parut se reposer. » La poésie du moyen âge, originale sous une forme négligée, a subi sa décadence au quinzième siècle; la puissante poésie classique elle-même s'est affaiblie à la fin du dix-huitième siècle et dans les vingt premières années du siècle suivant. Pouvait-on se douter, au temps de Delille et de son école, pendant cette morne période de platitude stérile, qu'un avenir immédiat allait apporter à la France les splendeurs et les richesses du renouvellement poétique le plus étonnant que l'histoire ait jamais constaté? On aurait quelque raison de se décourager et de craindre, si l'on apercevait dans la vitalité de l'esprit français des signes irrécusables de fatigue et d'épuisement. Mais ce que nous voyons aujourd'hui, n'est-ce pas plutôt l'excès que l'insuffisance de l'énergie nationale? La qualité caractéristique de notre tempérament moral n'est-elle pas encore une ardente exubérance? Théodore de Banville a résumé en quelques mots la question que nous examinons. « La poésie, dit-il, n'a gardé et n'a dû garder que les genres où elle est indispensable et où rien ne peut la remplacer 1. » Les genres littéraires, qui constituent cette partie inaliénable du domaine poétique, que nulle force rivale ne peut usurper sans trahir aussitôt son infériorité, sont ceux où la pensée émue fait entrer dans l'âme du lecteur les mouvements secrets qui l'agitent et le tressaillement profond dont elle est elle-mème saisie. C'est là que la langue poétique est la seule expression possible du sentiment intérieur, la seule qui soit assez vibrante, assez passionnée, pour donner aux grandes émotions toute leur éloquence. « L'un des caractères de la phrase poétique, dit aussi M. Guyau, c'est qu'elle est plus nerveuse que la phrase en prose; les douze syllabes d'un vers donnent une idée de plénitude que douze syllabes du langage ordinaire ne sauraient donner. » Elles éveillent plus de pensées, elles suscitent plus d'impressions et d'images dans l'esprit. « Tandis que notre langue vulgaire n'est souvent qu'une traduction diffuse de l'émotion intérieure, le vers essaie de rendre celle-ci dans toute sa puissance et sa vie 2. » Le vers français 1. Page 156. 2. Page 246. aujourd'hui n'a rien perdu de sa vigueur incisive, ni de sa finesse nuancée, ni de sa beauté plastique; les talents distingués qui sont restés fidèles à sa fortune, et dont une juste célébrité a consacré les noms, lui conservent des qualités de force et d'éclat capables de soutenir les plus hautes destinées. Qu'il s'élève donc et se forme un jour, sous des influences créées tôt ou tard par les variables événements. de la vie d'un peuple, l'un de ces courants d'opinion qui apportent à l'âme de la nation les souffles généreux, les émotions fécondes, la semence des grandes pensées, et l'on verra reparaître le génie créateur, excité par ces. nouvelles inspirations; on verra refleurir et redevenir fertiles les parties maintenant désertes du domaine poétique. Les savantes études que nous venons d'analyser pourront aussi avoir leur part de mérite dans cette renaissance, et la seconder. Elles auront appris. aux générations nouvelles des raisons plus nombreuses et plus certaines d'admirer avec intelligence les œuvres supérieures; elles auront surtout donné aux jeunes talents, aux nobles vocations, qui ne manquent pas, une confiance plus assurée dans ce bel art de la versification, qui ne peut rien seul et par lui-même, qui n'a pas le secret des grands succès, qui n'est, en un mot, qu'un auxiliaire, mais qui, en revêtant de formes harmonieuses les conceptions du génie poétique, double leur puissance de séduction. TABLE DES MATIÈRES CHAPITRE [er. - PREMIÈRE PARTIE Les origines. Origines latines du vers français. -- La poésie popu- Prédo- laire chez les Romains, sous la république et au temps de l'empire. bable où l'on a commencé à composer des vers dans le roman des Gaules. Les plus anciens monuments de notre poésie. Com- ment et sur quels modèles se sont formés l'octosyllabe, le décasyl- CHAPITRE [er. La rime. Son importance et sa nécessité. formes et les combinaisons diverses de la rime. L'assonance. Conditions d'une bonne rime. De l'abus des rimes riches. Les deux principales règles de la rime, où se résume tout le détail des préceptes et des interdictions. - Bizarreries et raffinements de la repos de l'hémistiche et de la césure fixe. Différences essentielles entre la césure française et la césure antique. L'enjambement aux Changements introduits dans la structure intérieure du vers par la suppression de la césure fixe et par l'abus de l'enjam- bement. L'évolution du vers français au dix-neuvième siècle. Ses lointaines origines et ses vraies causes. Vers de facture romantique dans Racine. Le vers romantique de Victor Hugo. CHAPITRE IV. - L'élision. - - 95-119 libertés du moyen âge. Quel était l'effet du t étymologique sur l'élision de l'e muet final, dans nos plus anciens vers français? L'emploi du euphonique a-t-il été connu du moyen àge? 119-142 Par quelles raisons se justifie la règle qui CHAPITRE V. - L'hiatus. l'interdit. Licences poétiques. Division adoptée dans les anciens traités licences d'orthographe, licences de construction et de syntaxe, licences de grammaire. Combien elle est défectueuse. Division plus rationnelle : les inversions, les ellipses, les archaïsmes. - Simplification des prescriptions anciennes. 159-178 CHAPITRE Ier. Vers où les syllabes Influence du nombre pair ou impair des Le décasyllabe et ses différentes césures. L'octosyllabe. Du rang qu'il tient dans l'histoire de notre poésie. - Vers de six, de quatre et de deux syllabes. Leurs conditions CHAPITRE II. Vers où le nombre des syllabes est impair. culté de placer la césure dans les vers de onze et de neuf syllabes. Vers de sept, de cinq et de trois syllabes: avantages de leur brièveté. Le vers monosyllabique. Formes exceptionnelles et vers démesurés défauts inévitables qui les condamnent. 198-213 CHAPITRE III. - Combinaisons diverses des principales formes du vers français. Définition des poèmes à mouvements variés. - Les vers libres. Le distique, le tercet, la terza rima, le quatrain. Les stances et les strophes.. Strophes à nombre pair, strophes à nombre impair. - Strophes de cinq, de sept et de neuf vers. Combinaisons lyriques les plus usitées: strophes de six, de huit et CHAPITRE IV. Du choix des vers de mesure différente dans la com- position de la strophe. - De l'emploi des strophes de forme di- - - verse dans la composition de l'ode. Rapports qui existent entre CHAPITRE V. -- L'ode à mouvements variés..... --- 239-250 Les poèmes à forme fixe et traditionnelle. Pourquoi QUATRIÈME PARTIE 250-278 De l'harmonie du vers français. Essais tentés - - CHAPITRE Jer. En quoi consistent les qualités mélodiques du vers monie l'assonance et l'allitération. tative?.... - - 278-303 Première CHAPITRE II. Les réformateurs du vers français. signalé? - - 303-3254 SAINT-CLOUD. IMPRIMERIE BELIN FRÈRES. |