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"ser les barrières qu'ils ont trop long-temps op"posées aux sciences et aux arts de l'Europe.... "Les lumières sont le secours le plus efficace que "cet empire puisse recevoir de ses alliés; et l'art "des négociations, qui a été si long-temps l'art de tromper les hommes, sera dans vos mains celui "de les instruire et de leur montrer leurs véritables "intérêts, etc."

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Cette politique n'est-elle pas dictée par la raison même? En effet, que nous en coûterait-il, pourrions-nous dire au Divan, de vous fournir des soldats bien disciplinés, de l'artillerie et des vaisseaux? Mais, à les examiner sans prévention, sont-ce là des moyens avoués par la justice, conformes au bien général de l'humanité ? Ce sont des lumières dont vous avez besoin; en conséquence nous vous envoyons l'Encyclopédie et des philosophes pour vous l'expliquer, et voilà véritablement le plus grand service que vous deviez attendre d'une amitié fidèle et courageuse.... Le seul tort qu'on puisse reprocher à une vérité si sensible, c'est d'avoir tout l'air d'une mauvaise plaisanterie ; elle n'en est pas moins exacte, il ne s'agit que de lui donner la tournure la plus propre à la faire agréer aux puissances à qui l'on a quelque intérêt à la persuader.

Le tribut d'éloges que M. de Condorcet paye à la mémoire de M. d'Alembert est d'une sensibilité tout-à-fait géométrique, et qui prouve qu'il ne manque à l'orateur ni le sang froid ni les connaissances

nécessaires pour apprécier sans illusions les services rendus aux sciences par son illustre ami: comme ces éloges cependant n'offrent rien de neuf, nous ne nous y arrêterons pas plus long-temps.

Il y a moins de naturel, moins de simplicité dans le Discours de M. Bailly que dans celui de M. de Choiseul; mais on y trouve, aussi plus d'idées, plus de finesse et de profondeur. La manière dont il caractérise l'esprit et le talent qui distinguent les ouvrages du comte de Tressan respire toutes les grâces du modèle qu'il avait à peindre.

"...C'est presque au bord du tombeau que vous "l'avez couronné, et l'on pourrait dire que c'est le "Chant du Cygne qui vous l'a fait reconnaître. "M. de Tressan, quoiqu'il ait écrit tard, quoiqu'il "n'ait fait peut-être que se laisser entrevoir, a mon"tré, un talent. naturel et un style qui avait un ca"ractère. Ce caractère, précieux aux gens de

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goût, et surtout à des Français, était la Grâce. "La Grâce, fille de la Nature et compagne de la "Vérité, réside dans le style quand il est ingénu 66 sans effort; elle fuit la recherche et l'exagération. "Ce qui est élevé, doit être présenté sous une ex"pression simple, ce qui est ingénieux doit paraître

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échapper à la naïveté... Le style gaulois a de la grâce parce qu'il est naïf, et il tient cette naïveté "de la simplicité des mœurs antiques. M. de "Tressan les étudia dans nos vieux Romans, qui en sont les dépositaires; il sentit que son talent "était de peindre ces mœurs: son style en reçut

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l'empreinte, et il transporta dans notre langue "perfectionnée le ton naïf et la grâce naturelle du "langage gaulois.... Malade et tourmenté de la "goutte, c'est au milieu de ses souffrances qu'il entreprit la Traduction de l'Arioste, achevée en "moins de dix mois ; le talent maîtrisait l'âge et la "maladie; la gaieté française avait alors le même "effet que le stoïcisme... Il peignait les hauts faits "d'armes comme un Français qui sent qu'il est né pour s'y distinguer; il peignait l'amour comme un homme qui se plaît à s'en souvenir, etc."

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M. de Tressan, long-temps avant d'être admis au nombre des Quarante, avait été reçu à l'Académie des Sciences. M. Bailly, appelé à le remplacer, et l'académicien chargé de le recevoir, ont tous deux également l'avantage d'appartenir à cette Compagnie; notre orateur a tiré parti de ce concours singulier pour prouver les rapports intimes qui lient les Sciences aux Lettres. jaillit sur les Sciences, les prit d'une Nation plus de pour la culture des Lettres, etc.... L'expérience a presque toujours prouvé le contraire ; mais en théorie rien ne paraît plus raisonnable, et, vrai ou non, c'est dans la circonstance ce qu'il était le plus à propos de dire, ne fût-ce que pour amener la tirade que voici :

Si l'éclat des Lettres reSciences donnent à l'esprofondeur et d'énergie

"Ce que les Sciences peuvent ajouter aux priviléges de l'espèce humaine n'a jamais été plus "marqué qu'au moment où je parle. Elles ont ac

"quis de nouveaux domaines à l'homme: les airs "semblent lui devenir accessibles comme les mers, " et l'audace de ses courses égale presque l'audace "de sa pensée. Le nom de Montgolfier, ceux des "hardis navigateurs de ce nouvel élément vivront

dans les âges. Mais qui de nous au spectacle de "ces superbes expériences n'a pas senti son âme s'élever, ses idées s'étendre, son seprit s'agran"dir? Cette impression est le sentiment d'une "nouvelle force que l'esprit humain a reçue; il la "tient de l'effort et de l'élan même de l'invention, "et cette force sera transmise à ceux qui dans leurs "écrits célébreront ces merveilles, etc."

Nous nous bornerons à citer une réflexion de M. de Condorcet, tout-à-fait aimable, sur les der nières occupations de la vie de M. de Tressan.

"Dans un âge où les hommes les plus actifs " commencent à éprouver le besoin du repos, M. de "Tressan devint un de nos écrivains les plus fé"conds et les plus infatigables. Il publia ces Con"tes où des tableaux voluptueux n'alarment point "la décence, où une plaisanterie fine et légère ré"pand la gaieté au milieu des combats éternels et "des longues amours de nos paladins. Rajeunis

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par lui, nos anciens romanciers ont de l'esprit et "même de la vérité ; leur imagination vagabonde "n'est plus que riante et folâtre. La vieillesse est 66 pent-être l'âge de la vie auquel ces ingénieuses "bagatelles conviennent le mieux et où l'on peut "6 s'y livrer avec moins de scrupule et plus de suc

"cès. C'est alors qu'on est désabusé de tout, qu'on "a le droit de parler de tout en badinant; c'est. " alors qu'une longue expérience a pu enseigner "l'art de cacher la raison sous un voile qui l'em" bellisse et permette à des yeux trop délicats d'en "soutenir la lumière; c'est alors qu'indulgent sur les erreurs de l'humanité, on peut les peindre. sans humeur et les corriger sans fiel....”

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Cette séance a été terminée par la lecture qu'a faite M. l'abbé Delille d'un morceau de son Poëme sur les Plaisirs de l'Imagination; il a été reçu avec. tous les applaudissemens qu'on ne saurait refuser aux vers de l'abbé Delille, encore moins au charme séduisant attaché à sa manière de les lire.

CHARADE adressée à madame la marquise de
Villette.

Faible et nu, mon premier et dévore et digère
Sujets et Rois, sages et fous.

J'aime mieux le second que vous,

Et vous savez combien vous m'êtes chère.
Aussi, malgré mon désir de vous plaire,
Entre le tout et moi, sans que je sois jaloux,
'C'est ce terrible tout que votre cœur préfère.

Le mot est Vertu.

Pièces intéressantes et peu connues pour servir à l'Histoire et à la Littérature; par M. de La Place. Tome II. Le premier a paru il y a deux ans. Ce volume contient quelques morceaux assez

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