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pouvons penser librement, et nous gardons, en face des opinions d'autrui, notre droit personnel d'examen et de contrôle.

On connaît maintenant le plan général et la pensée dominante de ce livre; on a pu juger de l'importance des ressources mises à notre disposition: si, tel qu'il est, il peut servir, même dans une faible mesure, la cause de l'enseignement public, nous aurons atteint notre but et nos prévisions seront justifiées.

C. A.

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La poésie populaire chez les Romains, sous la république et au temps de l'empire; en quoi elle différait de la poésie savante, imitée des Grecs. Le vers saturnien. Les chants des soldats. Altération des formes métriques de la poésie savante, à l'époque des invasions barbares; prédominance de l'accent tonique dans la poésie populaire. Les rythmes populaires sont adoptés par la poésie chrétienne liturgique; les premières hymnes. La versification latine liturgique, du cinquième au onzième siècle. La rime, la césure et la strophe dans les vers latins du moyen âge. Des ressemblances de cette versification avec l'ancienne versification française.

Le vers français est né, comme la langue même, du latin populaire. A côté, et fort au-dessous de la poésie savante, perfectionnée sur le modèle grec, il a existé de tout temps, à Rome et dans l'empire, une forme de poésie moins régulière et plus libre qui conservait les traditions et les rythmes de l'ancienne muse un peu grossière du Latium, dont la rusticité blessait, on s'en souvient, le goût délicat d'Horace: c'était la

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poésie du «< petit peuple », des soldats et des matelots, de la foule des illettrés, de tous ceux que la culture étrangère n'avait pas initiés aux secrets de l'élégance harmonieuse et de la beauté accomplie du grand art. On peut diviser en trois périodes l'histoire de cette poésie populaire, dont l'existence ne fait pas doute la première comprend les temps antérieurs à l'époque classique; la seconde correspond à cette belle époque où fleurit la versification savante, fondée sur la combinaison des longues et des brèves, selon le procédé grec; la troisième est celle où les formes métriques de la poésie savante s'altèrent et se détruisent sous l'action lente, mais irrésistible de la barbarie. Que savons-nous de cette longue durée de la poésie populaire des Latins? Quels monuments a-t-elle laissés de son génie improvisateur et de sa verve irrégulière? Quelle influence a-t-elle exercée sur l'origine et la formation du vers français?

§ Ier

La poésie populaire latine, avant et pendant l'époque classique.

C'est Livius Andronicus qui introduisit à Rome la poésie savante et inaugura la littérature classique, 240 ans avant l'ère moderne. Toutes les productions en vers antérieures à cette époque, ne sont pas du domaine de la poésie populaire proprement dite; beaucoup ont un caractère sacerdotal et patricien; mais si différentes qu'elles soient par le sujet et par l'inspiration, elles se ressemblent en deux points: elles sont autochtones, nées de la muse indigène, sans aucun mélange d'art grec; elles se servent toutes du vers italique et national connu sous le nom de vers saturnien. Les Axamenta des Saliens, les chants des Frères Arvales, les Nenia ou plaintes funèbres en l'honneur des morts, les chansons patriotiques où l'on célébrait, dans les festins, les hauts faits des ancêtres; les chants de triomphe, les dialogues fescennins, les Saturæ et les Atellanes, les lois mêmes, les évocations, les serments,

les sentences morales, les oracles, toutes ces expressions de la pensée publique ou du sentiment individuel prenaient la forme et le rythme de ce vers primitif qui, selon Ennius, avait été inventé par les Faunes dans les bois du Latium, et consacré par les antiques devins de l'âge d'or. A l'origine, tous les écrits qui n'étaient pas de simples registres, des livres de comptes ou de sèches annales, avaient un certain caractère métrique et portaient le nom de Carmina. Plusieurs indices nous autorisent à supposer, dès ce temps-là, l'existence de chansons populaires, chansons de travail ou d'amour, chansons de nourrices, chansons railleuses contre les laboureurs et contre les avares ces chants de la rue, du sillon et de l'atelier étaient en vers saturniens, aussi bien qu'un grand nombre d'inscriptions gravées sur les monuments et les tombeaux1.

Nous n'insisterons pas sur la forme, d'ailleurs controversée, du vers saturnien, qui n'a qu'un rapport très indirect avec notre sujet, et dont il n'est ici question qu'au point de vue historique : on l'avait d'abord considéré comme une combinaison de syllabes toniques et de syllabes atones, ce qui en aurait fait un ancêtre du vers moderne. Cette opinion paraît abandonnée. Selon M. Louis Havet, qui l'a spécialement étudié, on y remarque deux parties distinctes, en quelque sorte deux hémistiches; chacun de ces deux membres contient trois temps marqués, ou trois arsis : le vers saturnien nous présente donc une alternance régulière d'arsis et de thesis, c'est-à-dire d'élévations et d'abaissements de la voix et du ton 3. A cette métrique primitive s'ajoutait un moyen d'harmonie particulier aux poètes barbares, l'allitération, qui consiste à rapprocher plusieurs mots commençant par un même son de consonnes.

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1. Sur la poésie populaire à Rome, au temps de la république, voir Edelestand du Méril, Poésies populaires latines antérieures au douzième siècle, pages 12, 14, 17, etc. - Teuffel, Histoire de la littérature latine, t. I, p. 1-14; 109-139. 2. Du grec ἄρσις, ἄρσεως (αἴρεῖν, élever). Θέσις, θέσεως (τιθέναι, poser). Arsis est elevatio; thesis, depositio vocis ac remissio. Martianus Capella,

p. 328.

3. Exemple: Dabunt malum Metelli Navio poetæ. liques marquent les temps forts du vers.

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4. Louis Havet, Cours élémentaire de métrique grecque et latine (3o édition), p. 212. Du Vers saturnien, Bibliothèque de l'école des hautes études (1880). Egger, Latini sermonis reliquiæ, p. 116-124,

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