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exercent sur eux une surveillance et une autorité actives et incessantes.

Tous les instituteurs sont appelés à prendre une part réelle à l'amélioration et aux progrès des écoles et des méthodes d'enseignement. Ils se réunissent fréquemment, et à des époques fixes, en présence des comités directeurs, dans le but d'apporter dans ces assemblées les fruits d'une expérience et d'une pratique quotidiennes, qui jettent de vives lumières dans les questions débattues. Cela est une mesure généralement adoptée.

Outre ces réunions éparses, il se tient tous les ans, dans une des villes du Massachussetts, un congrès de tous les instituteurs, auxquels s'adjoignent les personnes qui s'intéressent véritablement à la question de l'enseignement et à sa prospérité. Ces conférences ont une grande portée; et i en est sorti des résultats très-importants, des améliorations très-sérieuses, des progrès très-réels, tels qu'on pouvait en attendre d'hommes aussi compétents, et qui apportent, de toutes les parties de l'Union, une expérience qui manque évidemment aux comités directeurs complétement étrangers à la pratique des choses rudimentaires.

Les instituteurs sont généralement recrutés dans les écoles normales dont l'organisation procède directement du principe et du système des écoles communes. Comme dans ces dernières, l'instruction y est gratuite, mais en un cas, savoir lorsque les élèves sont nés sur le territoire de l'État, ou lorsque, étrangers à cet État, ils déclarent avoir l'intention de se livrer à l'enseignement dans les écoles publiques communes établies sur son territoire. Alors ils

sont exempts de toute rétribution; ce qui est une preuve nouvelle des sympathies exclusives dont jouissent les écoles

communes.

XIII.

Il est un dernier point, enfin, sur lequel nous croyons devoir appeler, l'attention. En Amérique on a créé, dans presque toutes les communes, et en tous cas, dans les plus importantes, des bibliothèques uniquement destinées aux écoles. Quelques-unes d'entre elles sont très-remarquables par le nombre et par le choix des ouvrages.

Les comités directeurs y consacrent des sommes assez considérables; et les États, de leur côté, facilitent ces bonnes dispositions en coopérant, par des secours pécuniaires, à la prospérité de ces établissements. Ainsi, la législature du Massachussetts, par exemple, accorde à chaque école, pour cet objet, une somme égale à celle qu'elle y consacre ellemême. La création des bibliothèques est la conséquence inévitable, la conclusion du système populaire de l'enseignement. Après avoir donné l'instruction aux enfants, il est logique, il est prudent de leur assurer les moyens d'en faire un bon et sain usage. Après avoir ouvert leur intelligence à la science, on sauve leurs cœurs.

De même que les bons engrais améliorent les terres et les fécondent, de même les bons livres font éclore de bonnes et honnêtes pensées dans les âmes.

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CHAPITRE V.

Les Arts et les Lettres aux États-Unis.

I.

Cette diffusion de l'instruction aux États-Unis, dispensée à tous sur un pied d'égalité générale, est-elle aussi profitable au développement des arts et de la littérature, qu'aux institutions politiques? - Il faut bien le nier.

Toute la littérature des États-Unis se résume, pour la France, dans trois hommes:

Fenimore Cooper, dont les ouvrages sont si populaires parmi nous;

Washington Irving, que nous ne connaissons ni n'apprécions peut-être pas suffisamment;

Et Prescott, l'élégant historien de la conquête du Mexique.

On croit, assez généralement, qu'entre ces trois écrivains s'opère tout le mouvement littéraire de l'Amérique.

Des artistes de ce pays nous ne savons rien; pas un nom n'est venu jusqu'à nous; la renommée d'aucune œuvre n'a traversé l'Atlantique, soit en peinture, soit en sculpture, soit en architecture.

Quant aux travaux que, dans une autre sphère, peut produire l'intelligence histoire, politique, philosophie, économie politique, discussions religieuses, ils nous sont à peu près complétement étrangers. J'en excepte Franklin, dont le nom est universel.

Je dirai même qu'en France on a sur le compte de l'Amérique des préjugés assez arrêtés, en matière intellectuelle. Je ne veux pas prétendre cependant que chez le peuple des États-Unis, la culture des lettres et des arts soit arrivée à un point comparable au degré de splendeur et de prospérité que ce pays a atteint comme nation politique. Loin de là!

Le plus court et le plus simple est donc de présenter les choses dans l'état où elles sont.

II.

Non, les Américains n'ont pas, à proprement dire, une littérature à eux. Pourtant, ce n'est ni l'intelligence des

masses, ni l'absence d'instruction, ni le goût et le respect pour les arts qui leur ont manqué. Ce fait tient à des causes très-sérieuses, d'un ordre très-élevé, et qui remontent à l'origine même des colonies anglaises dans cette partie du Nouveau-Monde.

J'ai dit dans le chapitre précédent ce qu'étaient les premiers colons qui vinrent s'établir sur les bords de l'Atlantique, puritains que l'intolérance religieuse de la mèrepatrie envoyait au désert, croyant les envoyer à la mort. Voici quels étaient ces hommes; je les trouve si bien jugés par M. de Tocqueville, que je détache une page à son livre :

« Les émigrants qui vinrent s'établir sur les rivages de » la Nouvelle-Angleterre appartenaient tous aux classes >> aisées de la mère-patrie. Leur réunion sur le sol améri>> cain présenta, dès l'origine, le singulier phénomène » d'une société où il ne se trouvait ni grands seigneurs, »> ni peuple, et, pour ainsi dire, ni pauvres ni riches. Il y >> avait, à proportion gardée, une plus grande masse de >> lumières répandue parmi ces hommes que dans le sein >> d'aucune nation européenne de nos jours. Tous, sans en >> excepter peut-être un seul, avaient reçu une éducation >> assez avancée, et plusieurs d'entre eux s'étaient fait >> connaître en Europe par leurs talents et leur science... >> Ils se rendaient au désert accompagnés de leurs femmes >> et de leurs enfants. Mais ce qui les distinguait surtout >> des autres, c'était le but même de leur entreprise. Ce » n'était point la nécessité qui les forçait d'abandonner » leur pays; ils y laissaient une position sociale regretta

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