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Qu'elles n'osaient sortir, qu'il avait beau chercher,
Le galant fait le mort, et du haut d'un plancher
Se pend la tête en bas : la bête scélérate
A de certains cordons se tenait par la patte.
Le peuple des souris croit que c'est châtiment,
Qu'il a fait un larcin de rôt ou de fromage,
Egratigné quelqu'un, causé quelque dommage,
Enfin, qu'on a pendu le mauvais garnement.
Toutes, dis-je, unanimement

Se promettent de rire à son enterrement,
Mettent le nez à l'air, montrent un peu la tête,
Puis rentrent dans leur nids à rats;
Puis, ressortant, font quatre pas,
Puis enfin se mettent en quête.

Mais voici bien une autre fête.
Le pendu ressuscite; et, sur ses pieds tombant,
Attrappe les plus paresseuses.

Nous en savons plus d'un, dit-il, en les gobant:
C'est tour de vieille guerre, et vos cavernes creuses
Ne vous sauveront pas, je vous en avertis :
Vous viendrez toutes au logis.

Il prophétisait vrai: notre maître Mitis,
Pour la seconde fois les trompe et les affine,
Blanchit sa robe et s'enfarine,

Et, de la sorte déguisé,

Se ne blottit dans une huche ouverte. fut à lui bien avisé.

tte-menu s'en vient chercher sa perte.

F

Un rat, sans plus, s'abstient d'aller flairer autour:
C'était un vieux routier, il savait plus d'un tour:
Même il avait perdu sa queue à la bataille.
Ce bloc enfariné ne me dit rien qui vaille,
S'écria-t-il, de loin, au général des chats:
Je soupçonne dessous encor quelque machine.
Rien ne te sert d'être farine;

Car, quand tu serais sac, je n'approcherais pas.

C'était bien dit à lui : j'approuve sa prudence: Il était expérimenté,

Et savait que la méfiance ·

Est mère de la sûreté.

*

LIVRE QUATRIÈME.

FABLE PREMIÈRE.

A

Le Lion amoureux.

MADEMOISELLE DE SÉVIGNÉ.

SÉVIGNÉ, de qui les attraits
Servent aux Grâces de modèle,
Et qui naquîtes toute belle,
A votre indifférence près :
Pourriez-vous être favorable
Aux jeux innocens d'une fable,
Et voir, sans vous épouvanter,
Un lion qu'Amour sut dompter?
Amour est un étrange maître.
Heureux qui peut ne le connaître
Que par récit, lui ni ses coups!
Quand on en parle devant vous,
Si la vérité vous offense,

La fable au moins se peut souffrir:
Celle-ci prend bien l'assurance
De venir à vos pieds s'offrir,
Par zèle et par reconnaissance.

Du temps que les bêtes parlaient,
T. 3.

Fij *

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Les lions entre autres voulaient
Etre admis dans notre alliance.
Pourquoi non? Puisque leur engeance
Valait la nôtre en ce temps-là,
Ayant courage, intelligence,
Et belle hure outre cela.
Voici comment il en alla.
Un lion de haut parentage,
En passant par un certain pré,
Rencontra bergère à son gré;
Il la demande en mariage.
Le père aurait fort souhaité
Quelque gendre un peu moins terrible.
La donner lui semblait bien dur;
La refuser n'était pas sûr :
Même un refus eût fait possible
Qu'on eût vu quelque beau matin
Un mariage clandestin;

Car, outre qu'en toute manière
La belle était pour les gens fiers,
Fille se coëffe volontiers
D'amoureux à longue crinière.
Le père donc ouvertement
N'osant renvoyer son amant,
Lui dit: Ma fille est délicate;
Vos griffes la pourront blesser
Quand vous voudrez la caresser.
Permettez donc qu'à chaque patte

On vous les rogne; et pour les dents,
Qu'on vous les lime en même temps:
Vos baisers en seront moins rudes,
Et pour vous plus délicieux;
Car ma fille y répondra mieux,
Etant sans ces inquiétudes.
Le lion consent à cela,
Tant son ame était aveuglée.
Sans dents ni griffes le voilà
Comme place démantelée.
On lâcha sur lui quelques chiens;
Il fit fort peu de résistance.

Amour! Amour! quand tu nous tiens,
On peut bien dire : Adieu prudence.

FABLE I I.

Le Berger et la Mer.

DU rapport d'un troupeau, dont il vivait sans soins,
Se contenta long-temps un voisin d'Amphitrite.
Si sa fortune était petite,

Elle était sûre au moins.

A la fin, les trésors déposés sur la plage
Le tentèrent si bien, qu'il vendit son troupeau,
Trafiqua de l'argent, le mit entier sur l'eau.

Cet argent périt par naufrage.

Son maître fut réduit à garder les brebis,

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