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FABLE X X.

L'Ours et les deux Compagnons.

DEUX

EUX Compagnons pressés d'argent,

A leur voisin fourreur vendirent

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Mais qu'ils tueraient bientôt,du moins à ce qu'ils dirent,
C'était le roi des ours, au compte de ces gens :
Le marchand à sa peau devait faire fortune:
Elle garantirait des froids les plus cuisans,
On en pourrait fourrer plutôt deux robes qu'une.
Dindenaut prisait moins ses moutons, qu'eux leur ours,
Leur, à leur compte, et non à celui de la bête.
S'offrant de la livrer au plus tard dans deux jours,
Ils conviennent de prix, et se mettent en quête,
Trouvent l'ours qui s'avance et vient vers eux au trot.
Voilà mes gens frappés comme d'un coup de foudre.
Le marché ne tint pas, il fallut le résoudre :
D'intérêt contre l'ours, on n'en dit pas un mot.
L'un des deux compagnons grimpe au faîte d'un arbre;
L'autre plus froid que n'est un marbre,
Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent,
Ayant quelque part ouï dire

Que l'ours s'acharne peu souvent

Sur un corps qui ne vit, ne meut, ni ne respire.

Seigneur ours, comme un sot, donna dans ce panneau:

.

Il voit ce corps gisant, le croit privé de vie ;
Et, de peur de supercherie,

Le tourne, le retourne, approche son museau,
Flaire aux passages de l'haleine.

C'est, dit-il, un cadavre : ôtons-nous, car il sent.
A ces mots, l'ours s'en va dans la forêt prochaine.
L'un de nos deux marchands de son arbre descend,
Court à son compagnon, lui dit que c'est merveille,
Qu'il n'ait eu seulement que la peur pour tout mal.
Eh bien ! ajouta-t-il, la peau de l'animal ?
que t'a-t-il dit à l'oreille?
Car il t'approchait de bien près,
Te retournant avec sa serre.

Mais

Il m'a dit qu'il ne faut jamais

Vendre la peau de l'ours qu'on ne l'ait mis par terre.

FABLE X X I.

L'Ane vêtu de la

DE la

peau du Lion.

E la peau du lion l'âne s'étant vêtu
Etait craint par-tout à la ronde;
Et, bien qu'animal sans vertu,

Il faisait trembler tout le monde..
Un petit bout d'oreille échappé par malheur,
Découvrit la fourbe et l'erreur.

Martin fit alors son office.

Ceux qui ne savaient pas la ruse et la malice,

S'étonnaient de voir que Martin
Chassât les lions au moulin.

Force

gens

font du bruit en France,

Par qui cet apologue est rendu familier.
Un équipage cavalier

Fait les trois quarts de leur vaillance.

FABLE PREMIÈRE.

Le Pâtre et le Lion.

Les fables ne sont pas ce qu'elles semblent être :
Le plus simple animal nous y tient lieu de maître.
Une morale nue apporte de l'ennui :

Le conte fait passer le précepte avec lui.

En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire ;
Et conter pour conter me semble peu d'affaire.
C'est par cette raison qu'égayant leur esprit,
Nombre de gens fameux en ce genre ont écrit.
Tous ont fui l'ornement et le trop d'étendue.
On ne voit point chez eux de parole perdue.
Phèdre était si succinct, qu'aucuns l'en ont blâmé.
Esope en moins de mots s'est encore exprimé.
Mais sur tous, certain Grec enchérit et se pique
D'une élégance laconique,

Il enferme toujours son conte en quatre vers:
Bien ou mal, je le laisse à juger aux experts.
Voyons-le avec Esope en un sujet semblable.
L'un amène un chasseur,l'autre un pâtre en sa fable.
J'ai suivi leur projet quant à l'événement,
Y cousant en chemin quelque trait seulement.
Voici comme, à-peu-près, Esope le raconte.

Un

Un pâtre à ses brebis trouvant quelque mécompte,
Voulut, à toute force, attraper le larron.

Il s'en va près d'un antre, et tend à l'environ
Des lacs à prendre loups,soupçonnant cette engeance.
Avant que partir de ces lieux,

Si tu fais, disait-il, ô monarque des dieux,
Que le drôle à ces lacs se prenne en ma présence,
Et que je goûte ce plaisir,

Parmi vingt veaux je veux choisir

Le plus gras, et t'en faire offrande.

A ces mots sort de l'antre un lion grand et fort.
Le pâtre se tapit, et dit, à demi mort :
Que l'homme ne sait guère,hélas!ce qu'il demande!
Pour trouver le larron qui détruit mon troupeau,
Et le voir dans ces lacs pris avant que je parte,
monarque des dieux, je t'ai promis un veau;
Je te promets un boeuf si tu fais qu'il s'écarte !

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C'est ainsi que

l'a dit le principal auteur:

Passons à son imitateur.

FABLE I I.

Le Lion et le Chasseur.

UN fanfaron, amateur de la chasse,
Venant de perdre un chien de bonne race,
Qu'il soupçonnait dans le corps d'un lion,

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