J'AI fui ce pénible sommeil
Qu'aucun songe heureux n'accompagne ;
J'ai devancé sur la montagne
Les premiers rayons du soleil.
S'éveillant avec la nature,
Le jeune oiseau chantait sur l'aubépine en fleurs, Sa mère lui portait la douce nourriture, Mes yeux se sont mouillés de pleurs.
Oh! pourquoi n'ai-je pas de mère? Pourquoi ne suis-je pas semblable au jeune oiseau, Dont le nid se balance aux branches de l'ormeau ? Rien ne m'appartient sur la terre,
Je n'eus pas même de berceau,
Et je suis un enfant trouvé sur une pierre, Devant l'église du hameau.
Loin de mes parents exilée, De leurs embrassements j'ignore la douceur, Et les enfants de la vallée
Ne m'appellent jamais leur sœur! Je ne partage pas les jeux de la veillée; Jamais sous son toit de feuillée
Le joyeux laboureur ne m'invite à m'asseoir, Et de loin je vois sa famille,
Autour du sarment qui pétille,
Chercher sur ses genoux les caresses du soir.
Vers la chapelle hospitalière
En pleurant j'adresse mes pas, La seule demeure ici-bas
Où je ne sois point étrangère,
La seule devant moi qui ne se ferme pas!
Souvent je contemple la pierre Où commencèrent mes douleurs ; J'y cherche la place des pleurs
Qu'en m'y laissant, peut-être, y répandit ma mère.
Souvent aussi mes pas errants Parcourent des tombeaux l'asile solitaire;
moi les tombeaux sont tous indifférents. 20
La pauvre fille est sans parents
Au milieu des cercueils ainsi que sur la terre!
J'ai pleuré quatorze printemps Loin des bras qui m'ont repoussée; Reviens, ma mère, je t'attends Sur la pierre où tu m'as laissée !
Les Monuments religieux et antiques.
EGARÉ Sous le ciel de la belle Italie,
Oh! comme avec transport le pieux voyageur Cherche ces monuments qu'habite le Seigneur ! Tantôt c'est un clocher, dont sa vue incertaine Se plaît à mesurer la flèche aérienne ; A ses yeux quelquefois l'église des cités Etale sans orgueil d'importantes beautés ;
Dans le creux du vallon, quelquefois un vieux temple Appelle ses regards; il s'arrête, il contemple Ce portique désert par le temps écrasé,
Et s'assied en rêvant sur un autel brisé. Eh! qui n'a parcouru, d'un pas mélancolique, Le dôme abandonné, la vieille basilique, Où devant l'Eternel s'inclinaient ses aïeux ? Ces débris éloquents, ce seuil religieux, Ce seuil où tant de fois, le front dans la poussière, Gémit le repentir, espéra la prière;
Ce long rang de tombeaux, que la mousse a couvert, Ces vases mutilés, et ce comble entr'ouvert, Du Temps et de la Mort tout proclame l'empire: Frappé de son néant, l'homme observe et soupire. L'imagination, à ces murs dévastés,
Rend leur encens, leur culte et leurs solennités ; A travers tout un siècle écoute les cantiques Que la Religion chantait sous ces portiques. Là, rougissait l'hymen; ici, l'adolescent, Beau comme son offrande, et comme elle, innocent, Consacrait au Seigneur, modeste tributaire, De jeunes fleurs, des fruits, prémices de la terre. Mais tout a disparu, le Temps a fait un pas: Où souriait l'enfance, est assis le Trépas; L'herbe croît sur l'autel; l'oiseau des funérailles De son cri prophétique, attriste ces murailles. Seulement, quelquefois un cénobite en deuil Y vient de son ami visiter le cerceuil : C'est lui; le souvenir vers ces lieux le ramène e;
De tombeaux en tombeaux sa douleur se promène. Parmi des ossements et des marbres brisés, Témoins de ses regrets, de ses pleurs arrosés, Il creuse, sans pâlir, sa retraite dernière. L'aquilon de minuit se mêle à sa prière, Et le cloître attentif en redit les accents. A ces restes sacrés, à ces murs vieillissants, Quel pouvoir inconnu malgré moi m'intéresse? C'est la Religion; oui, cette enchanteresse Se plaît à nous unir d'un nœud mystérieux A tous les monuments consacrés par les cieux. Le tombeau du martyr, le rocher, la retraite, Où dans un long exil vieillit l'anachorète, Tout parle à notre cœur. Et toi, signe sacré, Des chrétiens et du monde à l'envi révéré, Croix modeste, quel est ton ineffable empire?
Tes muettes leçons aux mortels semblent dire: "Un Dieu périt pour vous; n'oubliez point ses lois." Ton aspect imprévu rendit plus d'une fois
La paix au repentir, des pleurs à la souffrance, Au crime le remords, au malheur l'espérance.
-Le Temps, d'une aile prompte et d'un vol insensible, Fuit, et revient sans cesse à ce palais terrible; Et de là sur la terre il verse à pleines mains Et les biens et les maux destinés aux humains. Sur un autel de fer un livre inexplicable Contient de l'avenir l'histoire irrévocable: / La main de l'Eternel, y marqua nos désirs, ? Et nos chagrins cruels, et nos faibles plaisirs. On voit la Liberté, cette esclave si fière,
Par d'invisibles nœuds en ces lieux prisonnière: Sous un joug inconnu, que rien ne peut briser, Dieu sait l'assujettir sans la tyranniser;
A ses suprêmes lois d'autant mieux attachée, Que sa chaîne à ses yeux pour jamais est cachée; Qu'en obéissant même elle agit par son choix, Et souvent au destin,pense donner des lois.
LIEUX où jadis m'a bercé l'Espérance, Je vous revois à plus de cinquante ans. On rajeunit aux souvenirs d'enfance, Comme on renaît au souffle du printemps.
Salut! à vous, amis de mon jeune âge; Salut! parents que mon amour bénit;
Grâce à vos soins, ici, pendant l'orage, Pauvre oiselet, j'ai pu trouver un nid... J'ai fait ici plus d'un apprentissage, A la paresse, hélas ! toujours enclin. Mais je me crus des droits au nom de sage Lorsqu'on m'apprit le métier de Franklin.
C'était à l'âge où naît l'amitié franche, Sol que fleurit un matin plein d'espoir. Un arbre y croît dont souvent une branche Nous sert d'appui pour marcher jusqu'au soir.
Lieux où jadis, m'a bercé l'Espérance, Je vous revois à plus de cinquante ans. On rajeunit aux souvenirs d'enfance, Comme on renaît au souffle du printemps.
C'est dans ces murs qu'en des jours de défaites,
De l'ennemi j'écoutais le canon;
Ici, ma voix mêlée aux chants des fêtes, De la patrie a bégayé le nom.
Ame rêveuse aux ailes de colombe, De mes sabots, là j'oubliais le poids; Du ciel, ici, sur moi la foudre tombe Et m'apprivoisé avec celle des rois.
Contre le sort ma raison s'est armée Sous l'humble toit, et vient aux mêmes lieux Narguer la gloire, inconstante fumée Qui tire aussi des larmes de nos yeux.
Amis, parents, témoins de mon aurore, Objet d'un culte avec le temps accru, Oui, mon berceau me semble doux encore, Et la berceuse a pourtant disparu.
« PreviousContinue » |