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Nous avons vu dans Lamarck que les êtres animaux les plus élevés sont des résultats de la matière et de la nature. Nous venons de voir dans Oken que le monde est un animal, et qu'il n'existe que lui. Or, puisque ces deux doctrines aboutissent à l'absurdité, à l'incohérence, à la contradiction flagrante et continuelle des faits, des êtres et des phénomènes, et qu'elles ne peuvent conduire à la sagesse ou à la philosophie, il faut bien qu'il y ait autre chose que ces deux systèmes, qui renferment tous ceux qui ont jamais été imaginés en opposition au catholicisme. Nous n'avons pas combattu les individus, nous avons exposé les doctrines; il s'agit de combattre celles-ci, et par là de faire entrer la science dans l'utilité de l'homme social, vivant pour le présent et pour le futur; acceptant le Créateur qui a fait l'homme à son image, et le monde pour l'espèce humaine. C'est à démontrer cette thèse à l'aide des perfectionnements ou des progrès que la zoologie ou la science de l'organisation animale a faits dans son ensemble et dans ses particularités, et par conséquent à combattre les objections qu'on lui a opposées, que doit être employé le nouvel effort demandé par la philosophie, en revenant à la conception aristotélicienne terminée par la doctrine du christianisme.

Et comme cette thèse est comprise dans celle de la série animale, c'est à sa démonstration que nous consacrerons le volume suivant.

RÉSUMÉ GÉNÉRAL.

Arrivés au terme d'un aussi long travail, il est nécessaire d'en retracer à notre esprit la trame et l'enchaî nement. Nous achèverons par là de montrer d'une manière claire et définie ce qu'il faut entendre par le cercle des connaissances humaines, et quel rang y occupe chaque science. Nous retracerons de nouveau la marche logique et rigoureuse de l'esprit humain, en représentant à notre esprit, comme dans un tableau, la succession harmonique des divers efforts qui ont été tentés jusqu'à ce jour pour constituer la philosophie.

Nous comprendrons aussi maintenant pourquoi nous ne plaçons au tableau qu'un certain nombre de personnages, qui y remplissent une fonction. Parmi eux, les uns le dominent tout entier et influent sur l'effet de chacune de ses parties; les autres n'y occupent qu'une place de détail qui contribue pourtant à l'harmonie de l'ensemble. Mais autour de chaque personnage typique se groupent une foule de figures secondaires qu'il fallait éloigner pour ne pas introduire la confusion, et dont il fallait pourtant résumer les traits dominants dans le type auquel ils se rattachent; c'est ce que nous avons fait dans le chapitre qui a pour titre : Éléments des travaux. Ici, il ne peut plus être question que des efforts principaux entre lesquels il serait impossible d'en intercaler de nouveaux sans faire double emploi. Quant aux sentinelles perdues qui sont venues avant le

temps, leur effort a été nul, il n'a point servi au progrès, et par conséquent ils ne pouvaient figurer dans notre dessin.

Le but de notre travail doit aussi se résumer dans ce tableau, par lequel nous voulons démontrer graphiquement la marche naturelle et progressive de la philosophie, c'est-à-dire de l'ensemble des connaissances humaines et divines, comme constituant un cercle complet, ayant pour terme DIEU ou la puissance intelligente créatrice, que l'homme seul peut concevoir, non pas en elle-même, mais seulement par ses œuvres; cette intelligence souveraine et sa connaissance ne pouvant pas plus être séparées de la philosophie qu'un point de la circonférence ne peut être séparé du cercle, sans l'empêcher d'être terminé. Le moyen, l'instrument à l'aide duquel l'homme peut arriver à ce but, est son intelligence qui lui a été donnée à cet effet. Les matériaux sur lesquels l'homme doit porter son instrument pour en faire sortir la connaissance, le terme, sont les êtres existants ou le monde, qui ont été créés pour lui.

Il suit de là que la marche de l'esprit humain a été d'abord de disposer, de préparer et d'aiguiser ses instruments, de les appliquer ensuite à l'étude du monde, et comme terme à l'homme matériel ou physique et moral, c'est-à-dire social et nécessairement religieux, et par conséquent arriver à DIEU.

