Page images
PDF
EPUB

Mes brebis la douceur, mes chiens la vigilance;
Et, si j'avais besoin d'avis

Pour aimer mes filles, mes fils,

La poule et ses poussins me serviraient d'exemple.
Ainsi dans l'univers tout ce que je contemple
M'avertit d'un devoir qu'il m'est doux de remplir.
Je fais souvent du bien pour avoir du plaisir,
J'aime et je suis aimé, mon âme est tendre et pure;
Et, toujours selon ma mesure,

Ma raison sait régler mes vœux:
7observe et je suis la nature,

C'est mon secret pour être heureux."

La Mort de J. B. Rousseau.

QUAND le premier chantre du monde
Expira sur les bords glacés.

Où l'Ebre, effrayée dans son onde,
Reçut ses membres dispersés,
Le Thrace errant sur les montagnes
Remplit les bois et les campagnes
Du cri perçant de ses douleurs;
Les champs de l'air en retentirent,
Et dans les antres qui gémirent
Le lion répandit des pleurs.

La France a perdu son Orphée;
Muses, dans ces moments de deuil,
Elevez le pompeux trophée

Que vous demande son cercueil;
Laissez, par de nouveaux prodiges,
D'éclatants et dignes vestiges
D'un jour marqué par vos regrets.

Ainsi, le tombeau de Virgile

Est couvert du laurier fertile

Qui par vos soins ne meurt jamais.

D'une brillante et triste vie,
Rousseau quitte aujourd'hui les fers,
Et, loin du ciel de sa patrie,

La mort termine ses revers,

D'où ses maux ont-ils pris leur source?
Quelles épines, dans sa course,
Etouffaient les fleurs sous ses pas?
Quels ennuis, quelle vie errante!
Et quelle foule renaissante
D'adversaires et de combats !

Le Nil a vu sur ses rivages
Les noirs habitants des déserts
Insulter par leurs cris sauvages
L'astre éclatant de l'univers.
Cris impuissants, fureurs bizarres !
Tandis que ces monstres barbares
Poussaient d'insolentes clameurs,
Le dieu, poursuivant sa carrière,
Versait des torrents de lumière.
Sur ces obscurs blasphémateurs.

Souveraine des chants lyriques,
Toi que Rousseau, dans nos climats.
Appela des jeux olympiques
Qui semblaient seuls fixer ses pas :
Par qui ta trompette éclatante,
Secondant ta voix triomphante,
Formera-t-elle des concerts?
Des héros, muse magnanime,

Par quel organe assez sublime

Vas-tu parler à l'univers?

Favoris, élèves dociles
De ce ministre d'Apollon,
Vous à qui ses conseils utiles
Ont ouvert le sacré vallon:
Accourez, troupe désolée,
Déposez sur son mausolée
Votre lyre qu'il inspirait;
La mort a frappé votre maître,
Et d'un souffle a fait disparaître
Le flambeau qui vous éclairait.

Et vous, dont sa fière harmonie
Egala les superbes sons,
Qui reviviez dans ce génie
Formé par vos seules leçons:
Mânes d'Alcée et de Pindare,
Que votre suffrage répare
La rigueur de son sort fatal;
Dans la nuit du séjour funèbre,
Consolez son ombre célèbre,
Et couronnez votre rival.

Le Chrétien mourant.

QU'ENTENDS-je? autour de moi l'airain sacré résonne
Quelle foule pieuse en pleurant m'environne?
Pour qui ce chant funèbre et ce pâle flambeau?
O mort! c'est ta voix qui frappe mon oreille
Pour la dernière fois? Eh quoi! je me réveille
Sur le bord du tombeau !

6

O toi, du feu divin précieuse étincelle !
De ce corps périssable habitante immortelle,
Dissipe ces terreurs : la mort vient t'affranchir,

Prends ton vol, ô mon âme ! et dépouille tes chaînes.
Déposer le fardeau des misères humaines,

Est-ce donc là mourir?

Oui, le temps a cessé de mesurer mes heures.
Messagers rayonnants des célestes demeures,
Dans quels palais nouveaux allez-vous me ravir?
Déjà, déjà je nage en des flots de lumière,
L'espace devant moi s'agrandit, et la terre
Sous mes pieds semble fuir!

Mais qu'entends-je? Au moment où mon âme s'éveille,
Des soupirs, des sanglots ont frappé mon oreille!
Compagnons de l'exil, quoi! vous pleurez ma mort
Vous pleurez! et déjà dans la coupe sacrée
J'ai bu l'oubli des maux, et mon âme enivrée
Entre au céleste port!

Hymne de l'Enfant à son réveil.

"O PÈRE qu'adore mon père! Toi qu'on ne nomme qu'à genoux, fes Toi dont le nons terrible et doux

Fait courber le front de ma mère;

On dit que ce brillant soleil
'N'est qu'un jouet de ta puissance,
Que sous tes pieds il se balance
Comme une lampe de vermeil.

On dit que c'est toi qui fais naître
Les petits oiseaux dans les champs,

[merged small][ocr errors][merged small]

L'agneau broute le serpolet;

[ocr errors]

La chèvre s'attache au cytise; ved den
La mouche, au bord du vase, puise
Les blanches gouttes de mon lait;

L'alouette a la graine amère
Que laisse envoler le glaneur,
Le passereau suit le vanneur,
Et l'enfant s'attache à sa mère.

Et pour obtenir chaque don.
Que chaque jour tu fais éclore,
A midi, le soir, à l'aurore,
Que faut-il? prononcer ton nom.

O Dieu! ma bouche balbutie
Ce nom des anges redouté.
Un enfant même est écouté,
Dans le chœur qui te glorifie!

Ah! puisqu'il entend de si loin
Les vœux que notre bouche adresse,
Je veux lui demander sans cesse

Ce dont les autres ont besoin.

« PreviousContinue »