Ta nature est pourtant la même; Mais comme en une pure glace La Fable. OTEZ Pan et sa flûte, adieu les pâturages; Sans la fable, en nos vers, n'aura rien que de plat. Que la Victoire vole, et que les grands exploits Soient portés en tous lieux par la nymphe à cent voix? Iambes d'André Chénier. QUAND au mouton bêlant la sombre boucherie Pauvres chiens et moutons, toute la bergerie Les enfants qui suivaient ses ébats dans la plaine, Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine Sans plus penser à lui, le mangent s'il est tendre. J'ai le même destin. Je m'y devaiș attendre. Oubliés comme moi dans cet affreux repaire, Pendus aux crocs sanglants du charnier populaire, Que pouvaient mes amis? Oui, de leur main chérie A versé quelque baume en mon âme flétrie ; Mais tout est précipice. Ils ont eu droit de vivre. En dépit de Bavus, soyez lents à me suivre ; J'ai moi-même, à l'aspect des pleurs de l'infortune, A mon tour aujourd'hui mon malheur importune. Vers composés par André Chénier peu d'instants avant d'aller au supplice. COMME un dernier rayon, commé un dernier zéphyre Au pied de l'échafaud j'essaie encor ma lyre. Peut-être avant que l'heure en cercle promenée Dans les soixante pas où sa route est bornée, Le sommeil du tombeau pressera ma paupière ! Ce vers que je commence ait atteint la dernière, Le messager de mort, noir recruteur des ombres, Remplira de mon nom ces longs corridors sombres. Le Jeune Malade. -“ APOLLON, dieu sauveur, dieu des savants mystères, Dieu de la vie, et dieu des plantes salutaires, Dieu vainqueur de Python, dieu jeune et triomphant, Prends pitié de mon fils, de mon unique enfant! Prends pitié de sa mère aux larmes condamnée, Qui ne vit que pour lui, qui meurt abandonnée, Qui n'a pas dû rester pour voir mourir son fils; Dieu jeune, viens aider sa jeunesse. Assoupis, Assoupis dans son sein cette fièvre brûlante Qui dévore la fleur de sa vie innocente. Apollon, si jamais échappé du tombeau, Il retourne au Ménale avoir soin du troupeau, Ces mains, ces vieilles mains orneront ta statue De ma coupe d'onyx à tes pieds suspendue; Et, chaque été nouveau, d'un taureau mugissant La hache à ton autel fera couler le sang. "Eh bien! mon fils, es-tu toujours impitoyable? Ton funeste silence est-il inexorable? Mon fils, tu veux mourir? Tu veux, dans ses vieux ans, Laisser ta mère seule avec ses cheveux blancs? Tu veux que ce soit moi qui fermë ta paupière ? -“Ma mère, adieu; je meurs, et tu n'as plus de fils. ; "Tiens, mon unique enfant, mon fils, prends ce breuvage; Sa chaleur te rendra ta force et ton courage. La mauve, le dictame, ont avec les pavots, Mêlé leurs sucs puissants qui donnent le repos : Sur le vase bouillant, attendrie à mes larmes, Une Thessalienne a composé des charmes. Ton corps débile a vu trois retours du soleil Sans connaître Cérès, ni tes yeux le sommeil. Prends, mon fils, laisse-toi fléchir à ma prière; C'est ta mère, ta vieille inconsolable mère Qui pleure; qui jadis te guidait pas à pas, T'asseyait sur son sein, te portait dans ses bras; Que tu disais aimer, qui t'apprit à le dire; Qui chantait, et souvent te forçait à sourire Lorsque tes jeunes dents, par de vives douleurs, De tes yeux enfantins faisaient couler des pleurs. |