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CHAPITRE VI.

SYNTAXE DES PRONOMS.

269.

De leur emploi en général.

Tout substantif employé dans un sens vague, c'est-à-dire sans article ni adjectif détermi→ natif, ne doit pas être représenté par un pronom, lorsque ce substantif indéterminé exprime avec le verbe ou la préposition qui précède une seule et même idée, de sorte que le verbe et le substantif indéterminé équivalent à un scul verbe, et la préposilion et le substantif indéterminé à un adverbe; tels sont faire grace, faire réponse, demander conseil, mettre en mer, être en santé, agir avec honneur, parler avec politesse, etc., qui répondent à pardonner, répondre, consulter, s'embarquer, se porter bien, agir honorablement, parler poliment, etc.

270. Ainsi, on ne doit pas dire: je vous fais GRACE, et elle est bien méritée. Quand on est en SANTÉ, il faut tout faire pour LA conserver. Il m'a reçu avec POLITESSE QUI m'a charmé. Pour que ces phrases soient exactes, il faut déterminer le substantif, et dire, par exemple: je vous accorde VOTRE GRACE, elle est bien méritée. Quand on jouit de LA SANTÉ, il faut tout faire pour la conserver. Il m'a reçu avec UNE POLITESSE QUI m'a charmé.

et

271. Mais on dirait très bien : en devenant ca pable d'ATTACHEMENT, on devient sensible à CELUI des autres. (J.-J. Rouss.) Ils ne se nourrissent que de SANG, et ne désirent LE boire que dans le crâne de leurs

ennemis. (Lacépède.) Quand on voit tant de gens sans VIE, comment ne pas craindre pour LA SIENNE. (VOLT.) La raison de cette différence est qu'ici les substantifs attachement, sang, vie, employés dans un sens indė, terminé, ne forment pas une seule et même idée avec les mots dont ils sont compléments, comme dans faire grace, faire justice, avec délicatesse.

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272. Les pronoms ne doivent jamais être répétés avec des rapports différents, c'est-à-dire qu'ils ne doivent pas se rapporter tantôt à un objet, tantôt à un autre. On ne dira donc pas : Samuel offrit son holocauste à Dieu, et IL lui fut si agréable qu' lança au même instant la foudre contre les Philistins, parce que le premier il se rapporte à holocauste, et le second à Dieu; ni : On aperçoit dans cet ouvrage un certain mystère qu'on tâche de vous eacher, attendu que le premier on se rapporte au lecteur, et le second à l'auteur. Enfin on ne dira pas non plus : j'ai lu avec plaisir cet ouvrage qui a été composé par une personne QUI est versée dans les sciences QUI ont pour objet l'étude de la nature, le premier qui se rapportant à ouvrage,. le second à personne, et le dernier à sciences.

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Le moyen de rendre ces phrases correctes, c'est de diminuer le nombre des rapports, en diminuant celui des pronoms Samuel offrit son holocauste, et DIEU le trouva si agréable qu' lança, etc. Le LECTEUR aperçoit dans cet ouvrage un certain mystère qu'ON tache, etc. J'ai lu avec plaisir cet ouvrage composé par une personne versée dans les sciences qui ont, etc. 273. Le pronom ne doit jamais être construit d'une manière équivoque. On ne dira donc pas : Virgile a imité Homère dans tout ce qu'IL a de beau. En effet, il peut se rapporter soit à Virgile, soit à Homère. Pour être correct, il faut dire: Virgile a imité Ho

mère dans tout ce que CELUI-CI a de beau; ou: Virgile, dans tout ce qu'il a de beau, a imité Homère.

274. Le pronom est soumis, pour l'accord,

aux mêmes règles que l'adjectif qualificatif. (Voy. n° 141 et suivants.)

L'homme auquel je parle ;

La femme à laquelle je parle;
Les hommes auxquels je parle;
Les femmes auxquelles je parle;

Déployer une bravoure, une intrépidité à laquelle rien ne résiste;

Montrer un courage ou une prudence à laquelle on prodigue des éloges.

Dans le 1er exemple, auquel est au masculin et au singulier, parce que le substantif homme qu'il représente est du genre masculin et du nombre singulier.

