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Nous pouvons conclure de là

Qu'il faut faire aux méchans guerre continuelle.
La paix est fort bonne de soi;

J'en conviens: mais de quoi sert-elle
Avec des ennemis sans foi ?

FABLE X I V.

Le Lion devenu vieux.

LE lion, terreur des forêts, Chargé d'ans, et pleurant son antique prouesse, Fut enfin attaqué par ses propres sujets

Devenus forts par sa faiblesse.

Le cheval s'approchant lui donne un coup de pied,
Le loup un coup de dent, le bœufun coup de corne.
Le malheureux lion, languissant, triste et morne,
Peut à peine rugir, par l'âge estropié.

Il attend son destin sans faire aucunes plaintes ;
Quand voyant l'àne même à son antre accourir:
Ah! c'est trop, lui dit-il, je voulais bien mourir ;
Mais c'est mourir deux fois que souffrir tes atteintes.

FABLE XV.

Philomèle et Progné.
AUTREFOIS Progné l'hirondelle

De sa demeure s'écarta,

Et loin des villes s'emporta

Dans un bois où chantait la pauvre Philomèle.
Ma sœur, lui dit Progné, comment vous portez-vous?
Voici tantôt mille ans que l'on ne vous a vue:
Je ne me souviens point que vous soyez venue
Depuis le temps de Thrace habiter parmi nous.
Dites-moi, que pensez-vous faire?

Ne quitterez-vous point ce séjour solitaire?
Ah! reprit Philomèle, en est-il de plus doux?
Progné lui répartit: Eh quoi! cette musique,
Pour ne chanter qu'aux animaux,

Tout au plus à quelque rustique?
Le désert est-il fait pour des talens si beaux?
Venez faire aux cités éclater leurs merveilles:
Aussi-bien, en voyant les bois,

Sans cesse il vous souvient que Térée autrefois,
Parmi des demeures pareilles,

Exerça sa fureur sur vos divins appas.

Et c'est le souvenir d'un si cruel outrage
Qui fait, reprit sa sœur, que je ne vous suis
En voyant les hommes, hélas!

Il m'en souvient bien davantage.

pas:

JE ne suis

FABLE XV I.

La Femme noyée.

pas de ceux qui disent: ce n'est rien, C'est une femme qui se noie.

Je dis que c'est beaucoup, et ce sexe vaut bien
Que nous le regrettions, puisqu'il fait notre joie.

Ce que j'avance ici n'est pas hors de propos,
Puisqu'il s'agit, en cette fable,

D'une femme qui, dans les flots,
Avait fini ses jours par un sort déplorable.
Son époux en cherchait le corps,

Des

Pour lui rendre, en cette aventure,
Les honneurs de la sépulture.

Il arriva que sur les bords

Du fleuve, auteur de sa disgrace,

gens se promenaient, ignorant l'accident.
Ce mari donc leur demandant

S'ils n'avaient de sa femme apperçu nulle trace:
Nulle, reprit l'un d'eux; mais cherchez-la plus bas,
Suivez le fil de la rivière.

Un autre répartit : non, ne le suivez pas,
Rebroussez plutôt en arrière :

Quelle que

soit la pente et l'inclination
Dont l'eau par sa course l'emporte,

L'esprit de contradiction

L'aura fait flotter d'autre sorte.

Cet homme se raillait assez hors de saison.
Quant à l'humeur contredisante,
Je ne sais s'il avait raison:

Mais, que cette humeur soit ou non
Le défaut du sexe et sa pente;
Quiconque avec elle naîtra
Sans faute avec elle mourra,
Et jusqu'au bout contredira,
Et, s'il peut, encor par-delà.

FABLE XVII.

La Belette entrée dans un grenier.

DAMOISELL

AMOISELLE belette, au corps long et fluet, Entra dans un grenier par un trou fort étroit;

Elle sortait de maladie.

Là, vivant à discrétion,
La galante fit chère lie,

Mangea, rongea : Dieu sait la vie,

Et le lard qui périt en cette occasion.
La voilà, pour conclusion,

Grasse, maflue et rebondie...

Au bout de la semaine, ayant dîné son sou,
Elle entend quelque bruit, veut sortir par le trou;

Ne peut plus repasser, et croit s'être méprise.
Après avoir fait quelques tours,

C'est, dit-elle, l'endroit ; me voilà bien surprise:
J'ai passé par ici depuis cinq ou six jours.

Un rat, qui la voyait en peine,

Lui dit : vous aviez lors la panse un peu moins pleine
Vous êtes maigre entrée, il faut maigre sortir.
Ce que je vous dis là, l'on le dit à bien d'autres:
Mais ne confond ons point, par trop approfondir,
Leurs affaires avec les vôtres.

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Le Chat et le vieux Rat.

J'AI lu chez un conteur de fables,

ΑΙ

Qu'un second Rodilard, l'Alexandre des chats,
L'Attila, le fléau des rats,

Rendait ces derniers misérables:

J'ai lu, dis-je, en certain auteur,

Que ce chat exterminateur,

Vrai Cerbère, était craint une lieue à la ronde;
Il voulait de souris dépeupler tout le monde.
Les planches qu'on suspend sur un léger appui,
La mort aux rats, les souricières,

N'étaient que jeux au prix de lui.
Comme il voit que, dans leurs tanières,
Les souris étaient prisonnières,

Qu'elles

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