L'Oiseau blessé d'une flèche.
MORTELLEMENT ORTELLEMENT atteint d'une flèche empennée,
Un oiseau déplorait sa triste destinée;
Et disait, en souffrant un surcroît de douleur: Faut-il contribuer à son propre malheur !
Cruels humains! vous tirez de nos ailes De quoi faire voler ces machines mortelles! Mais ne vous moquez point, engeance sans pitié, Souvent il vous arrive un sort comme le nôtre. Des enfans de Japet toujours une moitié Fournira des armes à l'autre.
La Lice et sa compagne.
UNE lice étant sur son terme,
Et ne sachant où mettre un fardeau si pressant, Fait si bien qu'à la fin sa compagne consent De lui prêter sa hutte, où la lice s'enferme. Au bout de quelque temps sa compagne revient. La lice lui demande encore une quinzaine : Ses petits ne marchaient, disait-elle, qu'à peine. Pour faire court, elle l'obtient.
Ce second terme échu, l'autre lui redemande Sa maison, sa chambre, son lit.
La lice cette fois montre les dents, et dit : Je suis prête à sortir avec toute ma bande, Si vous pouvez nous mettre hors.
Ses enfans étaient déja forts.
Ce qu'on donne aux méchans, toujours on le regrette. Pour tirer d'eux ce qu'on leur prête,
Il faut que l'on en vienne aux coups; Il faut plaider, il faut combattre. Laissez-leur prendre un pied chez vous, Ils en auront bientôt pris quatre.
L'Aigle et l'Escarbot.
L'AIGLE donnait la chasse à maître Jean lapin, Qui droit à son terrier s'enfuyait au plus vîte. Le trou de l'escarbot se rencontre en chemin : Je laisse à penser si ce gîte
Etait sûr mais où mieux? Jean lapin s'y blottit. L'aigle fondant sur lui nonobstant cet asyle,
L'esearbot intercède, et dit: Princesse des oiseaux, il vous est fort facile D'enlever malgré moi ce pauvre malheureux: Mais ne me faites pas cet affront, je vous prie; Et puisque Jean lapin vous demande la vie, Donnez-la-lui de grace, ou l'ôtez à tous deux: C'est mon voisin, c'est mon compère.
L'oiseau de Jupiter, sans répondre un seul mot, Choque de l'aile l'escarbot,
L'étourdit, l'oblige à se taire,
Enlève Jean lapin. L'escarbot indigné
Vole au nid de l'oiseau, fracasse en son absence Ses œufs, ses tendres œufs, sa plus douce espérance: Pas un seul ne fut épargné.
L'aigle étant de retour, et voyant ce ménage, Remplit le ciel de cris; et, pour comble de rage, Ne sait sur qui venger le tort qu'elle a souffert. Elle gémit en vain; sa plainte au vent se perd. Il fallut pour cet an vivre en mère affligée. L'an suivant, elle mit son lit en lieu plus haut. L'escarbot prend son temps, fait faire aux œufs le saut; La mort de Jean lapin de rechef est vengée. Ce second deuil fut tel que l'écho de ces bois
N'en dormit de plus de six mois.
L'oiseau qui porte Ganymède
des dieux enfin implore l'aide, Dépose en son giron ses œufs, et croit qu'en paix Ils seront dans ce lieu; que pour ses intérêts Jupiter se verra contraint de les défendre; Hardi qui les irait là prendre.
Aussi ne les y prit-on pas.
Leur ennemi changea de note,
Sur la robe du dieu fit tomber une crotte: Le dieu la secouant, jetta les œufs à bas.
Quand l'aigle sut l'inadvertance,
D'abandonner sa cour, d'aller vivre au désert, De quitter toute dépendance;
Avec mainte autre extravagance. Le pauvre Jupiter se tut.
Devant son tribunal l'escarbot comparut,
Fit sa plainte, et conta l'affaire.
On fit entendre à l'aigle, enfin qu'elle avait tort: Mais les deux ennemis ne voulant point d'accord,
Le monarque des dieux s'avisa, pour bien faire, De transporter le temps où l'aigle fait l'amour, En une autre saison, quand la race escarbote Est en quartier d'hiver, et, comme la marmotte, Se cache et ne voit point le jour.
Le Lion et le Moucheron.
VA-T'EN, chétif insecte, excrément de la terre:
C'est en ces mots que le lion Parlait un jour au moucheron. L'autre lui déclara la guerre:
Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de roi
Que lui-même il sonna la charge, Fut le trompette et le héros. Dans l'abord il se met au large,
Puis prend son temps, fond sur le cou Du lion qu'il rend presque fou.
Le quadrupède écume, et son œil étincelle : Il rugit. On se cache, on tremble à l'environ; Et cette alarme universelle
Est l'ouvrage d'un moucheron.
Un avorton de mouche en cent lieux le harcelle; Tantôt pique l'échine et tantôt le museau. Tantôt entre au fond du naseau.
La rage alors se trouve à son faîte montée. L'invisible ennemi triomphe, et rit de voir Qu'il n'est griffe ni dent en la bête irritée, Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir. Le malheureux lion se déchire lui-même, Fait résonner sa queue à l'entour de ses flancs, Bat l'air, qui n'en peut mais; et sa fureur extrême Le fatigue, l'abat : le voilà sur les dents. L'insecte du combat se retire avec gloire : Comme il sonna la charge, il sonne la victoire, Va par-tout l'annoncer, et rencontre en chemin L'embuscade d'une araignée:
Il y rencontre aussi sa fin.
Quelle chose par là peut nous être enseignée ? J'en vois deux: dont l'une est qu'entre nos ennemis Les plus à craindre sont souvent les plus petits;
« PreviousContinue » |