Dans le 2o, à laquelle est au féminin et au singulier, parce que le substantif femme qu'il représente est du genre féminin et du nombre singulier.

Dans le 3, auxquels est au masculin et au pluriel, parce que le substantif hommes qu'il représente est du genre masculin et du nombre pluriel.

Dans le 4, auxquelles est au féminin et au pluriel, parce que le substantif femmes qu'il représente est du genre féminin et du nombre pluriel.

Dans le 5, le pronom laquelle ne s'accorde qu'avec le dernier substantif, bravoure et intrépidité étant synonymes.

Dans le 6, laquelle ne s'accorde également qu'avec le dernier substantif, courage et prudence étant unis par la conjonction ou.

275.

DES PRONOMS PERSONNELS.

Les pronoms personnels employés comme

sujets se placent avant le verbe :

J'inventai des couleurs, j'armai la calomnie,
J'intéressai sa gloire, il trembla pour sa vie.

276. tions.

Cette règle est sujette à plusieurs excep

277. Les pronoms personnels se placent après le verbe, 1o quand on interroge : dans les temps simples, ils suivent le verbe; dans les temps composés, ils se mettent entre l'auxiliaire et le participe :

Où suis-je ? qu'ai-je fait? que dois-je faire encore?

(Corn.)

278. Remarque. Quand un verbe n'a qu'une syllabe à la première personne du singulier, l'oreille et l'usage ne veulent pas qu'il soit suivi du pronom je. Ainsi il ne faut pas dire cours-je? dors-je♫ rends-je? mens-je ? vends-je? romps-je ? prends-je ? perds-je ? etc. Ces formes interrogatives pourraient d'ailleurs donner lieu à une équivoque, et en effet les verbes ci-dessus se prononcent comme courge, d'orge, range, mange, venge, ronge, serge, mots dont la nature et le sens sont tout différents. On remplace ces expressions par la circonlocution est-ce que je prends? est-ce que je dors? est-ce que je mens? etc. (*). Cependant il est permis de dire fais-je ?

(*) Rigoureusement parlant, l'interrogation directe et l'interrogation faite par la circonlocution est-ce que n'ont pas le même sens. Celui qui dit : pleut-il? est dans le doute sur l'existence de la pluie; celui qui dit: est-ce qu'il pleut ? croit

sais-je? dis-je? dois-je? vois-je? ai-je? suis-je? vaisje? et quelques autres que l'usage fera connaître.

279. - Le besoin d'éviter des sons désagréables fait qu'on étend cette prohibition aux verbes qui, ayant plus d'une syllabe à la première personne du présent de l'indicatif, se terminent à cette personne par une s précédée d'une autre consonne, comme répands-je? contrains-je? accours-je ? corromps-je? que l'oreille exige qu'on remplace par est-ce que je répands? est-ce que je contrains? etc. On dil cependant entends-je ?

280. 2° Lorsque le verbe est au subjonctif sans qu'aucune conjonction soit exprimée :

Puissé-je de mes yeux y voir tomber la foudre! (Corn.) Dussé-je, après dix ans, voir mon palais en cendres!

(Rac.)

281. 3° Quand le verbe forme une proposition qui annonce qu'on rapporte les paroles de quelqu'un : je ne serai heureux, disait-IL, qu'autant que vous le serez.

282.4 Lorsque le verbe est précédé de quelqu'un des mots aussi, peut-être, encore, toujours, en vain, du moins, au moins AUSSI est-IL votre ami; PEUT-ÊTRE avez-vous raison; EN VAIN prétendonsNOUS. Cette exception n'est pas tellement rigoureuse qu'on ne puisse dire aussi il est votre ami; peut-être vous avez raison, etc. Mais alors l'expression semble n'avoir ni la même grâce ni la même énergie.

au contraire qu'il ne pleut pas, et il exprime sa surprise relativement à la pluie. Malgré cette distinction, il ne faut pas moins se conformer à l'usage, et dire est-ce que je dors? est-ce que je cours? bien que la forme interrogative adoptée ici ne rende pas absolument le sens qu'on veut exprimer.

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