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V. 15.

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. Il fallut le résoudre.... se défaire. Ce mot de résoudre se prenait autrefois dans le sens que lui donne La Fontaine. V. 28. .. Otons-nous, car il sent. Peut-on peindre mieux l'effet de la prévention? Cela me rappelle une farce dans laquelle arlequin est représenté, couchant dans la rue. Il se plaint du froid. Scapin fait avec sa bouche le bruit d'un rideau qu'on tire le long de sa tringle. Il demande à arlequin comment il se trouve à présent. Oh, dit celui-ci, il n'y a pas de comparaison.

V. 37.

Il m'a dit qu'il ne faut jamais

Vendre la peau de l'ours qu'on ne l'ait mis par terre.

La morale dans la bouche de celui qui vient d'être châtié fait ici un effet d'autant meilleur que le trait est saillant et l'épigramme excellente.

FABLE XXI, page 142.

Cette petite fable, ainsi que plusieurs de ce cinquième livre, est du ton le plus simple : les deux meilleures sans contredit sont celles de l'ours et celle de la vieille et les deux servantes. Nous serons plus heureux dans le livre suivant.

LIVRE SIXIÈME.

FABLE I, page 144.

Vers 1. Les fables ne sont pas, etc... Voici encore un Prologue, mais moins piquant et moins agréable que celui du livre précédent, cependant on y reconnaît toujours La Fontaine, ne fut-ce qu'à ce joli vers: V. 6. Et conter pour conter me semble peu d'affaires.

Ce vers devrait être la devise de tous ceux qui font des fables et même des contes.

V. 18. L'un amène un chasseur. . . . . Cette fable et la suivante semblent être la même et n'offrir qu'une seule moralité. Il y a cependant des différences à observer. Dans la première c'est un paysan qu'on ne peut accuser que d'imprudence, quand il suppose que sa brebis n'a pu être mangée que par un loup. Il se croit assez fort pour combattre cet animal, et trouve à décompter quand il voit qu'il a affaire à un lion. Il n'en est pas de même de la fable suivante. Celui qui en est le héros sait très-bien qu'il va combattre un

lion, et cependant il est saisi de frayeur quand il voit le lion paraitre. C'est un fanfaron qui l'est, pour ainsi dire, de bonne foi, et en se trompant lui-même.

Il convenait, ce me semble, que La Fontaine exprimât cette différence et donnât deux moralités diverses. Le paysan n'est nullement ridicule et le chasseur l'est beaucoup. Je crois que la morale du premier Apologue aurait pu être, connaissez bien la nature du péril dans lequel vous allez vous engager. Et la morale du second: Connaissez-vous vous-même, ne soyez pas votre dupe, et ne vous en rapportez pas au faux instinct d'un courage qui n'est qu'un premier mouvement. Au surplus, l'exécution de ces deux fables est agréable sans avoir rien de bien saillant.

FABLE III, page 146.

Voici une des meilleures fables. V. 1. Borée et le Soleil. L'auteur y est poëte et grand poëte, c'est-à-dire grand peintre, comme sans dessein et en suivant le mouvement de son sujet. Les descriptions agréables et brillantes y sont nécessaires au récit du fait. Observons sur-tout ce vers imitatif. . . sifle, souffle, tempête, etc. N'oublions pas sur-tout ce trait qui donne tant

Fait périr maint bateau;

Le tout au sujet d'un manteau.

penser.

Enfin la moralité de la fable exprimée en un seul vers
Plus fait douceur que violence.

Je n'y vois à critiquer que les deux mauvaises rimes de paroles et d'épaules.

FABLE IV, page 148.

V. 9. Pourvu que Jupiter, etc... L'idée de rendre sensible par une fable, que la providence sait ce qu'il nous faut mieux que nous " est très-morale et très-philosophique; mais je ne sais si le fait par lequel La Fontaine veut la prouver est vraisemblable. Il paraît certain que le laboureur qui disposerait des saisons, aurait un grand avantage sur ceux qui sont obligés de les prendre comme elles viennent, et qu'il consentirait volontiers à laisser doubler ses baux à cette condition. A cela près la fable est très-bonne, quoiqu'un goût sévère critiquât peut-être comme trop familiers et voisins du bas ces deux vers.

V. 13. Enfin du sec et du mouillé,
Aussi-tôt qu'il aurait baillé.

V. 14. Tranche du roi des airs, pleut, vente, etc. Ces mots pleut, vente, pour dire, fait pleuvoir, fait venter, ne sont pas français en

ce sens.

Ce sont de ces verbes que les grammairiens appellent impersonnels, parce que personne n'agit par eux; mais La Fontaine a si bien préparé ces deux expressions, par ce mot tranche du roi des airs, ces mots, pleut, vente, semblent en cette occasion si naturels et si nécessaires qu'il y aurait de la pédanterie à les critiquer. L'auteur brave la langue française et a l'air de l'enrichir. Ce sont de ces fautes qui ne réussissent qu'aux grands maitres.

FABLE V, page 149.

