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Chez son voisin le libraire.

Je crois, dit il, qu'il est bon;
Mais le moindre ducaton
Serait bien mieux mon affaire.

FABLE X X I.

Les Frélons et les Mouches à miel.

A L'OUVRE

L'ŒUVRE on connaît l'artisan.

Quelques rayons de miel sans maître se trouvèrent: Des frêlons les réclamèrent.

Des abeilles s'opposant,

Devant certaine guêpe on traduisit la cause.
Il était mal-aisé de décider la chose:

Les témoins déposaient qu'autour de ces rayons
Des animaux aîlés, bourdonnant, un peu longs,
De couleur fort tannée, et tels que les abeilles,
Avaient long-temps paru. Mais quoi! dans les frêlons
Ces enseignes étaient pareilles.

La guêpe, ne sachant que dire à ces raisons,
Fit enquête nouvelle; et, pour plus de lumière,
Entendit une fourmillière.

Le point n'en put être éclairci.

De grace, à quoi bon tout ceci?

Dit une abeille fort prudente.

Depuis tantôt six mois que la cause est pendante, Nous voici comme aux premiers jours.

Il est

Pendant cela le miel se gâte.

temps désormais que le juge se hâte :
N'a-t-il point assez léché l'ours?

Sans tant de contredits et d'interlocutoires,
Et de fatras, et de grimoires,
Travaillons, les frêlons et nous:

On verra qui sait faire, avec un suc si doux,
Des cellules si bien bâties.

Le refus des frêlons fit voir

Que cet art passait leur savoir;

Et la guêpe adjugea le miel à leurs parties.
Plût à dieu qu'on réglât ainsi tous les procès!
Que des Turcs en cela l'on suivit la méthode!
Lesimplesens commun nous tiendrait lieu de code..
Il ne faudrait point tant de frais.

Au lieu qu'on nous mange, on nous gruge,
On nous mine par des longueurs :

On fait tant, à la fin, que l'huître est pour le juge,

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Le Chêne et le Roseau.

LE chêne un jour dit au roseau:
Vous avez bien sujet d'accuser la nature;
Un roitelet pour vous est un pesant fardeau;
Le moindre vent qui d'aventure

Fait rider la face de l'eau

Vous oblige à baisser la tête;

Cependant que mon front au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête.

Tout vous est aquilon; tout me semble zéphir.
Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n'auriez pas tant à souffrir;
Je vous défendrais de l'orage:

Mais vous naissez le plus souvent

Sur les humides bords des royaumes du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste.
Votre compassion, lui répondit l'arbuste,
Part d'un bon naturel : mais quittez ce souci;

Les vents me sont moins qu'à vous redoutables: Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici Contre leurs coups épouvantables

Résisté sans courber le dos:

Mais attendons la fin. Comme il disait ces mots, Du bout de l'horison accourt avec furie

Le plus terrible des enfans

Que le nord eût portés jusques-là dans ses flancs.
L'arbre tient bon; le roseau plie.

Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine

Celui de qui la tête au ciel était voisine,
Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts.

FABLE PREMIÈRE.

Contre ceux qui ont le goût difficile.
QUAN D j'aurais en naissant reçu de Calliope

Les dons qu'à ses amans cette muse a promis,
Je les consacrerais aux mensonges d'Esope:
Le mensonge et les vers de tout temps sont amis.
Mais je ne me crois pas si chéri du Parnasse
Que de savoir orner toutes ces fictions.
On peut donner du lustre à leurs inventions:
On le peut, je l'essaie; un plus savant le fasse.
Cependant jusqu'ici d'un langage nouveau
J'ai fait parler le loup et répondre l'agneau :
J'ai passé plus avant; les arbres et les plantes
Sont devenus chez moi créatures parlantes.
pour un enchantement?
Vraiment, me diront nos critiques,
Vous parlez magnifiquement

Qui ne prendrait ceci

De cinq ou six contes d'enfant.

Censeurs, en voulez-vous qui soient plus authentiques
Et d'un style plus haut? En voici. Les Troyens,
Après dix ans de guerre autour de leurs murailles,
Avaient lassé les Grecs, qui, par mille moyens,
Par mille assauts, par cent batailles,
N'avaient pu mettre à bout cette fière cité:

Quand un cheval de bois, par Minerve inventé,
D'un rare et nouvel artifice,

Dans ses énormes flancs reçut le sage Ulysse,
Le vaillant Diomède, Ajax l'impétueux,
Que ce colosse monstrueux

Avec leurs escadrons devait porter dans Troie,
Livrant à leur fureur ses dieux mêmes en proie:
Stratagème inoui, qui des fabricateurs

Paya la constance et la peine....

C'est assez, me dira quelqu'un de nos auteurs:
La période est longue, il faut reprendre haleine.
Et puis votre cheval de bois,
Vos héros avec leurs phalanges,
Ce sont des contes plus étranges

Qu'un renard qui cajole un corbeau sur sa voix;
De plus il vous sied mal d'écrire en si haut style.
Eh bien ! baissons d'un ton. La jalouse Amarylle
Songeait à son Alcippe, et croyait de ses soins
N'avoir que ses moutons et son chien pour témoins.
Tircis, qui l'aperçut, se glisse entre des saules:
Il entend la bergère adressant ces paroles
Au doux zéphyr, et le priant
De les porter à son amant....
Je vous arrête à cette rime,
Dira mon censeur à l'instant;
Je ne la tiens
pas légitime,

Ni d'une assez grande vertu.

Remettez

pour le mieux ces deux vers à la fonte.

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