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Lieux où jadis m'a bercé l'Espérance,
Je vous revois à plus de cinquante ans.
On rajeunit aux souvenirs d'enfance,
Comme on renâit au souffle du printemps.

La Chute des Feuilles.

De la dépouille de nos bois
L'automne avait jonché la terre:
Le bocage était sans mystère,
Le rossignol était sans voix.
Triste et mourant, à son aurore,
Un jeune malade, à pas lents,
Parcourait une fois encore

Le bois cher à ses jeunes ans :
"Bois que j'aime! adieu... je succombe;
Votre deuil me prédit mon sort;
Et dans chaque feuille qui tombe
Je vois un présage de mort.
Fatal oracle d'Epidaure,

Tu m'as dit: Les feuilles des bois
A tes yeux jauniront encore,
Mais c'est pour la dernière fois.
L'éternel cyprès t'environne:
Plus pâle que la pâle automne,
Tu t'inclines vers le tombeau.
Ta jeunesse sera flétrie
Avant l'herbe de la prairie,
Avant les pampres du coteau.

Et je meurs!... De leur froide haleine
M'ont touché les sombres autans:
Et j'ai vu comme une ombre vaine
S'évanouir mon beau printemps.
Tombe, tombe, feuille éphémère !

Voile aux yeux ce triste chemin ;
Cache au désespoir de ma mère
La place où je serai demain.
Mais, vers la solitaire allée,
Si mon amante échevelée
Venait pleurer quand le jour fuit,
Eveille par ton léger bruit

Mon ombre un instant consolée."
Il dit, s'éloigne... et sans retour!
La dernière feuille qui tombe
A signalé son dernier jour.

Sous le chêne on creusa sa tombe...
Mais son amante ne vint pas
Visiter la pierre isolée;

2 CEt le pâtre de la vallée
Troubla seul du bruit de ses pas

Le silence du mausolée.

La Mort de Jeanne d'Arc. 2.

A qui réserve-t-on ces apprêts meurtriers?

Pour qui ces torches qu'on excite?

L'airain sacré tremble et s'agite...

D'où vient ce bruit lugubre? où courent ces guerriers, Dont la foule à longs flots roule et se précipite?

La joie éclate sur leurs traits,

Sans doute l'honneur les enflamme;

Ils vont pour un assaut former leurs rangs épais;
Non, ces guerriers sont des Anglais

Qui vont voir mourir une femme.

Qu'ils sont nobles dans leur courroux!

Qu'il est beau d'insulter au bras chargé d'entraves! La voyant sans défense, ils s'écriaient, ces braves:

"Qu'elle meure! elle a contre nous Des esprits infernaux suscité la magie.".... Lâches, que lui reprochez-vous?

D'un courage inspiré la brûlante énergie,
L'amour du nom français, le mépris du danger,
Voilà sa magie et ses charmes :

En faut-il d'autres que des armes

Pour combattre, pour vaincre et punir l'étranger?

Du Christ, avec ardeur, Jeanne baisait l'image;
Ses longs cheveux épars flottaient au gré des vents:
Au pied de l'échafaud, sans changer de visage,
Elle s'avançait à pas lents.

Tranquille elle y monta; quand, debout sur le faîte,
Elle vit ce bûcher qui l'allait dévorer,

Les bourreaux en suspens, la flamme déjà prête,
Sentant son cœur faillir, elle baissa la tête,

Et se prit à pleurer.

Ah! pleure, fille infortunée !
Ta jeunesse va se flétrir,

Dans sa fleur trop tôt moissonnée !

Adieu, beau ciel, il faut mourir !

Tu ne reverras plus tes riantes montagnes,
Le temple, le hameau, les champs de Vaucouleurs;
Et ta chaumière, et tes compagnes,

Et ton père expirant sous le poids des douleurs.

Après quelques instants d'un horrible silence,
Tout à coup le feu brille, il s'irrite, il s'élance....
Le cœur de la guerrière alors s'est ranimé;
A travers les vapeurs d'une fumée ardente,
Jeanne, encor menaçante,

Montre aux Anglais son bras à demi consumé.

Pourquoi reculer d'épouvante?

Anglais, son bras est désarmé,

La flamme l'environne, et sa voix expirante

Murmure encore: "O France! ô mon roi bien-aimé !”

Qu'un monument s'élève aux lieux de ta naissance,
O toi qui des vainqueurs renversas les projets !
La France y portera son deuil et ses regrets,
Sa tardive reconnaissance;

Elle y viendra gémir sous de jeunes cyprès;
Puissent croître avec eux ta gloire et sa puissance!

//Que sur l'airain funèbre on grave des combats,
Des étendards anglais fuyant devant tes pas,
Dieu vengeant par tes mains la plus juste des causes!
Venez, jeunes beautés, venez, braves soldats;

Semez sur son tombeau les lauriers et les roses!

Qu'un jour le voyageur, en parcourant ces bois,
Cueille un rameau sacré, l'y dépose, et s'écrie:
"A celle qui sauva le trône et la patrie,

Et n'obtint qu'un tombeau pour prix de ses exploits!"

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A Fanny.

FANNY, l'heureux mortel qui près de toi respire

Sait, à te voir parler et rougir et sourire,

De quels hôtes divins le ciel est habité.

La grâce, la candeur, la naïve innocence

Ont, depuis ton enfance,

De tout ce qui peut plaire enrichi ta beauté.

Sur tes traits, où ton âme imprime sa noblesse,
Elles ont su mêler aux roses de jeunesse

Ces roses de pudeur, charmes plus séduisants;
Et remplir tes regards, tes lèvres, ton langage,
De ce miel dont le sage

Cherche lui-même en vain à défendre ses sens.

Oh! que n'ai-je moi seul tout l'éclat et la gloire
Que donnent les talents, la beauté, la victoire,
Pour fixer sur moi seul ta pensée et tes yeux!
Que loin de moi, ton cœur soit loin de ma présence
Comme, dans ton absence,

Ton aspect bien-aimé m'est présent en tous lieux.

Je pense: Elle était là. Tous disaient: "Qu'elle est belle !"
Tels furent ses regards, sa démarche fut telle
Et tels ses vêtements, sa voix et ses discours.
Sur ce gazon assise, et dominant la plaine,
Des Méandres de Seine,

Rêveuse, elle suivait les obliques détours.

Ainsi dans les forêts j'erre avec ton image:
Ainsi le jeune faon, dans son désert sauvage,
D'un plomb volant percé, précipite ses pas.
Il emporte en fuyant sa mortelle blessure;
Couché près d'une eau pure,

Palpitant, hors d'haleine, il attend le trépas.

La véritable et la fausse Dévotion.

Er comme je ne vois nul genre de héros
Qui soit plus à priser que les parfaits dévots,
Aucune chose au monde et plus noble et plus belle
Que la sainte ferveur d'un véritable zèle ;
Aussi ne vois-je rien qui soit plus odieux
Que le dehors plâtré d'un zèle spécieux;

Que ces francs charlatans, que ces dévots de place,

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