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Si l'on me croit, chacun s'y résoudra.

Votre avis est fort bon, dit quelqu'un de la troupe ;
Mais tournez-vous, de grace, et l'on vous répondra.
A ces mots il se fit une telle huée,

Que le pauvre écourté ne put être entendu.
Prétendre ôter la qneue eût été temps perdu:
La mode en fut continuée.

FABLE V I.

La Vieille et les deux Servantes.

IL était une vieille ayant deux chambrières:
Elles filaient si bien, que les sœurs filandières
Ne faisaient que brouiller au prix de celles-ci.
La vieille n'avait point de plus pressant souci
Que de distribuer aux servantes leur tâche:
Dès que Thétis chassait Phébus aux crins dorés,
Tourets entraient en jeu, fuseaux étaient tirés,
Deçà, delà, vous en aurez :

Point de cesse, point de relâche.

Dès que l'Aurore, dis-je, en son char remontait,
Un misérable coq à point nommé chantait :
Aussi-tôt notre vieille, encor plus misérable,
S'affublait d'un torchon crasseux et détestable,
Allumait une lampe, et courait droit au lit,
Où, de tout leur pouvoir, de tout leur appétit,
Dormaient les deux pauvres servantes.

L'une entr'ouvrait un œil, l'autre étendait un bras;

Et toutes deux, très-mal contentes,

Disaient entre leurs dents: Maudit coq! tu mourras!
Comme elles l'avaient dit, la bête fut grippée:
Le réveille-matin eut la gorge coupée.

Ce meurtre n'amenda nullement leur marché.
Notre couple, au contraire, à peine était couché,
Que la vieille, craignant de laisser passer l'heure,
Courait comme un lutin par toute sa demeure.

C'est ainsi que, le plus souvent,

Quand on pense sortir d'une mauvaise affaire, On s'enfonce encor plus avant:

Témoin ce couple et son salaire.

La vieille, au lieu du coq, les fit tomber par-là, De Caribde en Scylla.

FABLE VII.

Le Satyre et le Passant.

AU fond d'un antre sauvage,
Un satyre et ses enfans,
Allaient manger leur potage,
Et prendre l'écuelle aux dents.

On les eût vus sur la mousse,
Lui, sa femme et maint petit:

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Ils n'avaient tapis ni housse,
Mais tous fort bon appétit.

Pour se sauver de la pluie,
Entre un passant morfondu.
Au brouet on le convie,
Il n'était pas attendu.

Son hôte n'eut pas la peine
De le semondre deux fois.
D'abord, avec son haleine,
Il se réchauffe les doigts:

Puis sur les mets qu'on lui donne,
Délicat, il souffle aussi.

Le satyre s'en étonne :

Notre hôte! à quoi bon ceci?

L'un refroidit mon potage,
L'autre réchauffe ma main.

Vous pouvez, dit le sauvage,
Reprendre votre chemin.

Ne plaise aux dieux que je couche

Avec vous, sous même toît.

Arrière ceux dont la bouche

Souffle le chaud et le froid.

FABLE VIII.

FABLE VIII.

Le Cheval et le Loup.

UN certain loup, dans la saison
Que les tièdes zéphirs ont l'herbe rajeunie,
Et que les animaux quittent tous la maison,
Pour s'en aller chercher leur vie ;

Unloup, dis-je, au sortir des rigueurs de l'hiver,
Apperçut un cheval qu'on avait mis au vert.
Je laisse à penser quelle joie.

Bonne chasse, dit-il, qui l'aurait à son croc !
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que n'es-tu mouton! car tu me serais hoc:
Au lieu qu'il faut ruser pour avoir cette proie.
Rusons donc. Ainsi dit, il vient à pas comptés,
Se dit écolier d'Hippocrate;
Qu'il connaît les vertus et les propriétés
De tous les simples de ces prés;

Qu'il sait guérir, sans qu'il se flatte, Toutes sortes de maux. Si dom coursier voulait Ne point céler sa maladie,

Lui loup gratis le guérirait.

Car le voir dans cette prairie

Paître ainsi sans être lié,

Témoignait quelque mal, selon la médecine.

J'ai, dit la bête chevaline, Une apostume sous le pied. T. 3.

I

Mon fils, dit le docteur, il n'est point de partie
Susceptible de tant de maux.

J'ai l'honneur de servir nosseigneurs les chevaux,
Et lais aussi la chirurgie.

Mon galant ne songeait qu'à bien prendre son temps,
Afin de happer son malade.

L'autre, qui s'en doutait, lui lâche une ruade,
Qui vous lui met en marmelade,

Les mandibules et les dents.

C'est bien fait, dit le loup en soi-même fort triste;
Chacun à son métier doit toujours s'attacher.
Tu veux faire ici l'herboriste,
Et ne fus jamais que boucher.

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Le Laboureur et ses Enfans.

TRAVAILLEZ, prenez de la peine :

C'est le fonds qui manque le moins.

Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine, Fit venir ses enfans, leur parla sans témoins. Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage Que nous ont laissé nos parens:

Un trésor est caché dedans.

Je ne sais

pas l'endroit : mais un peu de

courage

Vous le fera trouver; vous en viendrez à bout.

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