toits, les murs et les montans
Sont faits de planches de bois blancs,
Dont le plus ou moins de longueur
N'a pas un pouce d'épaisseur.
Mais vive la coupe des plafonds,

Qui sont de toile à torchons!

De face on croit voir le bain

De Poitevin,.

Et de travers

Cinq chemins couverts,
Dont trois cintrés en contre-bas,
Les deux autres sont plats;

Ceux-ci pour déboucher les passans,
Ceux-là pour nicher les marchands.
L'humidité le pourira,

Un lumignon l'enflammera,
Ou bien le vent l'emportera;
Mais jamais il n'enfoncera!
Il est posé sur les sept rangs
·De ces piliers à bonnets blancs
Que nous prenions, l'hiver dernier,
Pour des ruches en espalier.

Eh! donc, il ne craint aucun fléau,
Hormis le feu, l'air et l'eau.

Le Calcul.

Une prêtresse de l'Amour,

Chez Quinci soupant l'autre jour,

Vantait d'un ton de pruderie

Et sa constance et ses beaux sentimens ;

J'ai, dit-elle, cédé quelquefois dans ma vie ;

Mais tout le monde ici peut compter mes amans.
Oui, lui répond Quinci, le calcul est facile;

Qui ne sait compter jusqu'à mille ?

TOME III.

Janvier, 1785.

LA Rencontre des deux amis; par M. le chevalier de B....

Deux amis, qui depuis long-temps ne s'étaient

vus, se rencontrèrent à la Bourse.

Comment te portes-tu, dit l'un?-Pas trop bien, dit l'autre.-Tant pis. Qu'as-tu fait depuis que je t'ai vu ?-Je me suis marié.-Tant mieux.-Pas tant mieux, car j'ai épousé une méchante femme.-Tant pis.-Pas tant pis, car sa dot est de deux mille louis.-Tant mieux.-Pas tant mieux, car j'ai employé une partie de cette somme en moutons, qui sont tous morts de la clavelée.-Tant pis.-Pas tant pis, car la vente de leurs peaux m'a rapporté au-delà du prix des moutons.-Tant mieux.-Pas tant mieux, car la maison où j'avais déposé les peaux de moutons et l'argent vient d'être brûlée.-Oh! tant pis.-Pas tant pis, car ma femme était dedans.

Février, 1785.

L'Académie royale de Musique a donné, le mardi 25 Janvier, la première représentation de Panurge dans l'Ile des Lanternes, comédie lyrique, en trois actes, paroles de M. Morel, musique de M. Grétry.

Rien ne ressemble moins au Panurge de Rabelais que le Panurge de M. M.... Celui du curé de Meudon est gourmand et poltron, spirituel et plaisant. Il fallait infiniment d'esprit et de gaieté pour

introduire heureusement un pareil caractère sur la scène; M. M.... a cru avec raison qu'il était plus facile de le faire vain et crédule à l'excès; il l'est ici jusqu'au dernier terme de la platitude; sa situation est toujours la même, et l'insipide monotonie du caractère est égale à celle de l'action. Au reste, M• M... n'a emprunté du Roman de Rabelais que le nom de Panurge et celui de l'Isle des Lanternes; la fable de son Poëme est toute entière de lui. Ce qui a fait essentiellement le succès de Panurge, (car, malgré les huées et les murmures qu'il a essuyés le premier jour, peu d'ouvrages en ont eu autant), ce sont les ballets et la singularité du costume chinois; ajoutez à cela une sorte d'extravagance qui est de toute manière dans l'esprit du moment, et qui fait même dire aux gens de goût: Cela est détestable, il est vrai, mais cela est pourtant plus bête que cela n'est ennuyeux.

Dans le bal du second acte, M. M...., voulant suivre fidèlement la description donnée par le père du Halde d'une fête chinoise, a fait placer dans le fond du théâtre un énorme tambour que frappent à coups redoublés deux Chinois élevés sur une estrade. On s'est empressé de commenter

[merged small][ocr errors][merged small]
« PreviousContinue »