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Celui qui sans rivage a renfermé les mers,
Celui qui d'un regard a lancé la lumière;

Celui qui ne connaît ni jour ni lendemain
Celui qui de tout temps de soi-même s'enfante,
Qui vit dans l'avenir comme à heure présente,
Et rappelle les temps échappé de sa main :

C'est lui, c'est le Seigneur! que ma langue redise Les cent noms de sa gloire aux enfants des mortels: Comme la harpe d'or pendue à ses autels, +Je chanterai pour lui, jusqu'à ce qu'il me brise !”...

Sur le vrai Bonheur.

Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux;
Ces deux divinités n'accordent à nos vœux

Que des biens peu certains, qu'un plaisir peu tranquille;

Des soucis dévorants c'est l'éternel asyle.

Véritable vautour que le fils de Japet

Représente enchaîné sur son triste sommet.
L'humble toit est exempt d'un tribut si funeste.
Le sage y vit en paix, et méprise le reste :
Content de ses douceurs, errant parmi les bois,
Il regarde à ses pieds les favoris des rois :

Il lit au front de ceux qu'un vain luxe environre,
Que la fortune vend ce qu'on croit qu'elle donne;
Approche-t-il du but, quitte-t-il ce séjour,
Rien ne trouble sa fin; c'est le soir d'un beau jour.

Qu'heureux est le mortel qui, du monde ignoré,
Vit content de soi-même, en un coin retiré;
Que l'amour de ce rien qu'on nomme renommée
N'a jamais enivré d'une vaine fumée;

Qui de sa liberté forme tout son plaisir,
Et ne rend qu'à lui seul compte de son loisir !
Il n'a point à souffrir d'affronts ni d'injustices,
Et du peuple inconstant il brave les caprices.

A Madame la Duchesse de R***

IL est une langue secrète,
Dialecte silencieux,

Que sait l'amant ou le poëte
Et que les yeux parlent aux yeux.

2

Qu'importe la langue parlée ?

Le langage humain n'est qu'un art,
Mais cette langue révélée

Dieu la fit avec le regard!

Une femme aux cheveux de soie
Qu'on voit marcher sur son chemin
Et dont le bras nu vous coudoie,
Oh! n'est-ce pas un mot divin?

Il dit ivresse, il dit génie,
Grâce, amour, candeur, pureté;
Les yeux en boivent l'harmonie
Et le sens en est volupté.

Il retentit longtemps dans l'âme,
Comme dans l'oreille une voix,
Et la belle image de femme
Est comme un air redit cent fois!

O noble et suave figure,

Où rayonne ivresse et langueur,
Mot caressant de la nature,

Que ne dis-tu pas dans le cœur ?

La Chevalerie.

QU'ILS étaient beaux, ces jours de gloire et de bonheur,
Où les preux s'enflammaient à la voix de l'honneur,
Et recevaient des mains de la beauté sensible
L'écharpe favorite, et la lance invincible!
Les rênes d'or flottaient sur les blancs destriers,
La lice des tournois s'ouvrait à nos guerriers.
O qu'on aimait à voir ces fils de la patrie
Suspendre la bannièrè aux palmiers de Syrie,
Des arts, dans l'Orient, conquérir le flambeau,
Et, défenseurs du Christ, lui rendre son tombeau !
Qu'on aimait à les voir, bienfaiteurs de la terre,
Au frein de la clémence accoutumer la guerre !
Le faible, l'opprimé leur confiait ses droits;
Au serment d'être juste ils admettaient les rois.
Leurs vœux mystérieux, leurs amitiés constantes,
Les hymnes de Roland répétés sous leurs tentes,
Leurs défis, proclamés aux sons bruyants du cor,
A leur vieux souvenir m'intéressent encor:
J'interroge leur cendre, et la chevalerie,
Avec ses paladins, ses couleurs, sa féerie,
Ses légers palefrois, ses ménestrels joyeux,
Merveilleuse et brillante, apparaît à mes yeux.
Le casque orne son front, sa main porte une lance;
Aux rives du Tésin sur ses pas je m'élance:

La déité s'arrête, et fléchit les

genoux.

Quel spectacle imposant s'est montré devant nous!
Quel enfant des combats et de la renommée
Suspend autour de lui la course d'une armée,
Et voit de fiers soldats couvrir de leurs drapeaux
Le chêne protecteur de son noble repos !
Est-ce un roi couronné des mains de la victoire ?
Est-ce un triomphateur, qui, fatigué de gloire,

S'assied quelques instants près de son bouclier?

Non; c'est Bayard mourant, c'est Bayard prisonnier...---
A rejoindre Nemours déjà son âme aspire;

Il meurt.... Le nom du Christ sur ses lèvres expire.
A la patrie en pleurs les Français abattus

Vont raconter sa mort, digne de ses vertus;

Et la chevalerie, inclinant sa bannière,

Pose sur le cercueil sa couronné dernière.

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La raison te conduit: avance à sa lumière;
Marche encor quelques pas, mais borne ta carrière :
Au bord de l'infini tu te dois arrêter;

Là commence un abîme, il le faut respecter.
Réaumur, dont la main si savante et si sûre
A percé tant de fois la nuit de la nature,
M'apprendra-t-il jamais par quels subtils ressorts
L'éternel artisan fait végéter les corps?
Pourquoi l'aspic affreux, le tigre, la panthère,
N'ont jamais adouci leur cruel caractère ?
Et que, reconnaissant la main qui le nourrit,
Le chien meurt en léchant le maître qu'il chérit?
D'où vient qu'avec cent pieds, qui semblent inutiles,
Cet insecte tremblant traîne ses pas débiles?
Pourquoi ce ver changeant se bâtit un tombeau,
S'enterre, et ressuscite avec un corps nouveau,
Et le front couronné, tout brillant d'étincelles,
S'élance dans les airs en déployant ses ailes?
Le sage Dufaï, parmi ces plants divers,
Végétaux rassemblés des bouts de l'univers,
Me dira-t-il pourquoi la tendre sensitive
Se flétrit sous nos mains, honteuse et fugitive?

Malade, et dans un lit de douleur accablé,
Par l'éloquent Silva vous êtes consolé :

Il sait l'art de guérir autant que l'art de plaire.
Demandez à Silva par quel secret mystère
Ce pain, cet aliment dans mon corps digéré,
Se transforme en un lait doucement préparé;
Comment, toujours filtré dans ses routes certaines,
En longs ruisseaux de pourpre, il court enfler mes veines,
A mon corps languissant rend un pouvoir nouveau,
Fait palpiter mon cœur, et penser mon cerveau?

Il lève au ciel les yeux, il s'incline, il s'écrie:
Demandez-le à ce Dieu qui nous donna la vie.

Importance d'une bonne Conduite dans la Jeunesse.

CRAIGNEZ des médisants la malice profonde :
Souvent le premier pas que l'on fait dans le monde
Est celui dont dépend le reste de nos jours.
Ridicule une fois, on vous le croit toujours.
L'impression demeure: en vain croissant en âge,
On change de conduite, on veut être plus sage,
On souffre encor longtemps de ce vieux préjugé;
On est encor suspect lorsqu'on est corrigé ;
Et l'on voit quelquefois payer dans la vieillesse
Le tribut des défauts qu'on eut dans la jeunesse.

Amitié de Femme.

AMITIÉ, doux repos de l'âme,
Crépuscule charmant des cœurs,

Pourquoi, dans les yeux d'une femme,
As-tu de plus tendres langueurs?

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