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de paraître, et même au moment où personne ne songeait plus à lui; car l'acteur chargé d'annoncer la seconde représentation de la pièce venait d'apprendre au public que la paix était signée.

Pour ajouter au ridicule d'une présentation que l'usagé a déjà si fort avilie, le sieur Dugazon en a fait la parodie dans la petite pièce; il y avait ajouté un impromptu de sa façon sur la paix. Le parterre l'ayant applaudi, et en ayant aussi demandé l'auteur il se retira bien vite dans la coulisse, et reparut aussitôt appuyé sur un de ses camarades, avec tous les lazzis d'un auteur modeste et confus de sa gloire.

IMPROMPTU de M. Imbert à M. Molé.

Dieu! quel mot enchanteur a frappé nos oreilles !
Notre Roi nous apprend qu'il nous donne la paix
Aux lieux où le génie étale ses merveilles;

Ainsi l'humanité déclaré ses bienfaits.
Mais sans vouloir ici par un jaloux langage
Offenser le génie et flétrir ses attraits,

Molé, tu ne nous vins jamais

Annoncer un si bel ouvrage

L'Académie française, dans son assemblée du 16 janvier, a donné aux Conversations d'Emilie, de madame d'Epinay, le prix d'utilité fondé par le citoyen anonyme dont tout le monde sait le nom, M. de Monthion, chancelier de M. le comte d'Artois. Différens ouvrages avaient paru d'abord partager f'attention des juges: un livre de M. Daubenton sur les Moutons; un autre de M. Parmentier, sur les Pommes de terre; Adèle et Théodore, de madame

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Ce dernier méritait de

de Genlis; l'Ami des enfuns, de M. Berquin, etc.; mais il fut bientôt décidé que les Moutons et les Pommes de terre n'étaient pas du ressort de l'Académie française, et devaient être renvoyés à l'Académie des Sciences; l'ouvrage de madame de Genlis et celui de madame d'Epinay restèrent, pour ainsi dire, seuls en concurrence. l'emporter sans doute, et comme plus utile, et comme plus original. Nous avons de meilleurs Traités d'éducation que le Roman d'Adèle; nous n'avons aucun Livre à mettre entre les mains des enfans qui puisse être comparé aux Conversations d'Emilie, et par les vues dans lesquelles l'ouvrage est conçu, et par la manière dont il est écrit. Traduit avec succès dans plusieurs langues, cet excellent ouvrage avait déjà le sceau de l'approbation publique ; il avait obtenu le suffrage le plus auguste ; Catherine

II. l'avait mis au nombre des Livres élémentaires destinés à l'instruction des jeunes personnes, dont elle ne dédaigne pas de surveiller elle-même l'éducation. Sa Majesté en a témoigné, l'année dernière, sa satisfaction à l'auteur de la manière la plus sensible et la plus flatteuse, en lui envoyant pour sa jeune élève, la comtesse Emilie de Belzunce, sa petite-fille, son chiffre impérial dans un médaillon garni de diamans; distinction accompagnée de toutes les grâces qui donnent aux bienfaits de cette grande souveraine, quelque multipliés qu'ils soient, un intérêt toujours nouveau.

Le jugement de l'Académie n'a étonné que ma

dame de Genlis, qui ne comprenait pas, du moins il y a quelques mois, qu'on pût se dispenser de donner le prix d'utilité à l'ouvrage qui contient tous les principes relatifs à l'éducation des Princes, des jeunes personnes et des hommes, au sublime Roman d'Adèle. Elle, se console aujourd'hui de cette petite disgrâce en ne l'attribuant qu'à l'indiscrétion qu'elle a eue de parler trop bien de la Religion, et trop légèrement des philosophes. Il y a lieu de croire en effet que la philosophie n'a pas été fâchée de trouver une si belle occasion de rabattre un peu l'orgueil de madame de Genlis, et de lui apprendre qu'on ne manquait pas impunément de respect pour ses oracles; au plaisir d'être juste, il est doux de pouvoir joindre encore celui de se venger. Mais comment cette vengeance philosophique pourrait-elle atteindre la haute piété de notre illustre gouvernante? Quand on a renoncé à la toilette, au rouge, à tous les plaisirs, à toutes les vanités de ce monde, regretterait-on encore de frivoles, de profanes lauriers?

