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Non, tu n'as pas quitté mes yeux;
Et quand mon regard solitaire
Cessa de te voir sur la terre,
Soudain je te vis dans les cieux.

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C'est toi que j'entends, que je vois:
Dans le désert, dans le nuage,
L'onde réfléchit ton image;
Le zéphir m'apporte ta voix.

Tandis que la terre sommeille,
Si j'entends le vent soupirer,
Je crois t'entendre murmurer
Des mots sacrés à mon oreille.

Si j'admire ces feux épars
Qui des nuits parsèment le voile,
Je crois te voir dans chaque étoile
Qui plaît le plus à mes regards.

Et si le souffle du zéphire
M'enivre du parfum des fleurs,
Dans ses plus suaves odeurs
C'est ton souffle que je respire.

A

C'est ta main qui sèche mes pleurs,
Quand je vais, triste et solitaire,
Répandre en secret ma prière

Près des autels consolateurs.

Quand je dors, tu veilles dans l'ombre;

Tes ailes reposent sur moi;

Tous mes songes viennent de toi,

Doux comme le regard d'une ombre.

Pendant mon sommeil, si ta main
De mes jours déliait la trame,
Céleste moitié de mon âme,
J'irais m'éveiller dans ton sein!

Comme deux rayons de l'aurore,
Comme deux soupirs confondus;
Nos deux âmes ne forment plus
Qu'une âme, et je soupire encore!

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Aidons-nous mutuellement.

DANS nos jours passagers de peines, de misères,
Enfants d'un même Dieu, vivons du moins en frères;
Aidons-nous l'un et l'autre à porter nos fardeaux;
Nous marchons tous courbés sous le poids de nos maux;
Mille ennemis cruels assiégent notre vie,

Toujours par nous maudite, et toujours si chérie.
Quelquefois, dans nos jours consacrés aux douleurs,
Par la main du plaisir nous essuyons nos pleurs;
Mais le plaisir s'envole, et passé comme une ombre:
Nos chagrins, nos regrets, nos pertes sont sans nombre.
Notre cœur égaré, sans guide et sans appui,

Est brûlé de désirs, ou glacé par l'ennui.

/Nul de nous n'a vécu sans connaître les larmes.

De la société les secourables charmes

Consolent nos douleurs au moins quelques instants;
Remède encor trop faible à des maux si constants.
Ah! n'empoisonnons pas la douceur qui nous reste.
Je crois voir des forçats, dans leur cachot funeste,
Se pouvant secourir, l'un sur l'autre acharnés,
Combattre avec les fers dont ils sont enchaînés.

La Pensée.

MORTELS, n'assignez point un terme à la pensée ;
Hors du cercle des temps l'Eternel l'a placée :
Tantôt le ciel la voit, sur des ailes de feu,
Egarer son essor jusqu'au trône de Dieu;
Tantôt elle parcourt, avide de connaître,
Et les siècles passés, et les siècles à naître.

C'est le rapide éclair dont le sillon ardent
Joint les portes du jour aux rives d'occident;
C'est Elie, emporté dans un char de lumière,
Et des mondes mortels franchissant la barrière.
Rien ne peut arrêter son vol ambitieux:

A travers les soleils, peuple brillant des cieux,-
Elle s'élance, atteint l'indocile comète :

Epié, poursuivi dans sa marche secrète,
Cet astre déserteur lui révèle ses lois :

Elle triomphe, vole, et plongeant à la fois

Dans les airs, dans les eaux, dans les flancs de la terre,
Rend de sa royauté l'univers tributaire;

Et l'incrédule obscur, sans honte, sans remord,
Ose la détrôner pour conquérir la mort,

Ou n'accorde à son rang qu'un éclat éphémère.
Tous les siècles, courbés sous la gloire d'Homère,
Passent en saluant le monument fameux
Que ce mâle génie édifia pour eux.

Jusqu'au terme des temps, devenus leur conquête,
Voleront, respectés, les accords du prophète :
L'œuvre de la pensée a partout des autels.
La tige, qui produit tant de fruits immortels,
Du souffle de la mort ne sera point flétrie.

Stances.

Et j'ai dit dans mon cœur: Que faire de la vie?
Irai-je encor, suivant ceux qui m'ont devancé,
Comme l'agneau qui passe où sa mère a passé,
Imiter des mortels l'immortelle folie?

L'un cherche sur les mers les trésors de Memnon,
Et la vague engloutit ses vœux et son navire;

Dans le sein de la gloire où son génie aspire,
L'autre meurt enivré par l'écho d'un vain nom.

Avec nos passions formant sa vaste trame,

Celui-là fonde un trône, et monte pour tomber;
Dans des piéges plus doux aimant à succomber,
Celui-ci lit son sort dans les yeux d'une femme.

Le paresseux s'endort dans les bras de la faim;
Le laboureur conduit sa fertile charrue;
Le savant pense et lit, le guerrier frappe et tue;
Le mendiant s'assied sur le bord du chemin.

Où vont-ils cependant? Ils vont où va la feuille
Que chasse devant lui le souffle des hivers :
Ainsi vont se flétrir dans leurs travaux divers
Ces générations que le temps sème et cueille.

Ils luttaient contre lui, mais le temps a vaincu;
Comme un fleuve engloutit le sable de ses rives,
Je l'ai vu dévorer leurs ombres fugitives.

Ils sont nés, ils sont morts: "Seigneur, ont-ils vécu ?”

Pour moi, je chanterai le maître que j'adore,
Dans le bruit des cités, dans la paix des déserts,
Couché sur le rivage, ou flottant sur les mers,
Au déclin du soleil, au réveil de l'aurore.

La terre m'a crié : "Qui donc est le Seigneur ?"

“Celui dont l'âme immense est partout répandue, Celui dont un seul pas mesure l'étendue,

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Celui dont le soleil emprunte sa splendeur;

Celui qui du néant a tiré la matière,
Celui qui sur le vide a fondé l'univers,

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