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Siècle heureux de Louis, siècle que la nature
De ses plus beaux présents doit combler sans mesure!
C'est toi qui dans la France amènes les beaux-arts;
Sur toi tout l'avenir va porter ses regards;
Les Muses à jamais y fixent leur empire:
La toile est animée, et le marbre respire.
4 Quels sages rassemblés dans ces augustes lieux
Mesurent l'univers, et lisent dans les cieux;
Et, dans la nuit obscure apportant la lumière,
Sondent les profondeurs de la nature entière?
L'erreur présomptueuse à leur aspect s'enfuit,
Et vers la vérité le doute les conduit.

Et toi, fille du Ciel, toi, puissante Harmonie,
Art charmant qui polis la Grèce et l'Italie,
J'entends de tous côtés ton langage enchanteur,
Et tes sons, souverains de l'oreille et du cœur !

Français, vous savez vaincre et chanter vos conquêtes;
Il n'est point de lauriers qui ne couvrent vos têtes;
Un peuple de héros va naître en ces climats :

Je vois tous les Bourbons voler dans les combats;
A travers mille feux je vois Condé paraître,

Tout à tour la terreur et l'appui de son maître.
Turenne, de Condé le généreux rival,

Moins brillant, mais plus sage, et du moins son égal.
Catinat réunit, par un rare assemblage,

Les talents du guerrier et les vertus du sage.
Vauban, sur un rempart, un compas à la main,
Rit du bruit impuissant de cent foudres d'airain.
Malheureux à la cour, invincible à la guerre,
Luxembourg fait trembler l'Empire et l'Angleterre
Regardez dans Denain l'audacieux Villars
Disputant le tonnerre à l'aigle des Césars,
Arbitre de la paix que la victoire amène,
Digne appui de son roi, digne rival d'Eugène.

Les Catacombes de Rome.

Sous les remparts de Rome et sous ses vastes plaines,
Sont des antres profonds, des voûtes souterraines,
Qui, pendant deux mille ans, creusés par les humains,
Donnèrent leurs rochers aux palais des Romains.
Avec ses monuments et sa magnificence,
Rome entière sortit de cet abîme immense.
Depuis, loin des regards et du fer des tyrans,
L'Eglise encor naissante y cacha ses enfants,
Jusqu'au jour où, du sein de cette nuit profonde,
Triomphante, elle vint donner des lois au monde,
Et marqua de sa croix les drapeaux des Césars.
Jaloux de tout connaître, un jeune amant des arts,
L'amour de ses parents, l'espoir de la peinture,
Brûlait de visiter cette demeure obscure,
De notre antique foi vénérable berceau.

Un fil dans une main, et de l'autre un flambeau,
Il entre il se confie à ces voûtes nombreuses
Qui croisent en tous sens leurs routes ténébreuses.
Il aime à voir ce lieu, sa triste majesté,

Ce palais de la nuit, cette sombre cité,

Ces temples où le Christ vit ses premiers fidèles,
Et de ces grands tombeaux les ombres éternelles.
Dans un coin écarté se présente un réduit,
Mystérieux asile où l'espoir le conduit;
Il voit des vases saints et des urnes pieuses,
Des vierges, des martyrs dépouilles précieuses.
Il saisit ce trésor; il veut poursuivre: hélas!
Il a perdu le fil qui conduisait ses pas.

Il cherche, mais en vain: il s'égare et se trouble;
Il s'éloigne, il revient, et sa crainte redouble:
Il prend tous les chemins que lui montre la peur.
Enfin, de route en route, et d'erreur en erreur,

Dans les enfoncements de cette obscure enceinte,
Il trouve un vaste espace, effrayant labyrinthe,
D'où vingt chemins divers conduisaient à l'entour.
Lequel choisir? lequel doit le conduire au jour?
Il les consulte tous: il les prend, il les quitte;
L'effroi suspend ses pas, l'effroi les précipite;
Il appelle: l'écho redouble sa frayeur;

De sinistres pensers viennent glacer son cœur.
L'astre heureux qu'il regrette a mesuré dix heures
Depuis qu'il est errant dans ces noires demeures.
Ce lieu d'effroi, ce lieu d'un silence éternel,
En trois lustres entiers voit à peine un mortel;
Et,
pour comble d'effroi, dans cette nuit funeste,
Du flambeau qui le guide il voit périr le reste.
Craignant que chaque pas, que chaque mouvement,
En agitant la flamme en use l'aliment,
Quelquefois il s'arrête, et demeure immobile.
Vaines précautions! tout soin est inutile;
L'heure approche, et déjà son cœur épouvanté
Croit de l'affreuse nuit sentir l'obscurité.

