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Relève-toi, France, reine du monde !

Tu vas cueillir tes lauriers les plus beaux;
Oui, d'âge en âge, une palme féconde
Doit de tes fils protéger les tombeaux.
Que près du mien, telle est mon espérance,
Pour la patrie admirant mon amour,
Le voyageur répète un jour:

Honneur aux enfants de la France!

A mes Pénates.

Petits dieux avec qui j'habite,
Compagnons de ma pauvreté,

Vous dont l'œil voit avec bonté
Mon fauteuil, mes chenets d'ermite,
Mon lit couleur de carmélite,
Et mon armoire de noyer;

O mes Pénates, mes dieux Lares,
Chers protecteurs de mon foyer!
Si mes mains, pour vous fêtoyer,
De gâteaux ne sont point avares;
Si j'ai souvent versé pour vous
Le vin, le miel, un lait si doux ;
Ah! veillez bien sur notre porte,
Sur nos gonds, et sur nos verrous:
Non point par la peur des filous,
Car que voulez-vous qu'on m'emporte?
Je n'ai ni trésors ni bijous ;

Je veux voyager sans escorte.

Mes vœux sont courts; les voici tous
Qu'un peu d'aisance entre chez nous,
Que jamais la vertu n'en sorte.

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Mais n'en laissez point approcher
Tout front qui devrait se cacher,
Ces échappés de l'indigence,
Que Plutus couvrit de ses dons,
Si surpris de leur opulence,
Si bas avec tant d'arrogance,
3 Si petits dans leurs grands salons.
Oh! que j'honore en sa misère
Cet aveugle errant sur la terre,
Sous le fardeau des ans pressé,
Jadis si grand par la victoire,
Maintenant puni de sa gloire,
Qu'un pauvre enfant, déjà lassé,
Quand le jour est presque effacé,
Conduit pieds nus, pendant l'orage,
Quêtant pour lui sur son passage,
Dans son casque ou sa faible main,
Avec les grâces de son âge,

De quoi ne pas mourir de faim!
O mes doux Pénates d'argile,
Attirez-les sous mon asile.

S'il est des cœurs faux, dangereux,
Soyez de fer, d'acier pour eux.

Mais qu'un sot vienne à m'apparaître,
Exaucez ma prière, ô dieux !
Fermez vite, et porte, et fenêtre,
Après m'avoir sauvé du traître
Défendez-moi de l'ennuyeux.

Le Retour dans la Patrie.

Qu'il va lentement le navire
A qui j'ai confié mon sort!

Au rivage où mon cœur aspire,
Qu'il est lent à trouver un port!
France adorée !

Douce contrée !

Mes yeux cent fois ont cru te découvrir. Qu'un vent rapide

Soudain nous guide

Aux bords sacrés où je reviens mourir. Mais enfin le matelot crie:

Terre, terre, là-bas, voyez !

Ah! tous mes maux sont oubliés.

Salut à ma patrie!!

Oui, voilà les rives de France;
Oui, voilà le port vaste et sûr,
Voisin des champs où mon enfance
S'écoula sous un chaume obscur !
France adorée !

Douce contrée !

Après vingt ans enfin je te revois;
De mon village

Je vois la plage,

Je vois fumer la cime de mes toits.
Combien mon âme est attendrie!
Là furent mes premiers amours;
Là ma mère m'attend toujours.
Salut à ma patrie !!

Loin de mon berceau, jeune encore, L'inconstance emporta mes pas, Jusqu'au sein des mers où l'aurore Sourit aux plus riches climats. France adorée !

Douce contrée !

Dieu te devait leurs fécondes chaleurs.
Toute l'année

Là brille ornée

De fleurs, de fruits, et de fruits et de fleurs.

Mais là, ma jeunesse flétrie

Rêvait à des climats plus chers;

Là, je regrettais nos hivers.

Salut à ma patrie !!...

Poussé chez des peuples sauvages
Qui m'offraient de régner sur eux,
J'ai su défendre leurs rivages
Contre des ennemis nombreux :

France adorée !

Douce contrée !

Tes champs alors gémissaient envahis:
Puissance et gloire,

Cris de victoire,

Rien n'étouffa la voix de mon pays.
De tout quitter mon cœur me prie:
Je reviens pauvre, mais constant.
Une bêche est là qui m'attend.
Salut à ma patrie !!

Au bruit des transports d'allégresse,
Enfin le navire entre au port.

Dans cette barque où l'on se presse

Hâtons-nous d'atteindre le bord.

France adorée !

Douce contrée !

Puissent tes fils te revoir ainsi tous !

Enfin j'arrive,

Et sur la rive

Je rends au ciel, je rends grâce à genoux.

Je t'embrasse, ô terre chérie !
Dieu ! qu'un exilé doit souffrir!
Moi, désormais je puis mourir.
Salut à ma patrie !!

Le Voyage imaginaire.

L'automne accourt, et sur son aile humide
M'apporte encor de nouvelles douleurs.
Toujours souffrant, toujours pauvre et timide,
De ma gaîté je vois pâlir les fleurs.
Arrachez-moi des fanges de Lutèce ;

Sous un beau ciel mes yeux devaient s'ouvrir.
Tout jeune aussi je rêvais à la Grèce;
C'est là, c'est là que je voudrais mourir.

En vain faut-il qu'on me traduise Homère,
Oui, je fus Grec; Pythagore a raison.
Sous Périclès j'eus Athènes pour mère;
Je visitai Socrate en sa prison;
De Phidias j'encensai les merveilles ;
De l'Ilissus j'ai vu les bords fleurir,
J'ai sur l'Hymète éveillé les abeilles ;
C'est là, c'est là que je voudrais mourir.

Dieu! qu'un seul jour, éblouissant ma vue,
Ce beau soleil me réchauffe le cœur !
La Liberté, que de loin je salue,

Me crie: Accours, Thrasybule est vainqueur.
Partons! partons, la barque est préparée;

Mer, en ton sein garde-moi de périr.

Laisse ma muse aborder au Pirée;

C'est là, c'est là que je voudrais mourir.

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