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HISTORIQUES.

HÉRODOTE.

PREMIÈRE LEÇON.

PLAN GÉNÉRAL D'OBSERVATIONS SUR CHACUN DES

PRINCIPAUX HISTORIENS.

MESSIEURS, nous nous sommes efforcés, depuis deux ans, de rassembler et de coordonner toutes les notions nécessaires pour entreprendre avec fruit la lecture des livres d'histoire; et, si ces notions nous demeurent toutes bien présentes, désormais nos études, quoique toujours graves et sérieuses, nous doivent devenir de plus en plus faciles. Si vous demandez quels sont ceux de ces livres qu'il convient de choisir, quel ordre est à suivre dans ces lectures, et quel résultat il y faut chercher, les réponses à ces trois questions vont se déduire aisément des notions préliminaires que nous avons acquises.

Les livres d'histoire, quoique nous en ayons tant perdu, sont innombrables. Le simple catalogue de ceux qui concernent le seul royaume de France, remplit cinq volumes in-folio qu'on achevait d'imprimer en 1778; il contient les titres d'environ cinquante mille ouvrages composés avant cette époque sur les diverses

VIII.

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parties des annales françaises. Jugez de l'immensité d'une collection de toutes les histoires, conduite jusqu'à l'époque actuelle. La partie historique est ordinairement considérée comme l'une des cinq grandes divisions des vastes bibliothèques; et, lorsqu'elle y est je ne dis pas complète, ce qui est presque impossible, mais d'une richesse suffisante, elle occupe en effet, dans ces vastes dépôts, près d'un tiers de l'espace. On ne peut donc concevoir la pensée d'entreprendre un tel cours de lectures. C'est une mer sans rivages. La plus longue vie, plusieurs vies humaines n'y suffiraient pas; et, à vrai dire, elles seraient assez mal employées à un pareil travail. Les livres d'histoire, comme tous les autres genres de livres, peuvent se diviser en trois ordres. D'abord il y en a des milliers qui ne sont à peu près bons à rien, parce qu'ils manquent d'exactitude dans les choses, d'élégance ou même de correction dans les formes, et que ce qu'ils contiennent de plus tolérable se rencontre ailleurs plus convenablement exposé. Une seconde classe de livres, non moins nombreuse, se compose de ceux qu'il y a lieu quelquefois de consulter, mais dont la lecture serait sans profit comme sans intérêt pour quiconque n'a point entrepris certaines recherches, certains travaux particuliers qu'ils peuvent faciliter accidentellement. C'est ainsi que nous avons prescrit à l'historien lui-même l'examen de toutes les relations, propres à lui fournir les éléments de l'ouvrage qu'il médite. Il recueillera, confrontera ces relations, précisément pour nous dispenser d'y recourir. De tels livres ne sauraient entrer dans un plan général d'études. Tout au plus est-il à propos de savoir qu'ils existent, d'en connaître plu

sieurs par leurs titres, ou par les noms de leurs auteurs, afin d'y puiser quelques renseignements au besoin. Il en existe au surplus assez de catalogues et de notices bibliographiques. Si donc on écarte, d'une part les livres inutiles même à consulter, de l'autre ceux dont on ne fait usage que lorsqu'on se trouve, par occasion ou par nécessité, entraîné, condamné à les ouvrir, une troisième classe, bien moins volumineuse que chacune des deux précédentes, se formera d'ouvrages réellement instructifs, où tout le fond de la science historique sera compris, et revêtu de ses formes les plus heureuses.

Je parle des formes, parce qu'elles sont des signes plus certains qu'on ne croit de la valeur du fond. Il est extrêmement rare que des livres mal composés, mal écrits, soient utiles à l'instruction commune; il l'est aussi que l'art d'écrire atteigne un haut degré de perfection, sans jeter de vives lumières sur la matière à laquelle il s'applique. Ainsi nous étudierons les grands historiens anciens et modernes, ceux qui sont véritablement classiques et qui ont mérité ce titre par les caractères de leur style. On a fort prodigué ce titre de classique; c'est le sort de toutes les qualifications honorables: on l'a étendu à tout ce qui nous reste de l'antiquité grecque et latine, même à des fragments dont l'authenticité est douteuse, à des opuscules fort médiocres, à des abrégés arides, à des recueils indigestes. Les littératures anciennes n'ont pas eu, plus que les nouvelles, le bonheur de ne produire que des chefs-d'œuvre; et il s'en faut qu'à cet égard le temps ait fait un triage parfaitement équitable, puisqu'il a détruit une si grande partie des œuvres de Tite-Live

et de Tacite, tandis qu'il nous a conservé les épitomes de Florus et d'Ampélius. Nous donnerons peu d'attention à ces livrets antiques, et nous en rejetterons beaucoup parmi les écrits à consulter plutôt qu'à lire. Nous ne reviendrons pas non plus sur quelques faibles débris ou extraits des ouvrages de Ctésias, d'Éphore, de Théopompe, de Timée et de plusieurs autres historiens. Je vous les ai indiqués en traitant des sources particulières de la chronologie ancienne; et vous avez va quel usage les chronographes ecclésiastiques ont fait des écrits de ces auteurs. L'histoire proprement dite n'en saurait tirer aucun profit. J'aurai à vous entretenir d'ouvrages plus étendus, plus importants, plus célèbres.

Je ne me bornerai pourtant pas toujours à ceux qui se recommandent par la beauté du style. Il s'en présentera, surtout au moyen âge et dans les siècles modernes, qui, bien que privés de cet avantage, mériteront notre attention par le seul intérêt des matières. Tels sont ceux qui contiennent une branche d'instruction historique, qu'on ne trouverait ailleurs qu'incomplètement et de seconde main. Ce n'est pas qu'il soit utile ni possible de s'arrêter à toutes les histoires originales; encore une fois le détail en serait infini : mais il en est dont la lecture est indispensable à cause de l'importance des faits, ou à raison de circonstances relatives, soit à la personne de l'auteur, soit à la composition de l'ouvrage. Ainsi, quoiqu'on ait fait entrer en des histoires générales une grande partie des faits que renferment celles des Goths par Jornandès, du dixième siècle par Liutprand, de saint Louis par Joinville, un cours d'études où l'on négligerait ces his

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