Sur les dix-huit juges qui composaient l'Aréopage académique, madame d'Epinay a eu dix ou douze voix; madame de Genlis trois ou quatre; M. Berquin deux; M. de La Croix, pour ses petites Réflexions sur l'Origine de la Civilisation, une ; M. Moreau, pour son Traité de la Justice, ce fastidieux Commentaire de l'Histoire de France à l'usage de nos Rois, encore une. Ce qui est trop digne du caractère soutenu de M. de Tressan pour être oublié, c'est qu'après avoir sollicité de maison en maison les

suffrages de ses confrères en faveur de sa cousine, madame de Genlis, il a fini par ne lui donner luimême qu'une demi-voix. On a su qu'il avait été du petit nombre de ceux qui ont proposé au scrutin de partager le prix entre Adèle et les Conversations.

Madame la duchesse de Grammont dit avec sa franchise accoutumée " qu'elle est ravie que ma"dame d'Epinay ait eu le prix, d'abord parce "qu'elle espère que madame de Genlis en mourra de dépit, ce qui serait une excellente affaire, ou "qu'elle se vengera par une bonne satire contre les philosophes, ce qui serait encore assez gai; en❝ suite parce qu'elle est bien aise que tout le monde "voie ce qu'elle soupçonnait depuis long-temps, l'Académie tombe en enfance. "

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que

Un grand scandale pour la philosophie et pour les philosophes, le voici: M. l'abbé de Mably vient de recevoir le plus glorieux de tous les hommages auxquels un homme de lettres puisse prétendre. Messieurs Franklin et Adams l'ont requis, au nom du Congrès des Etats-Unis de l'Amérique, de vouloir bien rédiger un projet de Constitution pour la nouvelle République. A en juger par le ton de son dernier ouvrage, il n'est pas à craindre au moins que ce moderne Solon rende nos bons alliés trop polis. Si l'on pouvait espérer que les Américains voulussent se soumettre aveuglément à ses lois, leur avoir indiqué un pareil législateur, serait sans doute dé notre part un trait de la plus profonde politique;

car,

en suivant les admirables vues développées dans son Traité de la Législation, que leur recommandera-t-il? de cultiver la terre, d'être pauvres et sans ambition. C'est assurément ce qui convient le mieux aux intérêts de la France, au repos de l'Europe entière.

Doutes sur différentes opinions reçues dans la Société, petit in-12. Ce petit Recueil de Pensées détachées est dédié aux mânes de M. Saurin. Il est de mademoiselle de Sommery, une vieille demoiselle de condition, qui s'est occupée toute sa vie de l'étude des hommes et des lettres, mais qui n'avait encore rien publié jusqu'ici. Tous ceux qui fréquentent les assemblées publiques de l'Académie française la connaissent; elle n'en a jamais manqué une senle, et sa figure est remarquable; c'est une grande brune presque noire, des sourcils fort épais, de grands yeux pleins d'esprit et d'attention. Son Livre prouve combien elle s'est nourrie de la lecture des Maximes de La Rochefoucauld, et plus particulièrement encore des Caractères de La Bruyère. On y trouve à la vérité beaucoup de pensées communes, mais dont l'expression a presque toujours de la finesse, de l'élégance et de la précision. L'article qui nous a paru renfermer le plus d'observations neuves et piquantes est celui de la Société ; nous ne pouvons nous refuser au plaisir d'en citer quelques morceaux.

"Le bon ton est le ton du grand monde; il se

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