On en vient au partage, on conteste, on chicane : Le juge sur cent points tour-à-tour les condamne. Créanciers et voisins reviennent aussi-tôt,
Ceux-là sur une erreur, ceux-ci sur un défaut. Les frères désunis sont tous d'avis contraire: L'un veut s'accommoder, l'autre n'en veut rien faire. Tous perdirent leur bien; et voulurent, trop tard, Profiter de ces dards unis, et pris à part.
VOULOIR tromper le ciel, c'est folie à la terre.
Le dédale des cœurs en ses détours n'enserre Rien qui ne soit d'abord éclairé par les dieux. Tout ce que l'homme fait, il le fait à leurs Même les actions que dans l'ombre il croit faire. Un païen, qui sentait quelque peu le fagot, Et qui croyait en Dieu, pour user de ce mot,
Par bénéfice d'inventaire,
Alla consulter Apollon.
Dès qu'il fut en son sanctuaire,
que je tiens, dit-il, est-il en vie, ou non? Il tenait un moineau, dit-on,
Près d'étouffer la pauvre bête, Ou de la lâcher aussi-tôt, Pour mettre Apollon en défaut.
Apollon reconnut ce qu'il avait en tête. Mort ou vif, lui dit-il, montre-nous ton moineau, Et ne me tends plus de panneau, Tu te trouverais mal d'un pareil stratagême. Je vois de loin; j'atteins de même.
L'Avare qui a perdu son Trésor.
L'USAGE seulement fait la possession. Je demande à ces gens de qui la passion Est d'entasser toujours, mettre somme sur somme, Quel'avantage ils ont que n'ait pas un autre homme. Diogène là-bas est aussi riche qu'eux;
Et l'avare ici-haut, comme lui, vit en gueux. L'homme au trésor caché, qu'Esope nous propose, Servira d'exemple à la chose.
Ce malheureux attendait,
Pour jouir de son bien, une seconde vie, Ne possédait pas l'or, mais l'or le possédait. Il avait dans la terre une somme enfouie, Son cœur avec, n'ayant autre déduit Que d'y ruminer jour et nuit,
Et rendre sa chevance à lui-même sacrée.
Qu'il allât ou qu'il vint, qu'il bût ou qu'il mangeât, On l'eût pris de bien court,à moins qu'il ne songeât
À l'endroit où gisait cette somme enterrée. Il y fit tant de tours, qu'un fossoyeur le vit, Se douta du dépôt, l'enleva sans rien dire. Notre avare un beau jour ne trouva que le nid. Voilà mon homme aux pleurs : il gémit, il soupire, Il se tourmente, il se déchire.
Un passant lui demande à quel sujet ses cris. C'est mon trésor que l'on m'a pris. Votre trésor? où pris? Tout joignant cette pierre. Eh! sommes-nous en temps de guerre Pour l'apporter si loin? N'eussiez-vous pas mieux fait De le laisser chez vous en votre cabinet,
Que de le changer de demeure ?
Vous auriez pu sans peine y puiser à toute heure. A toute heure! bons dieux! ne tient-il qu'à cela? L'argent vient-il comme il s'en va?
Jen'y touchais jamais. Dites-moi donc, de grace, Reprit l'autre, pourquoi vous vous affligez tant: Puisque vous ne touchiez jamais à cet argent, Mettez une pierre à la place,
Elle vous vaudra tout autant.
UN cerf s'étant sauvé dans une étable à bœufs, Fut d'abord averti par eux,
Qu'il cherchât un meilleur asyle.
Mes frères, leur dit-il, ne me décélez pas : Je vous enseignerai les pâtis les plus gras: Ce service vous peut quelque jour être utile; Et vous n'en aurez pas regret.
Les bœufs, à toutes fins, promirent le secret. Ilse cache en un coin, respire et prend courage. Sur le soir on apporte herbe fraîche et fourrage, Comme l'on faisait tous les jours.
L'on va, l'on vient, les valets font cent tours, L'intendant même ; et pas un d'aventure, N'apperçut ni cor, ni ramure,
Ni cerf enfin. L'habitant des forêts Rend déja grace aux bœufs,attend dans cette étable Que chacun retournant au travail de Cérès, Il trouve pour sortir un moment favorable. L'un des bœufs ruminant lui dit: Cela va bien; Mais quoi? l'homme aux cent yeux n'a pas fait sa revue Je crains fort pour toi sa venue.
Jusques-là, pauvre cerf, ne te vantes de rien. Là-dessus le maître entre, et vient faire sa ronde.
Qu'est ceci? dit-il à son monde,
Je trouve bien peu d'herbe en tous ces râteliers. Cette litière est vieille; allez vîte aux greniers. Je veux voir désormais vos bêtes mieux soignées. Que coûte-t-il d'ôter toutes ces araignées? Ne saurait-on ranger ces jougs et ces colliers? En regardant à tout, il voit une autre tête Que celles qu'il voyait d'ordinaire en ce lieu. Le cerf est reconnu, chacun prend un épieu : Chacun donne un coup à la bête.
Ses larmes ne sauraient la sauver du trépas. On l'emporte, on la sale, on en fait maint repas, Dont maint voisin s'éjouit d'être.
Phèdre, sur ce sujet, dit fort élégamment: Il n'est pour voir que l'œil du maître. Quant à moi, j'y mettrais encor l'œil de l'amant.
L'Alouette et ses Petits, avec le Maître d'un champ.
NE t'attends qu'à toi seul, c'est un commun proverbe.
Voici comme Esope le mit
Les alouettes font leur nid
Dans les blés quand ils sont en herbe,
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