Page images
PDF
EPUB

maternel de l'historien; et Larcher, qui prend la peine de poser cette question, est obligé d'avouer qu'il n'y rien de certain là-dessus : ce sont ses terines.

Une Artémise, reine de Carie, plus ancienne que celle qui fut l'épouse de Mausole, était morte en 484, année de la naissance d'Hérodote. Cette princesse était l'aïeule du Lygdamis qui fit périr Panyasis avant 457, probablement en 459 ou 460. Ainsi, Hérodote n'était âgé que de vingt-quatre à vingt-six ans quand son oncle mourut. Menacé sans doute lui-même, et ne pouvant supporter cette odieuse tyrannie, il s'enfuit d'Halicarnasse et se retira à Samos; c'est du moins ce que disent, d'après Suidas, Rollin, Bouhier et Wesseling. Larcher suppose au contraire qu'Hérodote, avant la mort de Panyasis, avait déjà voyagé en Grèce, en Asie, en Égypte, en Libye, à Tyr, en Palestine, en Colchide, en Thrace et en Macédoine. Il entreprit, selon Larcher, dans un âge peu avancé ces longs et pénibles voyages, pour étendre les connaissances qu'une excellente éducation lui avait données, et pour se mettre en état d'écrire un jour l'histoire. Les livres d'Hécatée, de Xanthus, d'Hellanicus et de Charon de Lampsaque venaient d'exciter en lui cette émulation. Il avait sans doute, dit encore Larcher, dévoré les ouvrages agréables, intéressants de ces historiens. Suidas n'en sait pas tant, et, si l'on s'en tenait à sa notice, on croirait qu'Hérodote n'est sorti d'Halicarnasse que vers 460, et qu'il habita Samos jusqu'en 457; il s'y familiarisait avec le dialecte ionique, le trouvant plus doux que le dorique usité dans sa patrie. On peut conjecturer, si l'on veut, qu'il méditait dès lors le plan, et commençait à rassembler quelques matériaux de son

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

ouvrage. Cependant il conçut, en 457, l'espoir de rétablir la liberté publique dans Halicarnasse, et il vint y opérer une révolution. Voici comment ce fait, d'après deux lignes de Suidas, est amplifié par Larcher : « La tranquillité et les agréments dont il jouissait à Sa« mos n'éteignirent point en lui le goût de la liberté. « Ce goût inné, pour ainsi dire, chez les Grecs, joint «< au pressant désir de la vengeance, lui inspira le des« sein de chasser Lygdamis. Dans cette vue, il se ligua « avec les mécontents et surtout avec les amis de la « liberté. Lorsqu'il crut la partie assez bien liée, il re<< parut tout à coup à Halicarnasse, et, s'étant mis à « la tête des conjurés, il chassa le tyran. Cette action généreuse n'eut d'autre récompense que la plus noire ingratitude. Il fallait établir une forme de gouver« nement qui conservât à tous les citoyens l'égalité, «< ce droit précieux que tous les hommes apportent << en naissant. Mais cela n'était guère possible dans <«< une ville partagée en factions, où des citoyens s'imaginaient avoir, par leur naissance et par leurs riches«ses, le privilége de gouverner, et d'exclure des hon<«<neurs la classe mitoyenne, ou même de la vexer. « L'aristocratie, la pire espèce de tous les gouverne«ments (c'est toujours Larcher qui parle) était leur «< idole favorite. Ce n'était pas l'amour de la liberté qui << les avait armés contre le tyran, mais le désir de s'at<<< tribuer son autorité et de régner avec le même despo<«< tisme. La classe mitoyenne et le peuple qui avaient «< eu peu de chose à redouter du tyran, crurent perdre << au change, en voyant le gouvernement entre les << mains d'un petit nombre de citoyens dont il fallait as«< souvir l'avidité, redouter les caprices et même les

[ocr errors]

« soupçons. Hérodote devint odieux aux uns et aux « autres; à ceux-ci, parce qu'ils le regardaient comme <«< l'auteur d'une révolution qui avait tourné à leur

désavantage; à ceux-là, parce qu'ils le regardaient «< comme un ardent défenseur de la démocratie. En << butte aux deux factions qui partageaient l'État, il dit « un éternel adieu à sa patrie et partit pour la Grèce. »

