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MOUVEMENT DE LA POPULATION

DANS LES DEUX AMÉRIQUES.

I.

L'accroissement de la population aux États-Unis est une des preuves les plus concluantes en faveur de la prospérité de ce pays, en ce que cet accroissement est surtout le produit de l'émigration qui est un thermomètre infaillible.

Du jour où l'ordre a été établi, immédiatement après l'établissement d'un gouvernement définitif, stable, protecteur des personnes, des fortunes, du travail, régulateur de toutes choses, l'émigration a pris le chemin des ÉtatsUnis. Elle aurait pris également celui des autres républiques du Sud, si après leur émancipation elles avaient offert l'abri de lois respectées, fortes, et capables d'assurer l'avenir des émigrants.

Le chiffre de l'accroissement de la population aux ÉtatsUnis, par période de dix années, à partir de 1790, est assez curieux à observer :

En 1790, cette population était de 3,929,827 habitants dont, 3,172,464 blancs, 59, 446 personnes de couleur libres, et 697,897 esclaves.

En 1800-4, 304,489 blancs, 108, 395 personnes de couleur libres, et 893,041 esclaves, total: 5,305,925 habitants.

En 1810-5,862,004 blancs, 186,446 personnes de couleur libres, 1,191,364 esclaves, total:-7,239,814 habitants.

En 1820-7,872,711 blancs, 238,197 personnes de couleur, 1,543,688 esclaves, total:- 9,654,596 habi

tants.

En 1830:10,537,378 blancs, 319,599 personnes de couleur libres, 2,009,043 esclaves, total: 12,866,020 habitants.

En 1840:14,189,705 blancs, 386,295 personnes de couleur libres, 2,487,355 esclaves, total:-17,063,355 habitants.

En 1850-19,668,736 blancs, 419,173 personnes de couleur libres, et 3,179,589 esclaves, total : 23, 267,498 habitants.

II.

A côté de ce recensement des États-Unis, il peut être

instructif de placer, par comparaison, le chiffre de la population des autres États de l'Amérique, aujourd'hui :

Le Mexique ne compte pas beaucoup au-delà de 7 millions d'habitants.

Les républiques du centre Amérique, environ 2 millions.

La Nouvelle-Grenade, près de 2 millions.

Le Venezuela, 1 million.

L'Equateur, 700,000.

Le Pérou, 2 millions.

La Bolivie, 1 million et demi.
Le Chili, près de 2 millions.
Buenos-Ayres, 1 million et demi.
Le Paraguay, 300,000 environ.
L'Uruguay, de 2 à 300,000.

Cette statistique, qui se rapproche autant que possible de l'exactitude, présente à peu de chose près les mêmes chiffres qu'il y a vingt ans. Cette stagnation tient aux causes que nous avons énumérées dans le cours de ce livre. Ce qui donne raison, en tout cas, à nos assertions, c'est qu'au fur et à mesure que quelqu'une des républiques de l'Amérique méridionale semblait se consolider, le courant de l'émigration s'est dirigée de son côté.

Quant au Brésil, sa population s'élève à un peu plus de 7 millions, pour un territoire plus vaste encore que celui des États-Unis. Mais nous avons dit que la population s'était naturellement agglomérée sur certains points de cet empire où l'action gouvernementale était plus directe et plus positive.

III.

Plusieurs causes indépendantes de la stabilité de ses institutions politiques ont arrêté le développement du Brésil dans des proportions égales à celui des États-Unis. Au nombre de ces causes il faut placer le manque de communications directes entre la côte orientale et les immenses contrées qui s'étendent à l'Ouest jusqu'aux confins du Pérou, de la Bolivie, de l'Équateur, communications que la navigation des fleuves seule peut établir.

C'est ce que le Brésil a compris, et de concert avec le Pérou, il vient d'entreprendre l'ouverture de l'Amazone.

L'Amazone est un de plus beaux fleuves du monde; avec le Mississipi et le Missouri, il tient la tête des grands cours d'eau. Prenant sa source dans le Pérou, près du lac Reyes, il coule en remontant du sud au nord, baignant ainsi une grande partie du Pérou, la partie orientale de la République de l'Equateur, puis fait un coude pour traverser, presqu'en ligne horizontale, l'empire du Brésil dans sa partie la plus large, et va se jeter dans l'Océan Atlantique, par deux vastes embouchures, à peu près sous la ligne équinoxiale.

De sa source à son embouchure, l'Amazone a un parcours de près de 1,200 lieues. Le jour où la vapeur aura lancé ses puissantes forces motrices sur les eaux inexplorées, jusqu'à ce jour, de ce fleuve, le problème de la jonction des deux Océans aura trouvé une double solution, au

centre et au sud de l'Amérique. Ces deux résultats, également précieux pour le monde maritime et commerçant auront, cependant, un caractère tout à fait différent. Par Panama et le centre Amérique, la jonction des deux grandes mers est presque immédiate, et s'opère par la canalisation et les voies de fer sur une langue de terre; le rayonnement de ce bienfait est pour ainsi dire limité, ce qui ne signifie point qu'il ne doive pas avoir des conséquences immenses, au point de vue commercial.

La navigation sur l'Amazone, non-seulement met en communication les côtes de l'Atlantique avec les pays baignés par les flots du Pacifique, mais elle ouvre un avenir incalculable à de vastes contrées intérieures, dépendant de l'empire du Brésil, et si enfoncées dans les terres que la civilisation y a à peine pénétré jusqu'à ce jour. Ce sont des champs nouveaux pour l'émigration, des richesses agricoles qui s'offrent aux bras des cultivateurs; des débouchés considérables pour l'industrie du monde entier.

Il suffit de jeter les yeux sur le parcours de l'Amazone, de sa source à son embouchure, pour se rendre compte de l'avenir qu'ouvrira à la civilisation et à l'activité humaine la réalisation complète du projet arrêté entre le Brésil et le

Pérou.

Le génie de l'homme se fût étudié à combiner un réseau de communications destinées à féconder un pays, qu'il n'eût pas réussi à trouver ce que la nature a fait. On ne peut se défendre de croire que les desseins de la Providence ont marqué à l'avance le sort des États.

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