Il marche, il erre encor sous cette voûte sombre,
Et le flambeau mourant fume et s'éteint dans l'ombre...
Cependant il espère; il pense quelquefois

Entrevoir des clartés, distinguer une voix.

Il regarde, il écoute... Hélas! dans l'ombre immense Il ne voit que la nuit, n'entend que le silence

Et le silence ajoute encore à sa terreur. Alors, de son destin sentant toute l'horreur, 20 Son cœur tumultueux roule de rêve en rêve; Il se lève, il retombe, et soudain se relève; Se traîne quelquefois sur de vieux ossements, De la mort qu'il veut fuir horribles monuments, Quand tout à coup son pied trouve un léger obstacle; Il y porte la main. O surprise! ô miracle!

Il sent, il reconnaît le fil qu'il a perdu,
Et de joie et d'espoir il tressaille éperdu.
Ce fil libérateur, il le baise, il l'adore,

Il s'en assure, il craint qu'il ne s'échappe encore;
Il veut le suivre, il veut revoir l'éclat du jour;
Je ne sais quel instinct l'arrêté en ce séjour.
A l'abri du danger, son âme encor tremblante
Veut jouir de ces lieux et de son épouvante.
A leur aspect lugubre, il éprouve en son cœur
Un plaisir agité d'un reste de terreur;

Enfin, tenant en main son conducteur fidèle,
Il part, il vole aux lieux où la clarté l'appelle.
Dieux! quel ravissement quand il revoit les cieux
Qu'il croyait pour jamais éclipsés à ses yeux!
Avec quel doux transport il promène sa vue
Sur leur majestueuse et brillante étendue!
La cité, le hameau, la verdure, les bois,
Semblent s'offrir à lui pour la première fois ;
Et, rempli d'une joie inconnue et profonde,
Son cœur croit assister au premier jour du monde.

La Fable et la Vérité.

LA Vérité toute nue

Sortit un jour de son puits.

Ses attraits par le temps étaient un peu détruits. Jeunes et vieux fuyaient sa vue. pauvre Vérité restait là morfondue,

La

Sans trouver un asile où pouvoir habiter.
A ses yeux vient se présenter
La Fable richement vêtue,
Portant plumes et diamants,

La plupart faux, mais très-brillants.
"Eh! vous voilà! bonjour," dit-elle.

"Que faites-vous ici seule sur un chemin ?"" La Vérité répond: "Vous le voyez, je gèle : Aux passants je demande en vain

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De me donner une retraite ;

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Je leur fais peur à tous. Hélas! je le vois bien,
Vieille femme n'obtient plus rien."

"Vous êtes pourtant ma cadette,"
Dit la Fable, "et, sans vanité,
Partout je suis fort bien reçue.
Mais aussi, dame Vérité,
Pourquoi vous montrer toute nue?

Cela n'est pas adroit. Tenez, arrangeons-nous;
Qu'un même intérêt nous rassemble.

Venez sous mon manteau, nous marcherons ensemble:
Chez le sage, à cause de vous,

Je ne serai point rebutée ;

A cause de moi, chez les fous
Vous ne serez point maltraitée.
par ce moyen chacun selon son goût,
Grâce à votre raison, et grâce à ma folie,

Servant

Vous verrez, ma sœur, que partout
Nous passerons de compagnie."

Réflexions et Conseils.

TOUT annonce d'un Dieu l'éternelle existence;
On ne peut le comprendre, on ne peut l'ignorer:
La voix de l'univers annonce sa puissance,
Et la voix de nos cœurs dit qu'il faut l'adorer.

Mortels, tout est pour votre usage;
Dieu vous comble de ses présents.
Ah! si vous êtes son image,
Soyez comme lui bienfaisant.

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