Je le répète, Messieurs, ces détails ne sont puisés qu'en deux lignes de Suidas, mais n'ont rien d'invraisemblable, et ils font honneur à Hérodote, encore plus à son traducteur. On aime toujours à retrouver dans ceux qui cultivent les lettres, et particulièrement l'histoire, des amis de la liberté publique et de l'égalité des droits. On est surtout heureux d'apprendre que l'homme de génie qui a créé la science des faits, a été le libérateur de sa patrie, et n'a voulu être le complice d'aucune usurpation. On saisit d'avance, dans la personne même d'Hérodote et dans ses actions, le véritable esprit de l'histoire. Mais nous devons tracer, et coordonner, s'il est possible, les principales époques de sa vie. Il est certain qu'il a voyagé, il nous l'apprend lui-même; qu'il a composé une histoire en neuf livres, elle est entre nos mains; et qu'il en a fait une lecture ou des lectures publiques, c'est un fait rapporté, bien avant Suidas, par Lucien, Aulu-Gelle et d'autres auteurs. Ce qui est difficile, c'est d'assigner des dates précises à ces lectures, à cette composition, à ces voyages: plusieurs savants, tels que Paulmier de Grantemesnil et Fabricius, y ont renoncé.

Larcher, comme nous venons de le voir, place le plus long cours des voyages d'Hérodote avant la mort de Panyasis, et remet ensuite l'historien en marche,

entre les années 456 et 444, pour visiter plus attentivement toutes les parties de la Grèce. En 444, il le transporte à Thurium où les Athéniens envoyaient une colonie, et ne l'en fait plus sortir que pour parcourir quelques autres villes de la Grande-Grèce ou Italie Méridionale. Mais, selon Bouhier, Hérodote n'est pas sorti d'Halicarnasse avant la mort de son oncle. Il se retire alors à Samos, en part pour voyager en Asie, en Afrique et en Europe, revient à Samos peu avant 457, rentre dans Halicarnasse, chasse Lygdamis, et, fatigué bientôt des troubles que les factions excitent, s'associe à la colonie athénienne qui va s'établir, en 444, à Thurium, non loin du lieu où avait existé Sybaris. D'autres ne font commencer les grands voyages de l'historien, qu'après son second départ d'Halicarnasse. Ils les placent entre 457 et 444, époque où la colonie de Thurium, s'établit. Ce troisième système me semblerait le plus naturel; mais il faut savoir s'il s'accorde avec les hypothèses relatives au temps et au lieu de la composition de l'ouvrage d'Hérodote. Je dis les hypothèses, car c'est là aussi un sujet de controverse.

Larcher, qui a fait voyager Hérodote dans les trois parties du globe, avant sa retraite à Samos, lui fait employer son séjour dans cette île à la composition de son ouvrage. C'est là du moins que l'historien met en ordre tous les matériaux qu'il a recueillis, se trace un plan et achève les premiers livres, avant d'être âgé de vingt-sept ans. Les autres livres furent écrits dans le cours des douze années suivantes, en même temps que l'auteur parcourait, pour mieux s'instruire encore, les divers cantons de la Grèce. L'ouvrage entier fut retouché à Thurium, et enrichi de quelques

additions. L'opinion de Bouhier est qu'il fut commencé à Samos, lorsque Hérodote y revint après avoir parcouru les contrées asiatiques, africaines et européennes; mais que tout le reste ne fut composé qu'à Thurium, où furent aussi corrigés, augmentés, perfectionnés les premiers articles esquissés à Samos. Dans une troisième hypothèse, qui n'est pas la moins probable, Hérodote, durant son séjour à Samos depuis la mort de Panyasis jusqu'à l'expulsion de Lygdamis, aurait conçu le plan de son ouvrage, et en aurait écrit toutes les parties, dont les matériaux étaient déjà à sa disposition, en conséquence de ses lectures, de ses études et de ses souvenirs; il aurait, après 457, porté avec lui ce travail dans ses voyages, et l'aurait successivement rectifié et enrichi, à mesure que de nouvelles recherches et de nouvelles observations auraient étendu ses connaissances; enfin il y aurait mis la dernière main à Thurium, en y ajoutant des faits arrivés depuis 444, et les renseignements obtenus par ses excursions dans la Grande-Grèce. Il y a eu, Messieurs, un quatrième système, mais qui est aujourd'hui tout à fait abandonné; il consistait à dire qu'Hérodote n'a commencé d'écrire qu'à Thurium. Pline l'Ancien le croyait ainsi : il indiquait l'an 310 de Rome (444 avant J. C.) comme l'époque où cette histoire avait été écrite à Thurium en Italie: Anno urbis nostræ trecentesimo decimo.... auctor ille, (Herodotus) historiam eam condidit Thuriis in Italia. Des Vignoles s'est attaché à cette idée, et, malgré sa réputation d'habileté en chronologie, il ne l'a point accréditée. On a remarqué, dans les livres d'Hérodote, bien des passages qui n'ont pu être écrits qu'après

« PreviousContinue »