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Pas un ne marque de retour.
Cela nous met en méfiance.

Que sa majesté nous dispense :
Grand merci de son passe-port.
Je le crois bon: mais dans cet antre
Je vois fort bien comme l'on entre,

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LES

Es injustices des pervers,

Servent souvent d'excuse aux nôtres.

Telle est la loi de l'univers :

SI TU VEUX QU'ON T'ÉPARGNE, ÉPARGNE AUSSI LES autres.

Un manant au miroir prenait des oisillons.
Le fantôme brillant attire une alouette:
Aussi-tôt un autour planant sur les sillons,
Descend des airs, fond et se jette

Sur celle qui chantait, quoique près du tombeau.
Elle avait évité la perfide-machine,

Lorsque se rencontrant sous la main de l'oiseau,
Elle sent son ongle maligne.

Pendant qu'à la plumer l'autour est occupé,
Lui même sous les rets demeure enveloppé.
Oiseleur, laisse-moi, dit-il en son langage:
Je ne t'ai jamais fait de mal.

T. 3.

L

L'oiseleur répartit: Ce petit animal
T'en avait-il fait davantage.

FABLE X V I.

Le Cheval et l'Ane.

EN ce monde il se faut l'un l'autre secourir.

Si ton voisin vient à mourir,
C'est sur toi que le fardeau tombe.

Un âne accompagnait un cheval peu courtois ;
Celui-ci ne portant que son simple harnois,
Et le pauvre baudet si chargé qu'il succombe.
Il pria le cheval de l'aider quelque peu ;
Autrement il mourrait devant qu'être à la ville.
La prière, dit-il, n'en est pas incivile:
Moitié de ce fardeau ne vous sera que jeu.
Le cheval refusa, fit une pétarade,

Tant qu'il vit sous le faix mourir son camarade;
Et reconnut qu'il avait tort.

Du baudet en cette aventure,
On lui fit porter la voiture,
Et la peau par-dessus encor.

FABLE X VI I.

Le Chien qui lâche sa proie pour

l'ombre.

CHACUN
HACUN se trompe ici bas :

On voit courir après l'ombre
Tant de fous, qu'on n'en sait pas,
La plupart du temps, le nombre.

Au chien dont parle Esope, il faut les renvoyer.
Ce chien voyant sa proie en l'eau représentée,
La quitta pour l'image, et pensa se noyer:
La rivière devint tout-d'un-coup agitée,
A toute peine il regagna les bords ;
Et n'eût ni l'ombre ni le corps.

FABLE XVIII.

Le Chartier embourbé.

LE Phaeton d'une voiture à foin

Vitson char embourbé. Le pauvre homme était loin De tout humain secours. C'était à la campagne, Près d'un certain canton de la Basse-Bretagne, Appelé Quimper-Corentin.

On sait assez que le Destin

Adresse là les gens, quand il veut qu'on enrage: Dieu nous préserve du voyage.

Pour venir au chartier embourbé dans ces lieux,
Le voilà qui déteste et jure de son mieux,
Pestant en sa fureur extrême,

Tantôt contre les trous, puis contre ses chevaux,
Contre son char, contre lui-même.
Il invoque à la fin le dieu, dont les travaux
Sont si célèbres dans le monde.
Hercule, lui dit-il, aide-moi : si ton dos
A porté la machine ronde,

Ton bras peut me tirer d'ici.:
Sa prière étant faite, il entend dans la nue
Une voix qui lui parle ainsi :
Hercule veut qu'on se remue,
Puis il aide les gens. Regarde d'où provient
L'achoppement qui te retient:

Ote d'autour de chaque roue

Ce malheureux mortier, cette maudite boue,
Qui jusqu'à l'essieu les enduit.

Prends ton pic et me romps ce caillou qui te nuit:
Comble-moi cette ornière.As-tu fait?Oui,dit l'homme.
Orbien je vais t'aider, dit la voix: prends ton fouet.
Je l'ai pris. Qu'est ceci? mon char marche à souhait!
Hercule en soit loué. Lors la voix : Tu vois comme
Tes chevaux aisément se sont tirés de là.

Aide-toi, le ciel t'aidera.

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FABLE X I X.

Le Charlatan.

LE monde n'a jamais manqué de charlatans.

Cette science, de tout temps,
Fut en professeurs très-fertile.
Tantôt l'un en théâtre affronte l'Achéron;

Et l'autre affiche par

la ville

Qu'il est un passe-Cicéron.

Un des derniers se vantait d'être
En éloquence si grand maître,
Qu'il rendrait disert un badaud,

Un manant, un rustre, un lourdaud :
Oui, messieurs, un lourdaud, un animal, un âne:
Que l'on m'amène un âne, un âne renforcé,
Je le rendrai maître passé,

Et veux qu'il porte la soutane.

Le prince sut la chose : il manda le rhéteur.
J'ai, dit-il, en mon écurie,

Un fort beau roussin d'Arcadie,

J'en voudrais faire un orateur.

Sire, vous pouvez tout,reprit d'abord notre homme.

On lui donna certaine somme.

Il devait au bout de dix ans

Mettre son âne sur les bancs:

Sinon, il consentait d'être en place publique

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