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Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue:
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau!

Elle alla crier famine

Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
Je vous paîrai, lui dit-elle,
Avant l'oût, foi d'animal,
Intérêt et principal.

T. 3.

A

La fourmi n'est pas prêteuse :
C'est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud?
Dit-elle à cette emprunteuse.
Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
Vous chantiez ! j'en suis fort aise.
Hé bien! dansez maintenant.

MAITRE

FABLE I I.

Le Corbeau et le Renard.

AITRE corbeau sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.

Maître renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à-peu-près ce langage:

Hé ! bon jour, monsieur du corbeau! Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau! Sans mentir, si votre ramage

Se rapporte à votre plumage,

Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois.

A ces mots le corbeau ne se sent pas

Et pour montrer sa belle voix,

de joie:

Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le renard s'en saisit, et dit : Mon bon monsieur, Apprenez que tout flatteur

Vit au dépens de celui qui l'écoute:

Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.

Le corbeau, honteux et confus,

Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.

FABLE III.

La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que

UNE

le Bœuf.

NE grenouille vit un bœuf

Qui lui sembla de belle taille.

Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille,
Pour égaler l'animal en grosseur;
Disant Regardez bien, ma sœur,

Est-ce assez? Dites-moi, n'y suis-je point encore?
Nenni. M'y voici donc? Point du tout. M'y voilà?
Vous n'en approchez point. La chétive Pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.

Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs;
Tout petit prince a des ambassadeurs;
Tout marquis veut avoir des pages.

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EUX mulets cheminaient, l'un d'aveine chargé, L'autre portant l'argent de la gabelle. Celui-ci, glorieux d'une charge si belle, N'eût voulu pour beaucoup en être soulagé. Il marchait d'un pas relevé,

Et faisait sonner sa sonnette : Quand, l'ennemi se présentant, Comme il en voulait à l'argent, Sur le mulet du fisc une troupe se jette, Le saisit au frein, et l'arrête.

Le mulet, en se défendant,

Se sent percer de coups il gémit, il soupire.
Est-ce donc là, dit-il, ce qu'on m'avait promis?
Ce mulet qui me suit, du danger se retire;
Et moi, j'y tombe, et j'y péris!

Ami, lui dit son camarade,

Il n'est pas toujours bon d'avoir un haut emploi : Si tu n'avais servi qu'un meûnier, comme moi, Tu ne serais pas si malade.

FABLE V.

Le Loup et le Chien.

UN loup n'avait que les os et la

peau,

Tant les chiens faisaient bonne garde:

Celoup rencontre un dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,

Sire loup l'eût fait volontiers:
Mais il fallait livrer bataille;

Et le mâtin était de taille
A se défendre hardiment.

Le loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint qu'il admire.
Il ne tiendra qu'à vous, beau sire,
D'être aussi gras que moi, lui répartit le chien.
Quittez les bois, vous ferez bien:
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, hères, et pauvres diables

Dont la condition est de mourir de faim.

Car, quoi! rien d'assuré! point de franche lippée! Tout à la pointe de l'épée !

Suivez-moi, vous aurez un bien meilleur destin. Le loup reprit : que me faudra-t-il faire? Presque rien, dit le chien: donner la chasse aux gens Portant bâtons, et mendiants;

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