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Lors, une d'or à l'homme étant montrée,
Il répondit: Je n'y demande rien.
Une d'argent succède à la première:
Il la refuse. Enfin une de bois.
Voilà, dit-il, la mienne cette fois :
Je suis content si j'ai cette dernière.'
Tu les auras, dit le dieu, toutes trois :
Ta bonne foi sera récompensée.
En ce cas-là je les prendrai, dit-il.
L'histoire en est aussi-tôt dispersée.
Et boquillons de perdre leur outil,
Et de crier pour se le faire rendre.
Le roi des dieux ne sait auquel entendre.
Son fils Mercure aux criards vient encor:
A chacun d'eux il en montre une d'or.
Chacun eût cru passer pour une bête,
De ne pas dire aussi-tôt : La voilà.
Mercure, au lieu de donner celle-là,
Leur en décharge un grand coup sur la tête.

Ne point mentir, être content du sien ;

:

C'est le plus sûr cependant on s'occupe
A dire faux pour attraper du bien.

Que sert cela? Jupiter n'est pas dupe.

FABLE I I.

Le Pot de terre et le Pot de fer.

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Au pot de terre un voyage.
Celui-ci s'en excusa,
Disant qu'il ferait que sage,

De garder le coin du feu ;
Car il lui fallait si peu,

Si

peu, que la moindre chose
De son débris serait cause:
Il n'en reviendrait morceau.
Pour vous, dit-il, dont la peau
Est plus dure que la mienne.
Je ne vois rien qui vous tienne.
Nous vous mettrons à couvert,
Répartit le pot de fer:
Si quelque matière dure
Vous menace d'aventure,
Entre deux je passerai,
Et du coup vous sauverai.
Cette offre le persuade.
Pot de fer, son camarade,
Se met droit à ses côtés.

Mes gens

s'en vont à trois pieds,

Clopin, clopant, comme ils peuvent,

L'un contre l'autre jetés,

Au moindre hoquet qu'ils treuvent.

Le pot de terre en souffre: il n'eut pas fait cent pas,
Que par son compagnon il fut mis en éclats,
Sans qu'il eût lieu de se plaindre.

Ne nous associons qu'avecque nos égaux,
Ou bien, il nous faudra craindre
Le destin d'un de ces pots.

FABLE II I.

Le petit Poisson et le Pêcheur.

PETIT

T poisson deviendra grand,
Pourvu que Dieu lui prête vie.
Mais le lâcher en attendant,

Je tiens pour moi que c'est folie:
Car de le ratraper, il n'est pas trop certain.

Un carpeau qui n'était encore que fretin,
Fut pris par un pêcheur au bord d'une rivière.
Tout fait nombre,dit l'homme, en voyant son butin,
Voilà commencement de chère et de festin:

Mettons-le en notre gibecière.
Le pauvre carpillon lui dit en sa manière:
Que ferez-vous de moi? Je ne saurais fournir
Au plus qu'une demi-bouchée.
Laissez-moi carpe devenir;

Je serai par vous repêchée.

Quelque gros partisan m'achetera bien cher :
Au lieu qu'il vous en faut chercher,

Peut-être encor cent de ma taille,

Pour faire un plat. Quel plat ! croyez-moi, rien qui vaille
Rien qui vaille! et bien! soit, répartit le pêcheur:
Poisson, mon bel ami, qui faites le prêcheur,
Vous irez dans la poële; et, vous avez beau dire,
Dès ce soir on vous fera frire.

Un TIENS Vaut, ce dit-on, mieux que deux TU L'AURAS. L'un est sûr, l'autre ne l'est pas.

FABLE I V.

Les Oreilles du Lièvre.

UN animal cornu blessa de quelques coups
Le lion, qui, plein de courroux
Pour ne plus tomber en la peine,

Bannit des lieux de son domaine
Toute bête portant des cornes à son front.
Chèvres, béliers, taureaux, aussi-tôt délogèrent;
Daims et cerfs de climat changèrent :
Chacun à s'en aller fut prompt.

Un lièvre appercevant l'ombre de ses oreilles,
Craignit que quelque inquisiteur,

N'allât interprêter à cornes leur longueur,

d'ici:

Ne les soutînt en tout à des cornes pareilles.
Adieu, voisin grillon, dit-il, je pars
Mes oreilles enfin seraient cornes aussi ;
Etquand je les aurais plus courtes qu'une autruche,
Je craindrais même encor. Le grillon répartit:
Cornes cela! Vous me prenez pour cruche!
Ce sont oreilles que Dieu fit.

On les fera passer pour cornes,

Dit l'animal craintif, et cornes de licornes.
J'aurai beau protester: mon dire et mes raisons
Iront aux petites maisons.

FABLE V.

Le Renard qui a la queue coupée. UN vieux renard, mais des plus fins, Grand croqueur de poulets, grand preneur de lapins, Sentant son renard d'une lieue

Fut enfin au piége attrapé.

Par grand hasard en étant échappé,

Non
pas franc, car pour gage il y laissa sa queue,
S'étant, dis-je, sauvé, sans queue et tout honteux,
Pour avoir des pareils, (comme il était habile)
Un jour que les renards tenaient conseil entr'eux:
Que faisons-nous, dit-il, de ce poids inutile,
Et qui va balayant tous les sentiers fangeux?
Que nous sert cette queue? Il faut qu'on se la coupe:

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