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Flatter ceux du logis, à son maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire

Sera force reliefs de toutes les façons,
Os de poulets, os de pigeons,

Sans parler de mainte caresse.

Le loup déja se forge une félicité

Qui le fait pleurer de tendresse.

Chemin faisant, il vit le cou du chien pelé :
Qu'est-cela? lui dit-il. Rien. Quoi!rien! Peu de chose.
Mais encor? Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
Attaché ! dit le loup : vous ne courez.donc pas
Où vous voulez? Pas toujours: mais qu'importe?
Il importe si bien, que de tous vos repas

Je ne veux en aucune sorte,

Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor.
Cela dit, maître loup s'enfuit, et court encor.

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La Génisse, la Chèvre et la Brebis, en société avec le Lion.

LA génisse, la chèvre et leur sœur la brebis,
Avec un fier lion, seigneur du voisinage,
Firent société, dit-on, au temps jadis,

Et mirent en commun le gain et le dommage.
Dans les lacs de la chèvre un cerf se trouva pris.

Vers ses associés aussitôt elle envoie.

Eux venus, le lion par ses ongles compta,
Et dit : nous sommes quatre à partager la proie.
Puis en autant de parts le cerf il dépeça;
Prit pour lui la première en qualité de sire:
Elle doit être à moi, dit-il; et la raison,
C'est que je m'appelle lion:

A cela l'on n'a rien à dire.

La seconde, par droit, me doit échoir encor:
Ce droit, vous le savez, c'est le droit du plus fort.
Comme le plus vaillant, je prétends la troisième.
Si quelqu'une de vous touche à la quatrième,
Je l'étranglerai tout d'abord,

FABLE VII.

La Besace.

JUPITER dit un jour : que tout ce qui respire S'envienne comparaître aux pieds de ma grandeur: Si dans son composé quelqu'un trouve à redire, Il peut le déclarer sans peur;

Je mettrai remède à la chose.

Venez, singe; parlez le premier, et pour cause: Voyez ces animaux : faites comparaison

De leurs beautés avec les vôtres.

Etes-vous satisfait? Moi! dit-il, pourquoi non? N'ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres? Mon portrait jusqu'ici ne m'a rien reproché:

Mais pour mon frère l'ours, on ne l'a qu'ébauché;
Jamais, s'il me veut croire, il ne se fera peindre.
L'ours venant là-dessus, on crut qu'il s'allait plaindre.
Tant s'en faut : de sa forme il se loua très-fort,
Glosa sur l'éléphant, dit qu'on pourrait encor
Ajouter à sa queue, ôter à ses oreilles;
Que c'était une masse informe et sans beauté.
L'éléphant étant écouté,

Tout sage qu'il était, dit des choses pareilles:
Il jugea qu'à son appétit

Dame baleine était trop grosse.

Dame fourmi trouva le ciron trop petit,
Se croyant, pour elle, un colosse.

Jupin les renvoya s'étant censurés tous;

Du reste, contens d'eux. Mais parmi les plus fous
Notre espèce excella; car tout ce que nous sommes,
Lynx envers nos pareils, et taupes envers nous,
Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes.
On se voit d'un autre œil qu'on ne voit son prochain.
Le fabricateur souverain

Nous créa bésaciers tous de même manière,
Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui.
Il fit pour nos défauts la poche de derrière,
Et celle de devant pour les défauts d'autrui.

FABLE VIII.

L'Hirondelle et les petits Oiseaux.

UNE hirondelle en ses voyages Avait beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu Peut avoir beaucoup retenu. Celle-ci prévoyait jusqu'aux moindres orages, Et devant qu'ils fussent éclos, Les annonçait aux matelots.

Il arriva qu'au temps que le chanvre se sème,
Elle vit un manant en couvrir maints sillons.

Ceci ne me plaît pas, dit-elle aux oisillons:
Je vous plains; car, pour moi, dans ce péril extrême,
Je saurai m'éloigner, ou vivre en quelque coin.
Voyez-vous cette main qui par les airs chemine?
Un jour viendra, qui n'est pas
loin,
Que ce qu'elle répand sera votre ruine.
De là naîtront engins à vous envelopper,

Et lacets pour vous attraper;
Enfin mainte et mainte machine
Qui causera dans la saison

Votre mort ou votre prison:
Gare la cage ou le chaudron!
C'est pourquoi, leur dit l'hirondelle,
Mangez ce grain; et croyez-moi.
Les oiseaux se moquèrent d'elle:

Ils trouvaient aux champs trop de quoi.
Quand la chenevière fut verte,

L'hirondelle leur dit : Arrachez brin à brin

Ce qu'a produit ce maudit grain; Ou soyez sûrs de votre perte. Prophète de malheur ! babillarde, dit-on, Le bel emploi que tu nous donnes! Il nous faudrait mille personnes Pour éplucher tout ce canton.

La chanvre étant tout-à-fait crûe L'hirondelle ajouta : Ceci ne va pas bien; Mauvaise graine est tôt venue.

Mais, puisque jusqu'ici l'on ne m'a crue en rien, Dès que vous verrez que

la terre

Sera couverte, et qu'à leurs blés
Les gens n'étant plus occupés
Feront aux oisillons la guerre,
Quand reginglettes et réseaux
Attraperont petits oiseaux,

Ne volez plus de place en place;
Demeurez au logis, ou changez de climat:
Imitez le canard, la grue et la bécasse.
Mais vous n'êtes pas en état

De passer, comme nous, les déserts et les ondes, Ni d'aller chercher d'autres mondes:

C'est pourquoi vous n'avez qu'un parti qui soit sûr; C'est de vous renfermer aux trous de quelque mur. Les oisillons, las de l'entendre,

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