D'où réponse à ces grandes questions: Que suis-je ? l'œuvre de Dieu, fait à son image; d'où viens-je? de Dieu; où vais-je? à Dieu. Pourquoi m'a-t-il créé? pour être glorifié par la manifestation de sa toute-puissance, de son intelligence et de son amour, ou du triple caractère de son être absolu et parfait, dans la création de l'être de transition entre la matière et l'esprit.

Mais cette grande et magnifique vérité, la seule im portante et nécessaire à la vie sociale, et renfermant en elle toutes les autres vérités, dut être acceptée d'abord de sentiment et par la foi, afin de devenir pratique en servant de base à la sociabilité humaine. Cependant, la liberté de l'homme et sa raison devaient tôt ou tard chercher le rapport intime qu'il y a entre sa nature et cette vérité, afin que la raison, satisfaite par la détermination de ce rapport, se soumît à la foi, comme à la loi de son bonheur et de son repos. L'ensemble des êtres créés, le monde visible, montrant à l'intelligence humaine un ordre harmonique, un plan magnifique, une conception intelligible et démontrable en rapport avec toutes les facultés de l'esprit humain; la raison alors se trouve logiquement entraînée à admettre, à embrasser ce rapport, cette proportion qui existe entre elle et le monde qui l'entoure; mais, par une conséquence rigoureuse, une intelligence supérieure et infinie lui apparaît comme la source et la cause souveraine de ce monde créé, de l'homme lui-même et des rapports logiques de la raison humaine avec le plan harmonique de la création. Et c'est de là que doit naître enfin le profond rationabile obsequium du grand apôtre saint Paul, par la soumission rationnelle de la raison rebelle à la foi, et par l'accomplissement des devoirs découlant des rapports de la créature avec son Créateur.

Ce grand, ce pénible travail n'a pu se faire tout d'un coup; il a fallu une longue succession d'efforts plus ou moins puissants, mais déterminés par les besoins successifs de la science humaine; besoins successifs nés les uns des autres, et qui ont fait surgir dans le temps voulu les hommes que la providence destinait à les remplir, souvent à leur insu et comme malgré eux ;

afin que, quand la foi, cette lumière nécessaire de l'humanité, serait obscurcie par les passions et verrait un grand nombre d'esprits se révolter contre sa divine autorité en travaillant à saper les bases de la société humaine, la science arrivée à son terme fût assez mûre et assez puissante pour redevenir sa servante, en rappelant à son but la raison égarée.

Non-seulement ces efforts scientifiques providentiels devaient se succéder dans une marche logique, mais encore dans la seule direction qui pouvait permettre à la raison de s'attacher aux êtres réels, positifs. Seuls, en effet, ils pouvaient lui permettre de saisir, de comprendre un plan, un enchaînement harmonique, positif et réel, invariable et toujours le même; seuls, par conséquent, ils lui donnaient l'espoir d'arriver à une démonstration excluant tour à tour toute hypothèse, pour ne laisser plus que la réalité toujours subsistante de l'accord des faits, qui sont ici les êtres et les phénomè nes, avec la raison même; de là, comme conséquence nécessaire, doit sortir enfin l'accord de la science avec la foi, puisque d'une part les faits, qui sont les êtres créés, sont l'œuvre de Dieu, et que de l'autre la foi est fondée sur la souveraine vérité de sa parole. En partant de ces principes, on comprend comment les sciences qui ont reçu le nom de naturelles, parce qu'elles embrassent les êtres créés, devaient fournir la seule direction logique qui permit la démonstration; c'est pour cela que nous avons suivi les progrès de l'esprit humain dans ces sciences. Dès lors, il nous a été facile de nous convaincre que tous les efforts que nous avons étudiés étaient chacun dans les besoins de la science à l'époque où ils sont venus, et déterminés par les progrès mêmes de cette science. Le génie de chacun des hommes que

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