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citées; ce qui, indépendamment de l'époque de la publication de ces lettres (1), ne prouve qu'un succès particulier, et purement de société. En un mot, la vie de La Fontaine, prise dans toutes ses circonstances, n'offre aucun de ces faits qui caractérisent une grande réputation, de ces faits tels qu'on en remarque dans la vie de Corneille, de Molière, de Racine, de Boileau, de Voltaire, etc. Le peuple même, que son intérêt rend meilleur juge de la bonté que de l'esprit, et dans la langue duquel les termes simplicité et bêtise sont synonymes, ne voyait en lui qu'un homme d'une intelligence très-bornée. C'est ce qu'on peut inférer, ce me semble, d'un mot qui, en peignant la bonhomie de La Fontaine, fait très-bien connaître l'opinion que la multitude avait de cet homme si digne d'être aimé. La garde qu'on lui donna pendant sa dernière maladie, frappée de la vivacité avec laquelle son confesseur l'exhortait à la pénitence, lui dit : « Hé! ne le tourmentez pas tant; il est plus bête » que méchant : Dieu n'aura jamais le courage

» de le damner ».

Cet homme, toujours sincère avec lui-même dans les époques si différentes de sa vie, et qui,

(1) Elles ne furent imprimées que long-temps après la mort de cette femme célèbre.

pour

pour me servir de l'expression de l'abbé d'Olivet, a mérité que sa mémoire fût à jamais sous la protection des honnêtes gens, mourut à Paris le 13 mars 1695, et fut enterré dans le cimetière de Saint Joseph, à l'endroit même où Moliere son ami avait été mis vingt-deux ans auparavant (1).

(1) Il composa lui-même son épitaphe dans ce style simple et naïf dont il a écrit ses meilleurs ouvrages. Quoique tout ce qui rappelle la perte d'un grand homme excite dans l'âme un sentiment pénible, on n'en éprouve aucun en lisant cette épitaphe, parce qu'elle offre en général l'idée d'un homme heureux qui, après avoir apprécié l'argent et le temps à peu près ce qu'ils valent, n'avait pas attendu, comme l'avare de la fable,

Pour jouir de CES BIENS une seconde vie.

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Voici cette épitaphe telle qu'elle se trouve dans un recueil de ses œuvres posthumes, imprimé l'an 1696, c'est-à-dire un an après sa mort :

Jean s'en alla comme il était venu,
Mangea le fonds avec le revenu,
Tint les trésors chose peu nécessaire.
Quant à son temps, bien sut le dispenser:
Deux parts en fit, dont il soulait passer
L'une à dormir, et l'autre à ne rien faire.

Je n'ignore pas que le second et le troisième vers sont fort différents dans la plupart des éditions modernes. Celle de Coste, publiée pour la première fois en 1742, porte :

T. 3.

d

JE

A MONSEIGNEUR

LE D DAUPHIN.

E chante les héros dont Esope est le père, Troupe de qui l'histoire, encor que mensongère, Contient des vérités qui servent de leçons.

,

Tout parle en mon ouvrage, et même les poissons.
Ce qu'ils disent s'adresse à tous tant que nous sommes.
Je me sers d'animaux pour instruire les hommes.
Illustre rejetton d'un prince aimé des cieux,
Sur qui le monde entier a maintenant les
Et qui, faisant fléchir les plus superbes têtes,
Comptera désormais ses jours par ses conquêtes;
Quelqu'autre te dira, d'une plus forte voix,
Les faits de tes aïeux, et les vertus des rois :
Je vais t'entretenir de moindres aventures,
Te tracer en ces vers de légères peintures;
Et si de t'agréer je n'emporte le prix,

J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris.

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