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Dans le troisième lot, les fermes, le ménage, Les troupeaux et le pâturage,

Valets et bêtes de labeur.

Ces lots faits, on jugea que le sort pourrait faire
Que peut-être pas une sœur

N'aurait ce qui lui pourrait plaire.
Ainsi chacune prit son inclination,
Le tout à l'estimation.

Ce fut dans la ville d'Athènes
Que cette rencontre arriva.
Petits et grands tout approuva

Le partage et le choix. Ésope seul trouva,
Qu'après bien du temps et des peines,
Les
gens avaient pris justement

Le contre-pied du testament.

Si le défunt vivait, disait-il, que l'Attique
Aurait de reproches de lui?

Comment! ce peuple, qui se pique

D'être le plus subtil des peuples d'aujourd'hui,
A si mal entendu la volonté suprême
D'un testateur ! Ayant ainsi parlé,
Il fait le partage lui-même,

Et donne à chaque sœur un lot contre son gré,
Rien qui pût être convenable,

Partant rien aux sœurs d'agréable :

A la coquette, l'attirail

Qui suit les personnes buveuses:
La-biberonne eut le bétail;

La ménagère eut les coëffures.
Tel fut l'avis du Phrygien;
Alléguant qu'il n'était moyen

Plus sûr, pour obliger ces filles
A se défaire de leur bien;

Qu'elles se marieraient dans les bonnes familles, Quand on leur verrait de l'argent:

Paieraient leur mère tout comptant;

Ne posséderaient plus les effets de leur père; disait le testament.

Ce que

Le peuple s'étonna comme il se pouvait faire
Qu'un homme seul eût plus de sens,
Qu'une multitude de gens.

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L'INVENTION des arts étant un droit d'aînesse,
Nous devons l'apologue à l'ancienne Grèce :
Mais ce champ ne se peut tellement moissonner,
Que les derniers venus n'y trouvent à glaner.
La feinte est un pays plein de terres désertes :
Tous les jours nos auteurs y font des découvertes.
Je t'en veux dire un trait assez bien inventé :
Autrefois à Racan Malherbe l'a conté.
Ces deux rivaux d'Horace, héritiers de sa lyre,
Disciples d'Apollon, nos maîtres, pour mieux dire,
Se rencontrant un jour tout seuls et sans témoins;
(Comme ils se confiaient leurs pensers et leurs soins)
Racan commence ainsi : Dites-moi, je vous prie,
Vous qui devez savoir les choses de la vie,
Qui par tous ses degrés avez déja passé,

Et

que rien ne doit fuir en cet âge avancé ;

A quoi me résoudrai-je ? Il est temps que j'y pense. Vous connaissez mon bien, mon talent, ma naissance. Dois-je dans la province établir mon séjour ?

Prendre emploi dans l'armée, ou bien charge à la cour?

Tout au monde est mêlé d'amertume et de charmes :
La guerre a ses douceurs, l'hymen a ses alarmes.
Si je suivais mon goût, je saurais où buter;
Mais j'ai les miens, la cour, le peuple à contenter.
Malherbe là-dessus : contenter tout le monde!
Écoutez ce récit avant que je réponde.

J'ai lu dans quelque endroit qu'un meûnier et son fils,
L'un vieillard, l'autre enfant, non pas des plus petits,
Mais garçon de quinze ans, si j'ai bonne mémoire,
Allaient vendre leur âne, un certain jour de foire.
Afin qu'il fût plus frais et de meilleur débit,
On lui lia les pieds, on vous le suspendit:
Puis cet homme et son fils le portent comme un lustre.
Pauvres gens! idiots! couple ignorant et rustre!
Le premier qui les vit de rire s'éclata:

Quelle farce, dit-il, vont jouer ces gens-là?
Le plus âne des trois n'est pas

celui qu'on pense.

Le meûnier, à ces mots, connaît son ignorance:
Il met sur pied sa bête, et la fait détaler.

L'âne, qui goûtait fort l'autre façon d'aller,
Se plaint en son patois. Le meûnier n'en a cure ;
Il fait monter son fils, il suit : et d'aventure
Passent trois bons marchands. Cet objet leur déplut.
Le plus vieux, au garçon, s'écria tant qu'il put:
Oh là! oh! descendez; que l'on ne vous le dise,
Jeune homme, qui menez laquais à barbe grise!
C'était à vous de suivre, au vieillard de monter.
Messieurs, dit le meûnier, il faut vous contenter.

L'enfant met pied à terre, et puis le vieillard monte. Quand trois filles passant, l'une dit : c'est grand'honte Qu'il faille voir ainsi clocher ce jeune fils,

croyez.

Tandis que ce nigaud, comme un évêque assis,
Fait le veau sur son âne, et pense être bien sage.
Il n'est, dit le meûnier, plus de veaux à mon âge:
Passez votre chemin, la fille, et m'en
Après maints quolibets, coup sur coup renvoyés,
L'homme crut avoir tort, et mit son fils en croupe.
Au bout de trente pas, une troisième troupe
Trouve encore à gloser. L'un dit: ces gens sont foux,
Le baudet n'en peut plus ; il mourra sous leurs coups.
Hé quoi! charger ainsi cette pauvre bourique!
N'ont-ils point de pitié de leur vieux domestique?
Sans doute qu'à la foire ils vont vendre sa peau.
Parbleu ! dit le meûnier, est bien fou du cerveau
Qui prétend contenter tout le monde et son père.
Essayons toutefois, si par quelque manière
Nous en viendrons à bout. Ils descendent tous deux :
L'âne, se prélassant, marche seul devant eux.
Un quidam les rencontre, et dit : est-ce la mode
Que baudet aille à l'aise, et meûnier s'incommode?
Qui de l'âne ou du maître est fait pour se lasser?
Je conseille à ces gens de le faire enchâsser.
Ils usent leurs souliers, et conservent leur âne!
Nicolas, au rebours; car, quand il va voir Jeanne,
Il monte sur sa bête ; et la chanson le dit.
Beau trio de baudets! le meûnier répartit:

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