V. 1. Un souriceau tout jeune, etc.... Voici encore une de ces fables qui peuvent passer pour un chef-d'œuvre. La narration et la morale se trouvent dans le dialogue des personnages, et l'auteur s'y montre à peine, si ce n'est dans cinq ou six vers qui sont de la plus grande simplicité. Le discours du souriceau, la peinture qu'il fait du jeune coq, cette petite vanité,

V. 20. Que moi, qui, grâce aux dieux, de courage me pique,

Ce beau raisonnement, cette logique de l'enfance, il simpatise

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Tout cela est excellent, et le discours de la mère est parfait : pas un mot de trop dans toute la fable, et pas une seule négligence. FABLE VI, page 151.

V. 1. Les animaux au décès d'un lion,

Cette fable écrite purement, et où le fait est bien raconté, a, ce me semble, le défaut de n'avoir qu'un but vague, incertain, et qu'on a de la peine à saisir.

V. dernier. A peu de gens convient le diademe,

dit La Foutaine, mais il y avait bien d'autres choses renfermées dans cet Apologue. La sotise des animaux qui décernent la couronne aux talens d'un bâteleur, devait être punie par quelque catastrophe, et il ne leur en arrive aucun mal. Les animaux restent sans roi. L'assemblée se sépare donc sans rien faire. Le lecteur ne sait où il en est, ainsi que les animaux que l'auteur introduit dans cette fable. FABLE VII, page 152.

Vers 1. Le mulet d'un prélat. ... Fable très-bonne dans le genre le plus simple et presque sans ornemens.

FABLE VIII, page 153.

V. 15. Notre ennemi c'est notre maître :

On ne cesse de s'étonner de trouver un pareil vers dans La Fontaine, lui qui dit ailleurs,

On ne peut trop louer trois sortes de personnes,

Les dieux, sa maitresse et son roi.

Lui qui a dit dans une autre fable:

Je devais par la royauté,

Avoir commencé mon ouvrage.

On ne lui passerait pas maintenant un vers tel que celui-là, et on ne voit pas pourtant qu'on le lui ait reproché sous Louis XIV. Les écrivains de nos jours, qu'on a le plus accusé d'audace, n'ont pas poussé la hardiesse aussi loin. On pourrait observer à La Fontaine que notre maître n'est pas toujours notre ennemi, qu'il ne l'est pas lorsqu'il veut nous faire du bien et qu'il nous en fait; que Titus, Trajan furent les amis des Romains et non pas leurs ennemis; que l'ennemi de la France était Louis XI, et non pas Henri IV.

FABLE IX, page 154.

V. 21. Nous faisons cas du beau, nous méprisons l'utile.

C'est là un des Apologues de La Fontaine dont la moralité a le plus d'applications, et qu'il faut le plus souvent répéter à notre vanité, qui est, comme il dit ailleurs,

Le pivot sur qui tourne aujourd'hui notre vie.

FABLE X, page 155.

V. 7. Avec quatre grains d'ellébore.

C'était l'herbe avec laquelle on traitait la folie. Cette plante a perdu chez nous cette propriété.

V. 25. Croit qu'il y va de son honneur

De partir tard.

V. 31. Furent vains.

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Toujours la vanité.

La coupe de ce vers et ce monosyllabe au troisième pied, expriment à merveille l'inutilité de l'effort que fait le lièvre.

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Trait admirable, la tortue, non contente d'être victorieuse, brave

encore le vaincu. C'est dans la joie qui suit un avantage remporté, que l'amour-propre s'épanche plus librement. La nature est ainsi faite chez les tortues et chez les hommes. Louez une jolie pièce de vers, il est bien rare que l'auteur n'ajoute, je n'ai mis qu'une heure, un jour, plus ou moins, et s'il s'abstient de dire cette sotise, c'est qu'il y réfléchit, c'est qu'il remporte une victoire sur lui-même, c'est qu'il craint le ridicule.

V. 20.

FABLE XI, page 156.

Quoi donc ! dit le Sort en colère,

Il faut convenir que l'âne n'a pas tout-à-fait tort de se plaindre. Le Destin, dans cette fable-ci, a presque autant d'humeur que Jupiter dans la fable des grenouilles, du soliveau et de l'hydre. Mais j'ai déja observé que la morale de la résignation, est toujours excellente à prêcher les hommes, bien entendu que le mal est sans remède. FABLE XII, page 158.

V. dernier.

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Pour un pauvre animal,

Grenouilles, à mon sens, ne raisonnaient pas mal.

Voici une de ces vérités épineuses qui ne veulent être dites qu'avec finesse et avec mesure. La Fontaine y en met beaucoup, et ce dernier vers, malgré son apparente simplicité, laisse entrevoir tout ce qu'il ne dit pas. Cela vaut mieux que, notre ennemi, c'est notre

maitre.

Et à la fin,

FABLE XIII, page 159.

V. 2. Charitable autant que peu sage

Il est bon d'être charitable;

Mais envers qui? c'est-là le point.

Voilà ce qu'il fallait peut-être développer. Il fallait faire voir que la bienfaisance qui peut tourner contre nous-mêmes, ou contre la société, est souvent un mal plutôt qu'un bien; que pour être louable, elle a besoin d'être éclairée. C'était là la matière d'un bon Prologue. La Fontaine en a fait de charmans sur des sujets moins heureux. Au reste, il n'y a rien à dire à l'exécution de cet Apologue. Le tableau du serpent qui se redresse, le vers

23. Il fait trois serpens de deux coups,

mettent la chose sous les yeux. On pourrait peut-être critiquer,

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