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Cet homme se raillait assez hors de saison.
Quant à l'humeur contredisante,

Je ne sais s'il avait raison:

Mais que cette humeur soit ou non
Le défaut du sexe et sa pente,
Quiconque avec elle naîtra

Sans faute avec elle mourra,
Et jusqu'au bout contredira,
Et, s'il peut, encor par-delà.

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La Fermière.

Amour à la fermière ! elle est
Si gentille et si douce!
C'est l'oiseau des bois qui se plaît
Loin du bruit dans la mousse;
"Vieux vagabond qui tends la main,
Enfant pauvre et sans mère,

Puissiez vous trouver en chemin

La ferme et la fermière!"

De l'escabeau vide au foyer

Là le pauvre s'empare,
Et le grand bahut de noyer

Pour lui n'est point avare;

C'est là qu'un jour je vins m'asseoir,

Les pieds blancs de poussière;

Un jour!... puis en marche, et bonsoir

La ferme et la fermière.

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En fermant les yeux je revois
L'enclos plein de lumière,
La haie en fleur, le petit bois,
La ferme et la fermière.

Si Dieu, comme notre curé
Au prône le répète,
Paie un bienfait (même egaré!)

Ah! qu'il songe à ma dette.
Qu'il prodigue au vallon les fleurs,
La joie à la chaumière,
Et garde des vents et des pleurs
La ferme et la fermière.

Chaque hiver qu'un groupe d'enfants
A son fuseau sourie,

Comme les anges aux fils blancs
De la vierge Marie ;
Que tous par la main pas
Guidant un petit frère,
Réjouissent de leurs ébats

La ferme et la fermière.

à pas,

Le Roi et les deux Bergers.

CERTAIN monarque un jour déplorait sa misère,

Et se lamentait d'être roi:

"Que pénible métier!" disait-il :

66 sur la terre

Est-il un seul mortel contredit comme moi ?

Je voudrais vivre en paix, on me force à la guerre; Je chéris mes sujets, et je mets des impôts;

J'aime la vérité, l'on me trompe sans cesse ;

Mon peuple est accablé de maux,

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Je suis consumé de tristesse:

Partout je cherche des avis,

Je prends tous les moyens, inutile est ma peine;
Plus j'en fais, moins je réussis."

Notre monarque alors aperçoit dans la plaine
Un troupeau de moutons maigres, de près tondus,
Des brebis sans agneaux, des agneaux sans leurs mères,
Dispersés, belants, éperdus,

Et des béliers sans force errant dans les bruyères.
conducteur Guillot allait, venait, courait,
ôt à ce mouton qui gagne la forêt,
Tantôt à cet agneau qui demeure derrière,
Puis à sa brebis la plus chère;

Et tandis qu'il est d'un côté

Un loup prend un mouton qu'il emporte bien vite;
Le berger court; l'agneau qu'il quitte
Par une louve est emporté.

Guillot tout haletant s'arrête,

S'arrache les cheveux, ne sait plus ou courir,
Et de son poing frappant sa tête,

Il demande au ciel de mourir.
"Voilà bien ma fidèle image!”

S'écria le monarque; "et les pauvres bergers,
Comme nous autres rois, entourés de dangers,
N'ont pas un plus doux esclavage:
Cela console un peu :" Comme il disait ces mots,
Il découvre en un pré le plus beau des troupeaux,
Des moutons gras, nombreux, pouvant marcher à peine,
Tant leur riche toison les gêne,

Des béliers grands et fiers, tous en ordre paissants,
Des brebis fléchissant sous le poids de la laine,

Et de qui la mamelle pleine

Fait accourir de loin les

agneaux bondissants.

Leur berger, mollement étendu sous un hêtre,

Faisait des vers pour son Iris,

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Les chantait doucement aux échos attendris,
Et puis répétait l'air sur son hautbois champêtre
Le roi étonné disait: "Ce beau troupeau

A

Sera bientôt détruit; les loups ne craignent guère
Les pasteurs amoureux qui chantent leur bergère;
On les écarte mal avec un chalumeau.

Ah! comme je rirai !".... Dans l'instant le loup passe,
Comme pour lui faire plaisir;

Mais à peine il paraît, que, prompt à le saisir,
Un chien s'élance et le terrasse.

Au bruit qu'ils font en combattant,

Deux moutons effrayés s'écartent dans la plaine :
Un autre chien part, les ramène.

Et pour rétablir l'ordre il suffit d'un instant.
Le berger voyait tout, couché dessus l'herbette,
Et ne quittait pas sa musette.

Alors le roi presque en courroux

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Lui dit: "Comment fais-tu ? Les bois sont pleins de loups.
Tes moutons gras et beaux sont au nombre de mille,
Et sans en être moins tranquille,

Dans cet heureux état, toi seul tu les maintiens !"
"Sire," dit le berger, "la chose est fort facile;
Tout mon secret consiste à choisir de bons chiens."

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Le Savant et le Fermier.

QUE j'aime les héros dont je conte l'histoire !
Et qu'à m'occuper d'eux je trouve de douceur!
J'ignore s'ils pourront m'acquérir de la gloire,

Mais je sais qu'ils font mon bonheur.
Avec les animaux je veux passer ma vie ;
Ils sont si bonne compagnie !

Je conviens cependant, et c'est avec douleur,

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Plusieurs

Losephine Pleasenton.

+

Que tous n'ont pas le même cœur.

que l'on connaît, sans qu'ici je les nomme,
De nos vices ont bonne part:

Mais je les trouve encor moins dangereux que l'homme ;
Et, fripon pour fripon, je préfère un renard.
C'est ainsi que pensait un sage,

Un bon fermier de mon pays.

Depuis quatre-vingts ans, de tout le voisinage
On venait écouter et suivre ses avis.
Chaque mot qu'il disait était une sentence.
Son exemple surtout aidait son éloquence;
Et, lorsque environné de ses quarante enfants,
Fils, petits-fils, brus, gendres, filles,

Il jugeait les procès ou réglait les familles,

Nul n'eût osé mentir devant ses cheveux blancs.
Je me souviens qu'un jour dans son champêtre asile
Il vint un savant de la ville

Qui dit au bon vieillard: "Mon père, enseignez-moi
Dans quel auteur, dans quel ouvrage,

Vous apprîtes l'art d'être sage.

Chez quelle nation, à la cour de quel roi,

Avez-vous été, comme Ulysse,

Prendre des leçons de justice?

Suivez-vous de Zénon la rigoureuse loi?
Avez-vous embrassé la secte d'Epicure,
Celle de Pythagore, ou du divin Platon?"
"De tous ces messieurs-là je ne sais pas le nom,"
Répondit le vieillard: "mon livre est la nature;
Et mon unique précepteur,

C'est mon cœur.

Je vois les animaux, j'y trouve le modèle
Des vertus que je dois chérir:

La colombe m'apprit à devenir fidèle ;

En voyant la fourmi, j'amassai pour jouir;

Mes bœufs m'enseignent la constance,

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