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de son genie; et aux peintures les plus vives et les plus riantes de l'amour on est peu surpris de le voir mêler des traits d'une philosophie profonde, des vues utiles et des maximes dignes de la hauteur habituelle de ses pensées.

ministre Aspar!

Que d'excellentes leçons, dans le portrait du "Il désirait beaucoup le bien "de l'État et fort peu le pouvoir; il connaissait "les hommes et jugeait bien des événemens. Son "esprit était naturellement conciliateur, et son "âme semblait s'approcher de toutes les autres. "La paix qu'on n'osait plus espérer fut rétablie. "Tel fut le prestige d'Aspar; chacun rentra dans "le devoir et ignora presque qu'il en fût sorti. "Sans effort et sans bruit, il savait faire de grandes choses.... Il avait pour maxime de ne jamais faire lui-même ce que les autres pouvaient "faire, et d'aimer le bien, de quelque main qu'il "pût venir. Arsace l'aimait, parce qu'il parlait "toujours de ses sujets, rarement du Roi, et ja "mais de lui-même."

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Dans le nombre des maximes que le jeune Roi des Bactriens s'était fait une loi de suivre, on voudra bien nous permettre encore de citer celle-ci, Il avait remarqué, dit son historien::

"Que de corrections en corrections d'abus, au lieu de rectifier les choses, on parvenait à "les anéantir; que les devoirs des Princes ne con"sistaient pas moins dans la défense des lois con"tre les passions des autres que contre leurs pro60 pres passions; que, par un grand bonheur, le

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grand art de régner demandait plus de sens que "de génie, plus de désir d'acquérir des lumières, 66 que de grandes lumières, plutôt des connaissances "pratiques que des connaissances abstraites, plu66 tôt un certain discernement pour connaître les "hommes que la capacité de les former que la "plupart des hommes ont une enveloppe, mais "qu'elle tient et serre si peu qu'il est très-diffi"cile que quelque côté ne vienne à se découvrir. "Arsace savait donner parce qu'il savait refuser.... Je puis bien, disait-il, enrichir la pau"vreté d'état, mais il m'est impossible d'enrichir "la pauvreté de luxe, etc.”

Le Roi ayant fait la paix avec ses voisins, un des vieillards qui portaient la parole au nom du peuple, pour le remercier de sa clémence, lui dit :

"Regarde le fleuve qui traverse notre contrée, " là où il est impétueux et rapide, après avoir tout "renversé, il se dissipe et sé divisé au point que "les femmes le traversent à pied. Mais si tu le "regardes dans les lieux où il est doux et tranquille, "il grossit lentement ses eaux, il est respecté des "Nations, et il arrête les armées, etc."

VERS de madame Delandine, de Lyon.

Je me disais à mon réveil

Je vais commencer une année

A s'évanouir destinée

Comme les vapèurs du sommeil.

SUR le

Mais, hélas! pensée importune
Que je voudrais pouvoir bannir;
Un jour j'en dois commencer une
Que je ne verrai point finir!

peu de succès de l'Expérience aréostatique, faite, à Lyon, par MM. Montgolfier, Pilátre des Rosiers, etc.

Vous venez de Lyon; parlez-nous sans mystère:
Le globe?-Je l'ai vu.-Le fait est-il certain ?—
Oui, Messieurs.-Dites-nous, a-t il été bon train?-
Comment! il allait ventre à terre.

Ce n'est point un éloge de M. d'Alembert que nous avons la témérité d'entreprendre; nous laissons cette tâche à des plumes plus savantes que la nôtre. C'est à la géométrie que ce philosophe doit sa plus grande réputation; il n'y a que des géomètres qui puissent lui rendre exactement la jus tice qui lui est due. Ce que nous avons entendu répéter plus d'une fois à des hommes faits pour décider sur cet objet la voix publique, c'est que M. d'Alembert avait atteint les plus sublimes hauteurs du calcul, qu'il avait ajouté aux découvertes des Euler, des Bernoulli, des Newton, et que, quand il n'y aurait rien de neuf dans ses ouvrages mathématiques, l'évidence d'une méthode pleine de génie suffirait seule pour leur assurer une place distinguée au premier rang des ouvrages qui ont consacré dans ce siècle les progrès de la science par excellence. Ceux qui ne peuvent en juger par euxmêmes seront du moins fort disposés à leur croire

ce mérite après avoir médité l'excellente préface de l'Encyclopédie, ouvrage qui, embrassant l'étendue d'idées la plus vaste, suppose l'esprit le plus lumineux et sera regardé sans doute dans tous les âges comme un des plus beaux monumens que le génie philosophique ait élevés à la gloire des connaissances humaines.

Dans ses autres écrits, dans ses Eloges et dans ses Mélanges de Philosophie et de Littérature, M. d'Alembert a paru fort au-dessous de la renommée qui l'avait placé très-jeune parmi les plus grands géomètres de l'Europe. On n'a trouvé dans ses morceaux d'Histoire que le ton et la tournure de l'historiette; dans ses Traductions une érudition très-superficielle, avec une manière d'écrire pénible et quelquefois précieuse; en général, dans la plupart de ses Essais de morale ou de philosophie, et surtout dans ses Eloges, une inégalité de ton extrême, des disparates peu dignes d'un grand écrivain, la morgue, le ridicule et la charlatanerie d'un chef de parti, avec une affectation fatigante à courir après la pensée-vaudeville, après le mot plaisant, ne fût-ce qu'un calembour. Son style, presque toujours sec et froid, n'eut jamais que de l'élégance, de la précisiou et de la clarté. Il était également dépourvu d'âme et d'imagination; mais dans l'expression des vérités même les plus hardies on était forcé d'admirer l'art qu'il possédait au suprême degré, l'art de conserver toujours beaucoup d'égards et de mesure.

Pour être équitable, il ne faudrait peut-être juger M. d'Alembert comme écrivain que dans les ouvrages du genre auquel il avait voué particulièrement toutes les forces et toute l'application de son génie; les autres ne devraient être regardés que comme le délassement, le jeu de ses loisirs. Homme assurément très-supérieur dans une partie où ses succès ne pouvaient avoir que peu de témoins, encore moins de juges, il a peut-être attaché trop de prix à la petite gloire que pouvaient lui offrir les suffrages et les applaudissemens de cette multitude frivole qui suit depuis quelques années les tréteaux académiques avec autant d'empressement que ceux de la Foire ou des Boulevards. Il a peut-être acheté cette espèce de vogue populaire par des complaisances trop indignes de la gravité d'un sage, trèséloignées au moins de ce goût épuré dont la philosophie prétend avoir étendu l'empire et fixé les limites.

En ne voyant dans les Opuscules de M. d'Alembert que les essais d'un homme qui, après avoir approfondi les hautes sciences, se plaisait encore à effleurer les sujets les plus piquans d'une philosophie plus commune et d'une littérature plus légère, on sentira qu'on lui doit plus d'indulgence que ne lui en ont accordé ses ennemis. Maître dans un genre, ne lui devait-on pas savoir beaucoup de gré d'être encore un amateur très-éclairé dans tous les autres Jugés sous ce point de vue, il est bien peu de ses écrits, même les moins propres à justifier

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